Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 26 juin 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Concernant l'instauration d'un droit au contrôle opposable, l'administré peut demander à l'administration de se positionner sur une question qui le concerne. C'est intéressant, mais, sans moyens, cela conduira à un affaiblissement de l'État et à une forte augmentation du risque de contentieux. Le Conseil d'État redoute en effet le « risque d'exposer la responsabilité de l'État et la responsabilité pénale de ses agents ». De la révolution au fiasco, il n'y a qu'un pas !

En vérité, il s'agit d'un projet de loi en faveur des nantis. Le Président de la République avait dit des gares qu'elles sont un lieu où l'on croise « des gens qui réussissent et d'autres qui ne sont rien ». Dans ce texte, la priorité est clairement donnée à ceux qui réussissent selon les critères en vigueur de la Macronie.

Jacques Toubon, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, est sur ce point plutôt opposé à votre texte. Vous auriez pu faire de l'accès aux droits sa priorité. En 2016, 40 % des ménages éligibles au revenu de solidarité active n'en ont pas fait la demande. Il ne s'agit pas du droit à l'erreur, mais de l'accès aux droits tout court. Cela aurait été un beau projet !

Le Sénat a ajouté un élément, mais cela reste bien maigre au vu des enjeux. En matière sociale, le droit à l'erreur n'est finalement qu'un droit à la rectification. Alors que, dans certains domaines, on pourra éviter une amende, pour ce domaine précis, vous ne faites qu'inscrire dans la loi la pratique actuelle des administrations, ce qui ne coûte évidemment pas cher.

Vous préférez créer des droits qui ne profiteront qu'à une minorité. Ce texte est dangereux, à cause des effets d'aubaine qu'il risque d'emporter « au bénéfice des personnes les plus à même de connaître le droit qui leur est applicable et de disposer, en interne, de compétences et de conseils juridiques adaptés à leur situation ». Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil d'État.

Vous permettez également de bafouer le droit des salariés, en appliquant le droit à l'erreur pour les entreprises qui auraient commis un manquement grave au droit du travail ou en limitant dans le temps des contrôles opérés par les administrations sur les PME. Les administrations ne rechignent pourtant pas à travailler ensemble : c'est qu'elles n'en ont pas les moyens.

Ne parlons pas des expérimentations dérogatoires au droit du travail pour les établissements médico-sociaux chargés du handicap et des personnes âgées qui pourront recourir à un salarié volontaire pour remplacer les aidants familiaux à domicile. Ce n'est pas souhaitable. C'est une nouvelle atteinte au droit du travail.

En revanche, peu de mesures sont prévues pour les classes moyennes et populaires, et elles risquent, très probablement, d'être inefficaces du fait du manque de moyens accordés à l'administration.

La suppression de l'inscription au registre des représentants d'intérêts pour les associations cultuelles et le renvoi à 2021 de l'obligation d'enregistrement des représentants d'intérêts qui entrent en contact avec les élus locaux et les agents publics sont des décisions incroyables ! Avons-nous déjà oublié les belles promesses, dont vous étiez si fiers, que nous nous sommes faites dans l'hémicycle en début de législature ? Il s'agissait, cette fois-là, de la loi pour la confiance dans la vie politique.

On a parlé des conflits d'intérêts et du pantouflage ; mais vous dites désormais que les représentants des associations cultuelles ne seront pas concernés et peuvent donc être supprimés du registre. Il est vrai qu'il n'y a plus besoin qu'ils y soient inscrits puisque nous avons maintenant un monarque présidentiel de droit divin, chanoine de Latran, qui se propose d'être lui-même le représentant des cultes. La boucle est bouclée ! C'est pour toutes ces raisons que nous nous opposons à ce texte.

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