Intervention de Catherine Guillouard

Réunion du mercredi 26 juillet 2017 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Catherine Guillouard :

Je pense, madame la présidente, répondre au détour de mon intervention liminaire aux questions que vous m'avez posées. Bien entendu, si mes réponses vous apparaissent insuffisamment claires ou précises, nous ouvrirons le débat.

C'est pour moi un grand honneur d'être devant vous, sur la proposition du président de la République, pour solliciter votre accord à ma nomination comme présidente directrice générale de la RATP.

La RATP, référence mondiale dans le transport urbain, est une entreprise dynamique, innovante et rentable, dotée d'équipes de très grande qualité. Elle compte plus de 60 000 femmes et hommes au service, tous les jours, de 16 millions de voyageurs, à l'international, en France et en Île-de-France.

Son histoire est celle d'une entreprise responsable au plan environnemental, avec une très forte culture de service public et d'innovations techniques et sociales. La qualité, le dévouement et l'attachement aux valeurs du service public des hommes et des femmes qui la composent font de la RATP une entreprise attachante et performante.

La RATP entretient des relations étroites avec vous, les élus, les collectivités locales et les autorités organisatrices, au premier rang desquelles Île-de-France Mobilités. En tant que gestionnaire d'infrastructures et opérateur de transports, elle joue un rôle majeur dans le développement territorial et économique des communes, des départements et des régions.

Enfin, la RATP est résolument engagée dans une politique de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de réduction de son empreinte environnementale qui fait d'elle une entreprise socialement responsable et un acteur incontournable de la ville durable.

La RATP, entreprise au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens et à la forte notoriété, devra relever dans les prochaines années de nombreux défis. Le premier, structurant, est celui de sa mise en concurrence progressive en Île-de-France : cela va transformer l'entreprise et, plus généralement, le paysage des transports franciliens.

Au quotidien, les principaux défis à relever sont d'une part, dans le contexte que l'on sait, ceux de la sécurité et de la sûreté des voyageurs, des salariés et des installations, d'autre part celui de la qualité de service, le niveau d'exigence des voyageurs et des autorités organisatrices ne cessant, légitimement, de s'accroître.

Mais la RATP doit aussi relever le défi de la conception et de la construction de nouvelles infrastructures de transport pour répondre aux besoins de mobilité grandissants, des Franciliens notamment. De nombreux chantiers sont en cours, de nombreux autres vont s'ouvrir, et l'entreprise devra être capable de les mener à bien dans les délais. Elle devra aussi combattre les émissions de gaz à effet de serre par le recours à des modes de transport peu polluants et sobres en énergie. Elle devra encore relever le défi de l'innovation, auquel s'est déjà attaquée la présidente sortante, Mme Élisabeth Borne, notamment dans le domaine des nouvelles mobilités et des opportunités offertes par la révolution digitale.

C'est une femme particulièrement déterminée qui sollicite votre confiance avec une grande humilité pour relever ces défis avec l'ensemble des salariés de la RATP, des parties prenantes et, évidemment, l'équipe de management.

Mon parcours est celui d'une dirigeante d'entreprise connaissant à la fois le secteur public et le secteur privé. J'ai entamé ma carrière au ministère des finances, à la direction du Trésor, où je suis restée quatre ans. Très rapidement, j'ai rejoint une entreprise publique – Air France. Ce fut pour moi une décennie d'expérience dans le secteur du transport, suivie d'une expérience de six ans à Eutelsat, entreprise du secteur des infrastructures et des télécommunications. Ces trois dernières années, j'étais directrice générale déléguée de Rexel, un groupe de 27 000 salariés présent dans trente-deux pays, dont le chiffre d'affaires est de 13,2 milliards d'euros et qui est leader de la distribution professionnelle de produits et de services pour le monde de l'énergie.

Juriste de formation, j'ai eu chez Air France une multiplicité de fonctions et un parcours aussi riche et varié que peut l'offrir une entreprise de transport de cette taille : j'ai fait des projets de transformation, des opérations, de la finance et des ressources humaines. En effet, outre la direction des affaires financières, j'ai également exercé des fonctions opérationnelles en tant que directeur délégué aux opérations aériennes, une direction générale qui regroupait les 4 000 pilotes de la compagnie et la direction technique. Je me suis investie dans les ressources humaines en tant que déléguée générale « ressources humaines et changement », autrement dit numéro deux de la direction générale des ressources humaines du groupe Air France. J'ai présidé le comité d'établissement du personnel navigant pendant deux ans.

