Notre commission est saisie d'un projet de loi autorisant l'approbation de trois accords, conclus respectivement avec le Congo, l'Équateur et le Pérou en 2016. Comme les accords présentés par Jean-Paul Lecoq en commission, ces trois accords bilatéraux visent à faciliter l'accès au marché du travail pour les conjoints d'agents de mission officielle à l'étranger, en l'occurrence plutôt des conjointes, selon un principe de réciprocité.
L'objectif principal de ces accords consiste ainsi à moderniser le cadre d'expatriation des agents et de leurs familles. En l'état actuel du droit et en l'absence d'accord bilatéral, le statut diplomatique des « personnes à charge » des agents – essentiellement les conjoints - ne leur permet pas nécessairement de travailler, et peut même constituer un obstacle. Ainsi, les conventions de Vienne de 1961 et de 1963 sur les relations diplomatiques et sur les relations consulaires imposent, en cas d'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, un renoncement partiel ou total aux immunités conférées par le statut diplomatique. Par ailleurs, les dispositions du droit national peuvent aussi limiter l'accès au marché du travail. En France, le titre de séjour accordé aux membres des familles d'agents ne fait pas partie des titres de séjour qui octroient directement une autorisation de travailler.
En procédant à une adaptation juridique du cadre d'expatriation des agents et en créant une procédure administrative simplifiée de délivrance des autorisations de travail, ces trois accords pourront améliorer les conditions de vie professionnelles et familiales des agents et de leurs familles. Une telle adaptation est indispensable face à des évolutions sociales comme la progression du taux d'emploi féminin, au sein du corps diplomatique et de façon plus globale.
J'attire votre attention sur le fait qu'en 2017, le MAE ne comptait que 26% d'ambassadrices et 27% de directrices et cheffes de service. On ouvre des possibilités de travail pour les conjoints d'agents, essentiellement des femmes donc, mais j'espère que ces possibilités s'ouvriront à l'avenir davantage aux conjoints grâce à la féminisation du corps diplomatique.
Cette action de modernisation s'inscrit dans une ambition réformatrice du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Un projet intitulé « Pour un Ministère du XXIème siècle », a ainsi été lancé en 2015 et comporte un volet sur la gestion des ressources humaines, dont l'un des objectifs consiste à porter à 80 le nombre de pays permettant un accès au marché du travail local pour les conjoints d'agents. En comptant l'Espace économique européen, nous en sommes aujourd'hui à 72 États, et des discussions sont actuellement en cours avec 25 pays, ce qui devrait permettre d'atteindre à court terme l'objectif fixé par le ministère des Affaires étrangères.
Si les trois accords qui nous intéressent aujourd'hui concerneront un nombre limité de personnes - quelques dizaines en comptant les conjoints d'agents français et ressortissants des trois États partenaires -, il faut donc les remettre dans la perspective globale des réformes de modernisation conduites par la diplomatie française, la France ayant été dans les trois cas à l'initiative des négociations. Par ailleurs, les dispositions des trois accords sont très similaires, le ministère des Affaires étrangères ayant dès 2009 mis au point un accord-type utilisé lors des différentes négociations bilatérales.
Enfin, il faut souligner que l'entrée en vigueur de ces accords aura également des effets positifs sur l'action diplomatique française de façon plus indirecte. En effet, en facilitant l'accès des conjoints d'agents au marché du travail dans les États partenaires, ces accords permettront aussi de favoriser le recrutement d'un personnel compétent au sein du réseau diplomatique, consulaire et culturel français implanté à l'étranger. Cet aspect est d'autant plus important que dans les trois pays concernés, le marché du travail local présente des caractéristiques peu attractives pour les expatriés français, tout particulièrement en Équateur où certains contrats de travail excluent les expatriés, et au Congo du fait de la crise économique que connait actuellement le pays.
Je souhaite terminer en rappelant un chiffre que vous connaissez sans doute mais que je tiens à souligner, concernant les dépenses de personnel dans le corps diplomatique, qui doivent encore baisser, de 15,8 millions d'euros par rapport à 2017 en 2018, alors que sur les trente dernières années le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a perdu 53% de ses effectifs, dont près du tiers en dix ans. Nous sommes donc sur une courbe préoccupante. Si l'on ne cesse de répéter que la guerre, les conflits armés, ne sont pas une solution et accroissent souvent les problèmes plutôt qu'ils ne le règlent, et qu'il faut donc de la diplomatie, comment peut-on avoir une diplomatie efficace si nous dilapidons notre corps diplomatique ? Je ne dis pas qu'on ne peut pas le réformer, mieux l'agencer, mieux en répartir les forces, mais il ne me semble pas opportun de diminuer les personnels. Je salue donc l'effort qui est fait avec ces accords, qui est un effort de modernisation, favorisant l'égalité entre les hommes et les femmes et qui apporte des arguments de poids pour s'investir dans le corps diplomatique et pouvoir y progresser.
Au bénéfice de ces remarques, je vous recommande donc l'adoption de ce projet de loi par notre commission.
Je vous remercie.