Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mardi 26 juin 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Son application au droit de l'environnement est également un vrai sujet, que nous avions soulevé en première lecture. Le Sénat a considéré qu'il fallait étendre le champ de l'article 2 aux sanctions administratives prononcées sur le fondement du code de l'environnement à l'encontre des exploitants d'installations qui n'auraient pas été dûment autorisées ou enregistrées. Cela ne nous paraît pas excessif sur le principe, et il est malheureux que le rapporteur comme le Gouvernement aient fait le choix de s'en tenir au texte initial.

Pour le reste, nous pouvons dire que le débat parlementaire a été plutôt utile, puisque le texte a été complété grâce à la contribution de l'ensemble des groupes.

Pour notre part, nous avons pu notamment faire inscrire dans la stratégie nationale d'orientation de l'action publique que l'administration soit également évaluée sur sa capacité à satisfaire les usagers.

À notre initiative les modalités d'extinction des numéros surtaxés pour les administrations ont été clarifiées en précisant que 2021 était une date butoir.

À l'initiative de notre collègue Laure de La Raudière, les obstacles à l'application du principe « dites-le-nous une fois » ont été levés pour les particuliers.

Nous souhaitons par ailleurs voir confirmées plusieurs avancées que nous avons soutenues, telles que la mise en place d'un référent unique dans les administrations, d'un médiateur dans différents organismes, ou encore l'extension du rescrit, ainsi que la possibilité pour le demandeur de rédiger lui-même un projet de rescrit, à titre expérimental.

Autre preuve, s'il en fallait, de son utilité, le débat parlementaire a permis de revenir sur certains aspects négatifs du projet de loi : l'expérimentation de la levée du contrôle des structures a été supprimée et, point extrêmement important qui a fait l'objet de longues discussions en première lecture, la mention du taux effectif global restera obligatoire pour les prêts à taux fixe aux entreprises.

Quant à l'article 34 sur les appels d'offres pour l'éolien en mer, qui a suscité le débat, la méthode que vous avez adoptée ici est bien meilleure que celle employée au Sénat, même si nous regrettons l'absence d'une étude d'impact qui aurait dû être incontournable. Les appels d'offres ne devraient pas de toute façon être remis en cause, puisque le Président de la République a annoncé, le 20 juin dernier, qu'un accord avec les industriels permettrait de maintenir les six projets tout en réduisant singulièrement la dépense publique.

Par ailleurs, le travail du Sénat a été utile, et nous le rejoignons sur plusieurs points, tels que, je l'ai dit, l'application du droit à l'erreur ou la durée des contrôles : neuf mois sur trois ans, c'est beaucoup dans la vie d'une PME ! Cela serait acceptable s'il n'y avait autant d'exceptions.

J'ai dénombré dans ce projet de loi une quinzaine d'expérimentations, et c'est sur ce point que nous vous appelons à la plus grande vigilance. Nous sommes de manière générale plutôt favorables aux expérimentations, en ce qu'elles nous permettent d'essayer de nouveaux outils, en nous laissant la liberté de les abandonner s'ils ne fonctionnent pas ou de les pérenniser s'ils sont concluants – à titre personnel, je peux déjà regretter qu'aucune de ces expérimentations ne doive avoir lieu dans la région Grand Est. Je comprends votre attachement aux Hauts-de-France, monsieur le ministre, mais je déplore qu'on l'ait favorisée au détriment d'autres régions.

Une très grande précision des instructions, des décrets et des circulaires est une condition absolue pour que les administrations jouent le jeu. Il faudra aussi une évaluation très fine de la part du Parlement, avec le soutien du Gouvernement qui doit lui fournir les données nécessaires de façon transparente et régulière.

La mise en place d'un Conseil de la réforme est une idée qui mérite pour le coup d'être expérimentée ! Nous en avons souvent parlé au sein de la commission spéciale. Nous sommes bien entendu prêts à y prendre toute notre part.

Au-delà des expérimentations, les principes que nous avons inscrits dans ce projet de loi doivent eux aussi être suivis d'effet et appliqués.

Prenons l'exemple du « silence de l'administration vaut accord ». Instauré par la loi du 12 novembre 2013 qui visait à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, ce principe était présenté à l'époque comme une véritable révolution et comme l'un des outils d'un « choc de simplification » que personne n'a vraiment vu.

Le principe voté par le législateur, était le suivant : « Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation. » Sur le papier, cela semblait une bonne idée, notamment pour les PME qui n'ont pas les moyens de suivre au jour le jour les demandes faites à l'administration et qui ont besoin de réponses rapides.

Malheureusement, ce principe souffrait des exceptions dont les décrets d'applications ont dressé une liste « à la Prévert », et l'administration s'est engouffrée dans ces brèches. Dans de nombreux cas, et pour des raisons plus ou moins recevables, le principe que le silence de l'administration vaut accord au bout de deux mois ne s'applique pas. Au contraire, le silence vaut rejet au bout de deux mois ou plus. Et lorsqu'il s'applique, le délai n'est pas de deux mois, mais de quatre, cinq, six, voire neuf mois.

Tout est devenu illisible et, sur les 3 600 procédures potentiellement concernées par la réforme, seules 1 200, soit un tiers, se sont vues appliquer le principe de l'acceptation tacite. Il en résulte qu'un principe posé par le législateur s'est retrouvé vidé de sa substance.

Nous avions proposé des ajustements en première lecture, mais vous ne les avez pas retenus, alors que le constat est connu. Le rapport prévu à l'article 43, que nous avons rétabli en commission, devrait au moins permettre de disposer d'un état des lieux. Monsieur le ministre, ce rapport doit être remis à temps et nous devrons ensuite en tirer les conclusions.

Tout cela nous conduit à craindre que des principes comme le droit à l'erreur, le droit au contrôle opposable et biens d'autres subissent le même sort si tout n'est pas fait pour qu'ils soient appliqués une fois votés et pour que les exceptions soient absolument circonscrites au strict nécessaire.

Le travail sera loin d'être terminé quand nous aurons voté ce projet de loi, et vous le savez. Il restera à assurer sa mise en oeuvre et à insuffler ce changement de culture à l'administration. Nous croyons en votre bonne volonté, compte tenu des moyens que vous allez consacrer à la formation notamment. La confiance entre l'administration et ses usagers doit devenir une priorité, et il faut tout faire pour qu'elle devienne systématique, quitte à déranger.

La lutte contre la surtransposition, qui est l'un des chevaux de bataille de notre groupe, doit devenir un réflexe. Vous avez identifié ce problème ; il faut maintenant contrôler le flux lorsque nous transposons ou que vous mettez en oeuvre des directives européennes. Le Parlement a aussi pour mission de réduire le stock des surtranspositions existantes. Je rappelle que c'est à l'initiative de notre groupe que le projet de loi issu des États généraux de l'alimentation contient un titre consacré à la simplification et a été enrichi de plusieurs mesures, dont des mesures de « dé-surtransposition ».

Vous le voyez, nous soutiendrons toutes celles de vos mesures qui permettront de développer cette « société de confiance », mais nous vous pousserons aussi à aller toujours plus loin, à diminuer le nombre des dérogations et surtout à étendre le champ des possibles.

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