Contrairement à ce que l'on dit parfois, je pense qu'il existe des enjeux communs aux entreprises de transport telles qu'Air France et la RATP, à l'aérien et au terrestre. Pour une entreprise de transport, la politique sociale est un facteur clef de productivité et de compétitivité ; cela suppose obligatoirement un dialogue social loyal, permanent et constructif. Mon expérience de directrice des ressources humaines et de présidente de comité d'établissement chez Air France me sera indiscutablement utile à cet égard. D'autre part, la qualité de service aux voyageurs et la qualité des processus d'exploitation sont au coeur des modèles d'affaire des entreprises de transport, avec des enjeux similaires : qualité de l'offre de transports, ponctualité, régularité et information aux voyageurs, auxquels s'ajoutent des enjeux cruciaux de sécurité et de sûreté.

Mon parcours professionnel m'a également permis d'avoir une bonne connaissance des modèles d'infrastructures grâce à deux expériences distinctes comme administratrice d'Aéroports de Paris et comme directrice financière d'Eutelsat. Ce sont des métiers à forte intensité capitalistique où la maîtrise des politiques d'investissement et la gestion des risques sont déterminantes. Or, la RATP est une entreprise qui investit beaucoup : le contrat en cours avec Île-de-France Mobilités prévoit des investissements de 8,5 milliards d'euros sur cinq ans, dont 4,2 milliards d'euros sur fonds propres de la RATP.

J'ai également eu une expérience de développement à l'international par la voie organique et par la voie d'acquisitions : en Asie et en Espagne chez Eutelsat, en Asie, en Europe, au Moyen-Orient et aux États-Unis chez Rexel.

Ayant été pendant douze ans directrice financière de sociétés cotées, j'ai acquis une solide expérience en matière de pilotage de la performance opérationnelle et financière de groupes internationaux.

Enfin, j'ai acquis une expertise sur certains dossiers de transition énergétique, l'un des axes stratégiques de Rexel étant d'aider ses clients à réduire leur facture de consommation d'électricité grâce à des services et des produits de plus en plus connectés. Je reviendrai sur l'importance pour la RATP d'avoir une stratégie digitale approfondie.

Les raisons de ma candidature sont claires : je suis convaincue que la RATP peut devenir le leader mondial de la mobilité durable si elle réussit sa transformation en relevant le défi de l'ouverture à la concurrence. Elle a de nombreux atouts pour y parvenir, le plus fort à mes yeux étant la qualité de ses équipes, leur implication dans le projet d'entreprise et la richesse des savoir-faire techniques. C'est une entreprise intensément attachée aux valeurs du service public, comme je le suis. Elle est résolument tournée vers l'avenir et son modèle d'affaire est porté par des tendances de fond positives telles que l'urbanisation croissante de la population mondiale et l'augmentation de la demande de mobilité durable.

Ces quelques éléments de mon parcours permettent d'éclairer l'alignement entre mes compétences et les défis que doit affronter la RATP. Si vous m'accordez votre confiance, c'est cette expérience que je souhaite mettre au service de la RATP et de ses équipes, en mesurant le poids des responsabilités qui pourraient m'être confiées à la tête de cette grande entreprise du transport public.

Avant de partager avec vous ma vision des priorités stratégiques et des leviers de développement de la RATP, je vous ferai part de quelques réflexions. D'abord, la RATP aura changé trois fois de président en deux ans ; il faut en tenir compte. Il me paraît donc important d'avoir une approche pragmatique et efficiente. Aussi, je m'inscrirai dans la continuité des travaux lancés par mes prédécesseurs, en particulier ceux de Mme Élisabeth Borne, dont je tiens à saluer l'action. En effet, deux événements clefs ont déjà eu lieu : Île-de-France Mobilités et la RATP ont conclu un contrat pour la période 2016 à 2020 ; le conseil d'administration a validé en février 2017 une feuille de route stratégique dite « Défis 2025 », parfaitement claire. Je ne passerai donc pas un semestre ou un an à réinventer une feuille de route stratégique pour la RATP : l'actuelle me convient, et je me concentrerai sur l'exécution des priorités arrêtées par le conseil d'administration, en veillant, pour y parvenir, au juste équilibre de l'allocation des moyens humains et financiers.

