Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du mardi 26 juin 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cinq mois se sont écoulés entre le 23 janvier et le 26 juin. Cela fait cinq mois que nous avons débuté l'examen en première lecture du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Cinq mois, au cours desquels le Sénat a pu, à son tour, examiner et apporter plusieurs améliorations à ce texte. Cinq mois, déjà, alors que nous sommes en procédure accélérée et qu'il s'agissait d'un texte majeur pour le Président de la République ! Cinq mois de travail, de corrections, d'améliorations, de négociations, parfois nocturnes, cinq mois d'alertes et d'accords.

Cinq mois pour vous entendre finalement dire, monsieur le ministre, que nous aurions prémédité notre opposition et que nous chercherions à la justifier ! Cinq mois pour vous entendre dire que nous ne nous intéresserions pas au coeur du texte, mais seulement à sa périphérie ! Je tiens à vous dire que vous nous faites, que vous me faites, un procès d'intention injuste et que les positions partisanes que vous me prêtez ne sont pas les miennes. Je veux le dire avec force.

Ce projet de loi est communément appelé « projet de loi relatif au droit à l'erreur », mais permettez-moi de vous dire que ce raccourci est abusif. L'article 2 consacre certes un droit à l'erreur et un droit au contrôle, dont les conséquences, assez limitées, sont déclinées dans quelques articles, notamment en matière fiscale et douanière. Mais la grande majorité des articles de ce projet de loi ne concerne absolument pas ce droit à l'erreur.

L'objectif affiché de ce texte est d'améliorer les rapports entre l'administration et les usagers, de simplifier les réglementations existantes et de revenir sur des surtranspositions de directives européennes. Il intervient en matière fiscale, juridique et administrative. À cet égard, il s'inscrit d'ailleurs dans la continuité des lois de simplification adoptées sous les précédentes législatures.

Le projet de loi initial contenait onze articles habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance et sept articles introduisant des expérimentations. Certains articles prévoyaient même des ordonnances pour introduire des expérimentations ! Si les expérimentations sont un bon moyen d'initier des réformes « en douceur », avec une évaluation, elles n'apporteront aucune modification de la loi avant plusieurs années. Ce texte a donc une faible portée normative, bien loin des attentes de nos concitoyens et des promesses électorales.

En commission spéciale à l'Assemblée nationale, alors que vous vous étiez dits ouverts à toute proposition d'amendement, force est de constater que, même si des amendements de tous les rangs ont été adoptés, ceux qui proposaient de réelles avancées pour les usagers n'ont pas été retenus. Le rapporteur et le Gouvernement estimaient qu'ils devaient être renvoyés soit en séance, soit à un autre paquet législatif, comme par exemple pour les mesures de simplification en matière agricole.

Sur plus de 900 amendements déposés, la commission spéciale en a adopté près de 170, dont la moitié étaient des amendements rédactionnels du rapporteur, ajoutant quinze nouveaux articles. Deux amendements du groupe Les Républicains ont été adoptés : l'un conduisait à supprimer l'article 30 qui prévoyait une expérimentation par ordonnance supprimant le contrôle des structures et exploitations agricoles dans certaines régions, et un autre portant article additionnel après l'article 40 pour que soit remis un rapport sur l'application du principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation. Nous pouvions donc légitimement prendre ce texte pour un texte d'affichage, au service d'un Président de la République soucieux de mettre en avant une loi de simplification, alors même qu'une récente circulaire obligera tout projet de loi à contenir une partie relative à la simplification.

En séance publique, reconnaissons que le Gouvernement et la majorité parlementaire ont accepté de négocier avec les députés du groupe Les Républicains sur différents sujets, afin de trouver des points d'accord.

S'agissant par exemple de la régionalisation des chambres d'agriculture, nous sommes tombés d'accord sur le principe du volontariat des chambres départementales, ainsi que sur la suppression de la mention obligatoire du TEG, uniquement pour les crédits à taux variable – elle restera obligatoire pour les crédits à taux fixe.

Sur 1 026 amendements déposés en séance, 535 l'ont été par le groupe Les Républicains. Ont été adoptés 143 amendements, dont 26 du groupe Les Républicains. Parmi ces amendements, 64 étaient rédactionnels, de précision ou de cohérence. Sur les 79 amendements non rédactionnels restant, 18 étaient des amendements du groupe Les Républicains, soit plus de 20 % des amendements adoptés. Le texte comporte donc, à sa sortie de l'Assemblée nationale, soixante-et-onze articles, contre quarante initialement, dont onze habilitations à légiférer par ordonnance et quatorze expérimentations.

