Madame la ministre, vous êtes réputée pour votre expérience de directrice des ressources humaines, laquelle vous donne un regard avisé sur les relations sociales au sein de l'entreprise. Nous avons appris qu'en 2013 vous avez levé votre option d'achat sur les stock-options de Danone, votre employeur de l'époque, réalisant ainsi une opération juteuse, puisqu'elle vous a permis de dégager un bénéfice de 1,19 million d'euros, largement dû à l'annonce de 900 suppressions de poste dans la société, partout en Europe.
La question ici n'est pas de savoir si cette opération a été réalisée de manière délibérée ou non – ce n'est pas à nous d'en juger ; mais force est de constater que, délibérément ou non, vous avez bénéficié d'une somme importante suite à des licenciements. À l'heure où le Gouvernement prétend moraliser la vie publique, considérez-vous cela comme moral ?
En ce qui concerne plus précisément le texte, nous avons appris dans Les Échos que le Gouvernement envisageait de limiter le périmètre d'appréciation des difficultés économiques de l'entreprise au seul territoire national, ce qui, de notre point de vue, est un moyen de permettre à des entreprises multinationales, qui affichent au plan mondial un bilan florissant, de justifier des licenciements économiques dans notre pays. On peut même imaginer que ces multinationales organiseront artificiellement leur situation déficitaire en France, de manière à pouvoir licencier. Nous avons bien noté que, pour éviter cela, vous comptez a priori faire en sorte que ces licenciements soient considérés comme sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu'une entreprise aura délibérément transféré la trésorerie d'une filiale française vers une filiale étrangère mais, à l'heure où vous prétendez alléger la complexité juridique de notre système, vous compliquez ce faisant la tâche des juges, en leur confiant le soin d'évaluer le bilan de ces sociétés à l'architecture complexe.
Pourquoi réduire à tout prix le périmètre d'appréciation des difficultés économiques ? Quelles simplifications comptez-vous en tirer, si ce n'est celle de la vie des multinationales et de leurs actionnaires, qui pourront, de fait, multiplier les plans sociaux sans craindre que des procédures trop longues et trop complexes n'aboutissent ?