Madame la présidente, mes chers collègues, Ce projet de loi vise à autoriser la ratification par la France de l'accord de dialogue politique et de coopération entre Cuba et l'Union européenne signé à Bruxelles, le 12 décembre 2016.
Rappelons le contexte dans lequel il s'inscrit.
Au plan intérieur, Cuba est aujourd'hui en pleine transition. J'ai reçu la semaine dernière l'ambassadeur de Cuba à Paris qui nous l'a confirmé. Sur le plan politique, le retrait de la direction de l'exécutif de Raúl Castro, qui demeure à la tête du Parti jusqu'en 2021, avec l'arrivée à la tête de l'Etat de Miguel Díaz-Canel Bermúdez marque le véritable début de l'ère post Fidel, même si plus qu'à un changement d'orientation politique, c'est à un changement générationnel dans la continuité qu'on assiste. Sur le plan économique, les besoins sont immenses et la population attend une amélioration de ses conditions de vie. Mais la crise de liquidités que traverse le pays est clairement un obstacle au développement des activités économiques puisqu'elle se traduit notamment par une chute des importations. De plus, l'absence chronique d'investissements directs étrangers maintient le pays sous pression.
Au plan régional, les perspectives se sont assombries. Tout d'abord, la normalisation des relations avec les États-Unis initiée sous la présidence de Barack Obama est menacée par l'administration de Donald Trump. Quelques mois après le début de sa présidence, il a annoncé un durcissement de la politique américaine à l'égard de Cuba, même s'il nous a été confié qu'il avait initialement envisagé d'y faire des affaires. Les restrictions sur les déplacements et les tracasseries financières ne facilitent pas les échanges. S'y ajoutent les effets de la crise vénézuélienne, principal partenaire économique et financier de Cuba, qui aggrave la crise de liquidités du pays.
Dans ce contexte, l'Union européenne apparaît à la fois comme une alternative aux États-Unis et un allié politique et économique indispensable pour soutenir la transition cubaine. Elle n'est d'ailleurs pas la seule : Cuba entretient d'excellente relations avec le reste de l'Amérique latine, mais aussi et surtout la Chine ou encore la Russie. L'Union européenne est d'ailleurs devenue au fil des ans le premier partenaire économique de l'Ile après le Vénézuela et le premier investisseur dans la région.
Cependant, le dialogue politique, de l'avis des latino-américains, n'est pas toujours à la hauteur des liens économiques.
Cet accord marque donc une nouvelle étape dans la coopération entre l'Union européenne et Cuba. La France y a beaucoup oeuvré puisque c'est sous sa présidence de l'UE, en 2008, que l'impulsion a été donnée en vue de négocier cet accord.
Sur le fond, contrairement aux autres accords entre l'Union européenne et les pays de la région (Chili, Mexique, Pays andins, Amérique centrale, Caraïbes), tous en vigueur à l'exception de l'accord UE-Mercosur qui n'a pas abouti à ce jour, l'accord UE-Cuba est uniquement un accord politique et de coopération, sans volet commercial tarifaire.
Néanmoins, son spectre est très large et ouvre des perspectives de coopération dans de multiples domaines : le développement durable, les droits de l'Homme, la non-prolifération, la bonne gouvernance, le dérèglement climatique ou encore la coopération commerciale. Je vous renvoie au rapport pour l'analyse détaillée de son contenu et soulignerai les conséquences attendues de l'accord pour la France et les points de vigilance à surveiller dans sa mise en oeuvre.
Au plan politique, c'est évidemment la question des droits humains qui est au coeur des préoccupations. Cuba présente un bilan positif en matière de droits économiques, culturels et sociaux, en raison notamment d'un système éducatif et de santé gratuit et de bon niveau et d'une société où la sécurité du citoyen est assurée. Il reste cependant beaucoup à faire pour que progresse le niveau de vie des Cubains. En revanche, l'exercice des libertés publiques (d'expression, de rassemblement ou d'association notamment) fait l'objet de fortes restrictions, tant légales qu'informelles.
Plusieurs organisations de la société civile font l'objet de vexations multiples, de poursuites judiciaires voire d'arrestations, même si elles sont généralement de courte durée. Les journalistes indépendants agissent eux aussi en dehors de la légalité, puisque l'Etat dispose du monopole en matière de presse écrite comme audiovisuelle. Le développement d'Internet a cependant permis l'apparition de nouveaux modes d'expression pas ou mal contrôlés par l'Etat (blogs, réseaux sociaux). Leur combat, souvent soutenu depuis l'étranger, n'a que peu d'impact auprès de la population qui souhaite surtout une amélioration de ses conditions de vie.
Ici, la France privilégie une approche européenne dans le cadre du dialogue de haut niveau sur les droits de l'Homme. La troisième et dernière session en date a eu lieu le 22 mai 2017 à Bruxelles dans une atmosphère transparente et constructive. Sans produire de miracle, il semble que ce processus de dialogue porte davantage ses fruits que la logique de fermeture adoptée par les Etats-Unis.
Au plan environnemental, l'accord comporte un volet relatif au développement durable et questions écologiques et climatiques. C'est un axe fort de coopération où la France doit faire valoir ses atouts dans un contexte de redéfinition de sa politique énergétique par Cuba.
En effet, largement dépendant des importations de combustibles fossiles, l'énergie demeure l'un des principaux talons d'Achille de Cuba. L'île a subi successivement l'effondrement de l'Union soviétique à la fin des années 80 puis la grave crise économique du Venezuela débutée en 2016. La production électrique cubaine est assurée par un parc vieillissant de centrales thermoélectriques fonctionnant essentiellement au pétrole et au gaz. La nouvelle politique énergétique cubaine a donc pour objectif l'augmentation de la production électrique, l'augmentation de la part d'énergies renouvelables et une meilleure efficacité énergétique. La France doit saisir cette occasion pour faire valoir son expertise.
Enfin, au plan économique, le but de l'accord est de créer un environnement plus favorable, prévisible et transparent, pour les opérateurs économiques. Il faut noter cependant qu'il n'y a aucun volet relatif à la libéralisation de lignes tarifaires n'est contenu dans l'accord, et que la protection des investissements n'est pas couverte. Pour la France, ce sont de nouvelles opportunités qui s'ouvrent dans des domaines prioritaires tels que le tourisme, l'énergie, les infrastructures, la santé, les transports ou encore l'agroalimentaire. La signature de contrats d'entreprises françaises, comme récemment la reconstruction de l'aéroport de La Havane, illustrent ce rapprochement. Mais il y a encore des marges de progression, notamment pour ce qui est des flux commerciaux et de la facilitation des investissements. En effet, l'ambassadeur de Cuba nous a fait part des difficultés des banques françaises à travailler sur place, alors que des banques canadiennes ou espagnoles y parviennent. Il y a là un sujet important à creuser avec le ministère de l'économie et des finances.
Les processus de ratification sont en cours. A ce jour, l'accord a été ratifié par onze États membres de l'Union (Bulgarie, République tchèque, Allemagne, Estonie, Hongrie, Lettonie, Finlande, Danemark, Espagne, Luxembourg et Slovaquie).
J'émets pour ma part un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi. C'est un signal positif envoyé à un pays dont le poids politique en Amérique latine est considérable : au-delà des divergences idéologiques, Cuba est pour l'Amérique latine y compris pour les membres de l'ALENA, ou des pays comme le Mexique réputés historiquement proches des États-Unis, un pays dont la voix compte. C'est aussi en cohérence avec nos engagements, puisque c'est la France qui a joué un rôle moteur dans le rapprochement entre l'Union européenne et Cuba.
Je vous remercie.