Madame la ministre des outre-mer, Paul Ricoeur disait : « Ce qui arrive est toujours autre chose que ce que nous avions attendu ».
À lire le projet de réforme des institutions qui nous est annoncé, nous sommes tentés de lui donner raison.
En effet, ce projet de révision s'accompagne de deux projets de loi organique et ordinaire, qui fixent notamment l'interdiction du cumul des mandats électifs dans le temps, au-delà de trois mandats consécutifs. Les Français attendaient une limitation du nombre des mandats, une réduction par rapport à un existant sans contrainte.
Étant issu du privé, je fais partie de ceux qui approuvent cette limitation, gage de renouvellement de la classe politique. Un lagon sans passe est, à l'instar d'une classe politique éternelle, un écosystème qui finit par s'étouffer, faute de renouvellement. Dans les faits, ce qui arrive est conforme, à une exception près, à la Polynésie.
Depuis le gouvernement précédent, des échanges, des réflexions entre les élus polynésiens, le Gouvernement central, le Conseil économique, social et culturel, ont mené aux accords de Papeete, prélude aux accords de l'Elysée. Dès l'arrivée du nouveau Gouvernement, la grande réflexion des Assises de l'outre-mer a été lancée, dont nous aurons les conclusions cette semaine.
Madame la ministre, à aucune des étapes de ces réflexions, à aucun moment de ces échanges, à aucune tribune politique récente ne s'est exprimé le besoin, ou même l'envie, d'augmenter le nombre de mandats successifs du président de l'exécutif local de Polynésie. C'est pourtant ce que propose le projet de réforme, qui tend à modifier l'article 74 de la loi organique, portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Cette modification, paradoxalement, introduit une augmentation et non une diminution du nombre de mandats successifs, qui passerait alors de deux à trois.
Madame la ministre, c'est à l'unanimité que l'Assemblée de Polynésie s'est prononcée, le 7 juin dernier, contre ce projet de réforme. Le Gouvernement persistera-t-il à aller jusqu'au bout du paradoxe, pour donner raison à Paul Ricoeur ? Mauruuru e te aroha la rahi.