Ensuite, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, la qualité du service offert aux voyageurs et l'expérience client doivent devenir obsessionnels et être mis au coeur de la stratégie de l'entreprise : à l'avenir, la qualité de service sera pour la RATP un avantage compétitif qui permettra de faire la différence. Aussi, je veillerai en permanence à amplifier les retours d'expérience client et les comparaisons avec la concurrence – toute entreprise évoluant dans un monde compétitif doit s'intéresser de très près à ce que font ses concurrents.

Enfin, en termes de méthode, il me paraît indispensable que, pour poursuivre et réussir sa transformation, la RATP demeure à l'écoute de toutes les parties prenantes : les voyageurs, les autorités organisatrices, au premier rang desquelles Île-de-France Mobilités, les collectivités locales, ses partenaires, les associations d'usagers et en interne, bien entendu, les salariés et les partenaires sociaux. Je poursuivrai ce dialogue dans le respect de chacun et dans le respect des valeurs du groupe, dont j'ai fortement conscience, pour que la RATP s'adapte au nouveau paysage concurrentiel et puisse aussi y trouver de nouvelles voies de développement.

Je vois pour le groupe quatre priorités stratégiques et trois leviers de développement.

En premier lieu, la RATP doit viser l'excellence opérationnelle au service des voyageurs dans un contexte où le premier des devoirs est celui de la sécurité et de la sûreté. L'enjeu est de taille quand on fait voyager tous les jours 16 millions de voyageurs, dont 9 millions en Île-de-France, région où, au total, la RATP a transporté 3,3 milliards de voyageurs en 2016.

S'agissant de la sécurité ferroviaire et incendie, l'expertise de la RATP fait autorité dans le monde des transports. Je ne baisserai pas la garde et je m'attacherai à ce que le niveau d'expertise soit au minimum préservé et, si possible, encore amélioré.

Dans une entreprise où, en période de pointe, les autobus du réseau francilien parcourent chaque heure l'équivalent du tour de la Terre, la sécurité routière devra faire l'objet de la même exigence.

En tant que gestionnaire d'infrastructures, la RATP assure un haut niveau de suivi et de maintenance du réseau, y consacrant des moyens très significatifs. L'enveloppe d'investissement pour la modernisation et l'entretien des infrastructures et des équipements existants s'est élevée à 743 millions d'euros en Île-de-France en 2016, deuxième année record après 2015. Cela dit l'importance accordée à la qualité du réseau par l'entreprise et par Île-de-France Mobilités.

La cybersécurité sera également au coeur de mes préoccupations. La RATP se doit d'être très vigilante, avec beaucoup de modestie car l'actualité montre que de nombreuses entreprises ont vécu à ce sujet des moments difficiles ; il faudra donc redoubler d'efforts pour protéger les données.

En ce qui concerne l'enjeu de sûreté, la RATP devra continuer à faire face avec le même professionnalisme au niveau de menace particulièrement élevé que connaît notre pays. La relation avec la préfecture de police de Paris est essentielle. La RATP dispose de son propre groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), qui compte un millier d'agents ; une centaine de recrutements sont prévus par le contrat en cours avec Île-de-France Mobilités. Depuis la loi du 22 mars 2016 relative à la sécurité dans les transports en commun, dite loi Savary, le GPSR dispose de prérogatives plus larges : il a une forte responsabilité de lutte contre la délinquance et le terrorisme dans le réseau RATP, et aussi un devoir d'exemplarité. La sûreté et la sécurité sont le socle du contrat de confiance passé avec nos concitoyens et les pouvoirs publics. Je m'attacherai donc à faire vivre et à amplifier la coordination afin que tout fonctionne le mieux possible.

La RATP doit également assurer un niveau de service performant. Le contrat passé avec Île-de-France Mobilités instaure d'ailleurs un système de bonus-malus en fonction des objectifs atteints, eux-mêmes définis à partir de 141 indicateurs.