Au Sénat, le texte a été largement modifié. De nouveaux articles ont été ajoutés.

D'abord, le droit à l'erreur a été élargi au domaine environnemental, à la PAC, au prélèvement à la source et dans une certaine limite, aux collectivités territoriales, aux artisans et entreprises de bâtiment.

Par ailleurs, diverses précisions ont été apportées, en particulier la fixation d'un délai de six mois relatif au droit au contrôle dans lequel l'administration doit procéder audit contrôle, la validation expresse des points examinés lors d'un contrôle fiscal, l'élargissement du champ d'habilitation des ordonnances relatives à la fiscalité, l'élargissement du droit au certificat d'information, l'encadrement du rescrit douanier, la limitation de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises, l'encadrement de l'extension des missions des chambres d'agriculture.

Enfin, l'entrée en vigueur de la déclaration sociale nominative a été reportée, tout comme celle de l'obligation de télédéclaration et de télépaiement pour les contribuables vivant dans des zones blanches.

En nouvelle lecture, en commission, nous avons été informés que le Gouvernement et la majorité souhaitaient conserver vingt-neuf articles tels qu'issus du Sénat, et donc modifier les autres.

Or, le Sénat était revenu en grande partie sur les délais, avait précisé les conditions de la régionalisation des chambres d'agriculture, et avait réécrit les dispositions relatives au raccordement et à l'implantation d'installations de production d'énergie renouvelable, permettant d'aboutir à un texte très équilibré.

Je ne reviendrai pas sur le désaccord majeur qui nous a opposés, en commission spéciale, à propos des chambres d'agriculture. Du fait de la manière dont le texte a été discuté, nous resterons attentifs au déroulement des débats en séance ce soir, et nous prendrons soin de défendre le texte qui a été adopté au Sénat.

Vous pouvez constater, monsieur le ministre, que nous sommes bien loin de la posture que vous dénonciez, par laquelle nous aurions eu au préalable l'envie de justifier a posteriori une opposition frontale.

D'ailleurs, nous ne sommes pas frontalement opposés à ce texte, que nous connaissons très bien, comme vous avez pu en juger. Rien ne nous a échappé.

Notre groupe, qui fut le vôtre, avait décidé de travailler main dans la main avec vous. Si ce texte prévoit bien de créer un droit à l'erreur, il contient également pléthore de dispositions dont je doute qu'elles soient opportunes.

Si on voulait un texte fourre-tout, le voici ! Tellement fourre-tout que, lors de la première lecture, les députés de tous bords vous avaient fait un nombre important de propositions qui ont, dans leur très grande majorité, été rejetées au motif, avez-vous dit, que « cette disposition pourra être examinée dans le cadre du futur projet de loi agricole ou du futur projet de loi logement ». Qu'en est-il réellement ? Rien, absolument rien. Car quel que soit le véhicule législatif proposé, votre gouvernement refuse de prendre en compte les propositions des groupes d'opposition, afin de les reprendre à son compte ultérieurement, comme ce fut le cas avec l'élargissement du bénéfice de la carte du combattant aux anciens d'Algérie, qui avait été proposé par Gilles Lurton, rejeté par votre majorité, pour être enfin mis en place par votre gouvernement.

Nous ne pouvons accepter une telle méthode. Au bout d'un an de mandat, nous avons donc bien compris que nous ne pourrions faire bouger que quelques lignes mineures, et vous donner des idées que vous reprendrez à votre compte.

C'est pourquoi notre groupe n'a déposé que dix amendements, dix amendements qui sont pour nous majeurs et dont l'adoption conditionnera notre vote, qui n'est toujours pas tranché, contrairement à ce que vous avez insinué. Mais pourquoi cela, me direz-vous ? Parce que certains d'entre eux sont des amendements adoptés par le Sénat dont le maintien dans le texte est justifié. Pour d'autres, il s'agit d'une question de principe, comme la suppression de l'article 34 quinquies, cet objet législatif non identifié qui a surpris tout le monde, ou encore le rétablissement de l'article 19 tel que rédigé par le Sénat, qui assure que la régionalisation des chambres d'agriculture soit soumise à l'accord exprès du réseau consulaire départemental.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous continuons l'examen de ce projet de loi avec circonspection, mais avec la volonté de rester attentifs et vigilants quant aux éventuelles modifications que contiendraient les amendements proposés, surtout si ceux-ci, plutôt que de simplifier la vie de nos concitoyens, venaient à la compliquer davantage.

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