En termes de régularité et de ponctualité, la satisfaction des voyageurs, mesurée par une enquête annuelle menée auprès de 60 000 d'entre eux, était supérieure à 81 % en 2016. Mais les résultats sont contrastés, car si les chiffres sont bons en termes de ponctualité sur les réseaux du métro, du tram et des autobus, des améliorations sont attendues sur les lignes de RER A et B, les plus fréquentées d'Europe, dont la qualité de service reste perfectible en dépit des importants efforts consentis ces dernières années. Le nouveau contrat de plan prévoit d'ailleurs une enveloppe d'un milliard d'euros d'investissements entre 2016 et 2020 pour ces lignes. Je veillerai à une mobilisation totale de l'entreprise pour améliorer de manière sensible et durable la qualité de service pour les voyageurs sur les lignes du RER. Un plan d'action a été défini, qui doit être exécuté à la lettre.

En matière d'information, l'objectif est de pouvoir fournir aux voyageurs des informations plus claires et plus personnalisées, portant sur l'ensemble des modes de transport et des opérateurs. La RATP fait déjà beaucoup en ce sens – vous connaissez ses applications électroniques et vous savez qu'elles fonctionnent – et elle continuera. Les voyageurs peuvent aussi compter sur 6 000 agents en poste dans les gares et les stations.

En matière d'accessibilité, la RATP a déployé et continuera de déployer des moyens importants pour assurer la meilleure accessibilité pour tous à son réseau, dans la droite ligne de sa mission de service public.

Pour la propreté du réseau, le renforcement des équipes est prévu dans le contrat passé avec Île-de-France Mobilités ; un budget supplémentaire de 5 millions d'euros a été consenti, si bien que l'enveloppe globale annuelle de ce poste s'établit à 80 millions d'euros. Une organisation précise est définie, et chacun est conscient que ce sujet participe de la qualité de service.

On attend aussi de la RATP qu'elle produise l'offre supplémentaire de mobilité attendue en Île-de-France. Sur l'enveloppe de 8,5 milliards d'euros d'investissement prévue dans le contrat signé avec Île-de-France Mobilités pour la période 2016-2020, 3,4 milliards seront consacrés à l'augmentation des capacités de transport.

En 2016, la RATP a investi 1,7 milliard dans l'amélioration de service en Île-de-France, dont 972 millions sur fonds propres, par 1 500 projets de toutes tailles visant à proposer des transports plus confortables et plus accueillants, avec des espaces et des matériels roulants rénovés. En particulier, l'entreprise a investi massivement dans l'augmentation des capacités de transport, avec une enveloppe de 743 millions d'euros – en hausse de 250 millions par rapport à 2015 – consacrée aux travaux de prolongement de quatre lignes de métro et de trois lignes de tramway et à l'achat de matériels roulants. La RATP devra en effet relever dans les années à venir le défi de l'exécution d'un nombre inédit de chantiers de construction, d'extension et de modernisation de son réseau en Île-de-France. Les ingénieurs de l'entreprise sont très sollicités et la capacité de la RATP à réaliser l'ensemble de ces projets sera déterminante.

La deuxième priorité stratégique de la RATP est de réussir l'ouverture à la concurrence. L'entreprise est duale : transporteur en situation de quasi-monopole sur son territoire historique, c'est aussi un groupe international dont les filiales – RATP Dev et ses propres filiales – répondent à de nombreux appels d'offres en France et à l'étranger, dans un environnement concurrentiel. Cela rappelle que la RATP, groupe intégré, comprend une centaine de filiales proposant leurs services dans une trentaine de villes sur le territoire national et dans quinze pays répartis sur quatre continents. RATP Dev est souvent aidée par Systra, coentreprise de la RATP et de SNCF, leader mondial de l'ingénierie en transports urbains.

La concurrence est une réalité pour la RATP en Île-de-France depuis la loi relative à l'organisation et à la régularisation des transports ferroviaires du 8 décembre 2009. Le texte, qui impose la mise en concurrence pour tout nouveau service de transport, s'appliquera pour les futures lignes de tramway T9 et T10 – M. Xavier Lety, qui m'accompagne, est chargé des appels d'offres relatifs à ces deux lots –, le réseau de bus OPTILE et, bien entendu, les lignes du Grand Paris Express.

La RATP devra progressivement affronter l'ouverture à la concurrence de ses métiers historiques, pour les autobus au 31 décembre 2024, pour les tramways au 31 décembre 2029, pour le RER et le métro au 31 décembre 2039.

Le passage d'un quasi-monopole à une situation concurrentielle est un défi de taille pour n'importe quelle entreprise. Je suis convaincue que la RATP a de nombreux atouts pour réussir cette transformation et j'en citerai cinq. Le premier, ce sont le professionnalisme et la motivation des 60 000 salariés. Le deuxième est sa capacité à fournir une excellente qualité de service aux voyageurs, dans toutes ses composantes. Le troisième réside dans sa recherche continue d'amélioration de la productivité et de maîtrise de ses coûts de production, indispensables pour assurer sa compétitivité. Le quatrième atout est la diffusion des savoir-faire au sein du groupe en gagnant des appels d'offres en province et à l'étranger. Le cinquième, enfin, est sa capacité d'innovation.

Mon objectif sera de préparer la RATP pour qu'elle soit en mesure de remporter ces appels d'offres, dans le respect de la concurrence, en conjuguant son expertise francilienne et son expertise internationale. À cette fin, l'entreprise aura intérêt à nouer de nouveaux partenariats pour enrichir son offre de services.

Deux chantiers devront être conduits. Le premier est l'élaboration des appels d'offres pour les lignes de tramway T9 et T10, les bus OPTILE et le Grand Paris Express, en mêlant propositions de transport et de services pour maximiser nos chances de succès. La RATP est déjà, de par la loi, responsable de la gestion de l'infrastructure du Grand Paris Express. L'important pour l'entreprise est de trouver un gisement de croissance supplémentaire ; remporter l'appel d'offres de la future ligne 15 du métro sera donc un enjeu majeur pour nous. La RATP est le leader du métro automatique de grande capacité, comme elle l'a montré avec les lignes 1, 14 et Orlyval et l'automatisation prochaine de la ligne 4. L'ampleur de ses savoir-faire est avérée. Ainsi, la ligne 1 a été automatisée sans interruption de service, ce qui est un exploit technique, et la ligne 14, après son prolongement au Nord et au Sud, sera l'épine dorsale du Grand Paris Express. La RATP sera donc bien placée en termes d'expertise pour emporter l'appel d'offres de la ligne 15 et il lui reviendra de proposer la meilleure solution possible en termes de prix, service et sécurité.

Les autobus seront le deuxième élément clef. La RATP prépare une offre très attractive et compétitive, les deux derniers présidents de la RATP, M. Pierre Mongin et Mme Élisabeth Borne, ayant fixé pour stratégie majeure la réalisation, à l'échéance de la fin 2024, d'une flotte entièrement « propre » en Île-de-France – dont 80 % en électrique et 20 % en biogaz. Cela exigera de surmonter le défi technique de la mise aux normes des vingt-cinq centres d'autobus ; ce gros travail est engagé mais il reste beaucoup à faire. Atteindre cet objectif me paraît particulièrement important : cela placera la RATP en position favorable pour le prochain appel d'offres et montrera notre compétitivité, sur le territoire national et à l'étranger.

Dans ce contexte, il est crucial pour la RATP qu'un cadre social harmonisé soit défini et appliqué à temps pour éviter tout dumping social dans les futurs appels d'offres. Pour les autobus, la RATP emploie 15 000 conducteurs et 2 000 mainteneurs ; le moment venu, elle doit pouvoir faire jeu égal avec ses concurrents.

La troisième priorité stratégique est de faire de la RATP un leader de la mobilité durable et un acteur incontournable de la ville durable. La lutte contre le changement climatique est un enjeu local, national et international. Je puis dire d'expérience que la politique environnementale de la RATP est crédible et cohérente – peu de groupes font autant. L'entreprise vise la décarbonation de sa flotte d'autobus à l'horizon 2025. Elle cherche aussi à maîtriser ses consommations et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et elle prend des mesures de préservation de la qualité de l'air et de l'eau, et contre le bruit.

Le groupe, s'étant fixé l'objectif très ambitieux de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % par voyageur-kilomètre transporté d'ici 2025, a défini les moyens d'y parvenir : l'application du principe d'écoconception dans tous les domaines ; l'utilisation de matériels roulants plus performants ; des bâtiments plus économes. C'est aussi une entreprise qui parvient par un ensemble de plans d'action et une culture ancrée de responsabilité sociale à réduire son empreinte environnementale à une échelle qui a un impact réel dans les territoires où elle opère.

La quatrième priorité doit être de poursuivre le développement international dans un cadre de croissance rentable. En 2016, la RATP était présente dans quinze pays étrangers, où, grâce à RATP Dev et à ses filiales, elle réalisait un chiffre d'affaires de 724 millions d'euros, soit 17 % du chiffre d'affaires total du groupe. Outre que le développement de grandes métropoles urbaines est une tendance bénéfique pour la RATP, son savoir-faire est unique sur plusieurs vecteurs porteurs : elle est leader dans le transport à haute densité avec ses trois lignes de métros automatiques, et aussi dans l'exploitation des tramways, avec plus de 300 kilomètres de voies, dont 100 kilomètres en Île-de-France. L'entreprise est également un acteur incontournable dans le secteur des autobus, avec une flotte de 4 650 bus en Île-de-France et de 8 000 bus à l'étranger. Enfin, elle peut vendre de l'ingénierie des infrastructures de transport public par le biais de Systra, qui réalise déjà 60 % de son chiffre d'affaires hors de France.

Un mot sur la manière dont j'envisage le développement à l'international de la RATP. Je considère que c'est un moyen d'acquérir et de diffuser les savoir-faire les plus pointus du groupe mais aussi de la filière industrielle française des transports urbains. La croissance à l'international doit être rentable ; ses résultats doivent faire l'objet d'un suivi distinct des contrats passés en France, notamment de celui qui lie la RATP et Île-de-France Mobilités. La répartition des ressources en capital et en moyens humains devra être une de mes priorités stratégiques ; les appels d'offres à travailler devront être sélectionnés en fonction des analyses de risque, et des retours d'expérience devront être systématiques, singulièrement pour les marchés non remportés.

Ayant passé en revue ces quatre priorités stratégiques, j'en viens aux trois leviers de développement sans lesquels la réalisation de nos ambitions sera ardue.

Le premier levier, et le plus important de tous, c'est le dialogue social, indispensable, comme l'est une politique de ressources humaines innovante, pour réussir la transformation du groupe. Le dialogue social au sein de la RATP est profond, constant et organisé, dans le cadre de l'accord de 2011 sur le droit syndical et le dialogue social. Une cinquantaine d'accords sont conclus en moyenne chaque année ; soixante-deux l'ont été en 2016. Je ferai de la qualité du dialogue social ma priorité, pour être certaine que le développement que je conduirai est compris et soutenu par l'ensemble des salariés.

Je ne saurais négliger la gestion des ressources humaines. Avec 45 000 salariés et près de 25 000 emplois indirects par le biais de ses achats – pour 96 % faits en France, à 66 % auprès de PME et à hauteur de 20 % pour la construction –, la RATP est un employeur de premier plan. Elle doit recruter 3 100 salariés cette année. Peu d'entreprises peuvent se targuer d'embaucher autant – et je ne compte dans ce nombre ni les 450 contrats en alternance ni les 1 600 contrats d'insertion. Étant donné les chantiers à venir, les ressources doivent être mises à niveau, et nous devrons veiller à la protection de nos savoir-faire et à la rétention de nos talents. Dans un monde ouvert à la concurrence, la qualité des équipes est un élément clef ; c'est un des grands atouts du groupe, qu'il faudra protéger en expliquant la stratégie et par une politique de ressources humaines bien conduite.

La RATP s'est dotée d'une politique de responsabilité sociale poussée et cohérente, véritable levier de sa performance. Il est rare qu'une entreprise contribue autant à la vitalité économique et à la solidarité dans les territoires en favorisant l'accès à l'emploi et en soutenant avec sa fondation des projets locaux d'insertion, éducatifs et culturels.

Enfin, je m'attacherai à la poursuite du plan « Travailler ensemble » élaboré avec le concours des organisations syndicales et lancé par Mme Élisabeth Borne en 2016. Il réaffirme les principes de laïcité, de non-discrimination et de neutralité qui doivent être impérativement respectés dans une entreprise chargée d'une mission de service public. Je veillerai au respect de ces principes et à apporter une aide concrète aux managers de terrain, parfois confrontés à des situations difficiles.

Le deuxième levier de développement, c'est la situation financière. Elle est bonne, mais la RATP doit veiller au maintien de ses grands équilibres financiers dans la durée pour protéger sa capacité d'investissement. Le groupe a un modèle économique spécifique et vertueux. Contrairement aux délégataires de service public classiques, la RATP est propriétaire et gestionnaire de l'infrastructure et elle participe au renouvellement des actifs.

Pour financer ses investissements, elle doit dégager un résultat significatif lui permettant de disposer d'une capacité d'autofinancement suffisante, les amortissements seuls ne lui permettant pas d'assurer la pérennité des actifs. La contractualisation avec Île-de-France Mobilités place la RATP dans une situation très favorable en lui donnant une vision de long terme et en lui permettant d'investir continûment, sans succession fâcheuse de coups d'arrêt et de reprises, qui nuisent à la sécurité.

En 2016, les résultats du groupe ont été solides, dans un environnement peu porteur caractérisé par une inflation quasi nulle et une baisse de la fréquentation touristique qui a eu un impact sur le trafic du métro, donc sur les comptes. Les résultats sont en baisse par rapport à 2015, ce qui appellera vigilance de ma part, mais ils intègrent les effets du nouveau contrat conclu avec Île-de-France Mobilités – qui se traduit par une baisse de contribution de 100 millions d'euros – ainsi que la normalisation fiscale de la RATP.

À 5,448 milliards d'euros, le chiffre d'affaires du groupe a baissé de 2 %. Le résultat opérationnel s'est établi à 374 millions d'euros, en baisse de 216 millions. Cette baisse n'a pas trop affecté la capacité d'autofinancement, à 912 millions d'euros. Les investissements ont été de 1,851 milliard dont 1,784 milliard en Île-de-France. Que 38 % de cette enveloppe aient été alloués à des investissements pour l'offre de nouvelles mobilités contre 25 % en 2015 montre l'accélération de ce chantier.

L'important est de maîtriser la dette, qui a légèrement augmenté en 2016. Le ratio « endettement net sur capitaux propres » est de 1,3 ; l'objectif est de le ramener à 1 en 2020 pour pouvoir continuer d'emprunter à des conditions favorables.

Le troisième levier de développement est l'innovation, domaine dans lequel Mme Élisabeth Borne a lancé plusieurs chantiers. La RATP a une forte culture d'innovation mais elle doit sans doute s'ouvrir davantage vers l'extérieur pour gagner en agilité. La création de RATP Capital Innovation, fonds d'investissement consacré aux start-up, est un pas en ce sens. L'innovation doit se traduire par de nouvelles formes de mobilité et de nouveaux services offerts aux voyageurs. En particulier, je suis convaincue que la RATP doit chercher à intégrer de plus en plus d'autres formes de mobilité en proposant des trajets « porte à porte ».

Les données relatives aux voyageurs recueillies par la RATP constituent un actif immatériel précieux. Étant donné l'ouverture à la concurrence, il faudra trouver un juste équilibre entre le devoir de libre accès aux données et celui de la protection du secret des affaires.

L'innovation est aussi un moyen de faire gagner les équipes en efficacité et d'améliorer les performances opérationnelles. Le numérique est un facteur clef de l'efficience de notre exploitation ; le système Octys de pilotage automatique du métro en est un bel exemple. Je poursuivrai ce qu'a engagé Mme Élisabeth Borne, mais je compte favoriser encore l'innovation par des plans d'action internes et par l'acquisition de savoir-faire et de technologies nouvelles.

En conclusion, la RATP est un groupe multidimensionnel : une entreprise permettant à des millions de voyageurs de bénéficier chaque jour d'une offre de mobilité durable, connectée et sûre ; un puissant vecteur de développement des territoires qu'elle dessert ; une entreprise citoyenne par son impact positif sur l'emploi et par la réduction de son empreinte environnementale. Ses objectifs à moyen terme sont ambitieux : faire passer son chiffre d'affaires de 5,4 milliards d'euros en 2016 à 7 milliards en 2020 – dont 30 % seront dégagés par ses filiales – tout en maîtrisant ses équilibres financiers, avec un ratio d'endettement sur capitaux propres de 1. À l'horizon 2025, elle vise un chiffre d'affaires compris entre 7,5 et 8 milliards d'euros, avec le même ratio d'endettement.

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