Intervention de Philippe Pointereau

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 11h40
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Philippe Pointereau, directeur du pôle agro-environnement de Solagro :

Les transitions peuvent se faire à l'échelle des collectivités. Depuis trois ou quatre ans, nous observons une profusion de projets, que ce soit dans le cadre d'un projet alimentaire territorial, de l'appel à projets du ministère de l'agriculture, des territoires d'innovation-grande ambition (TIGA), ou de façon indépendante, sans support direct. La reconnexion entre agriculture et alimentation est un excellent levier dans les territoires.

Nous oeuvrons dans quatre territoires. Nous avons achevé le PAT du Grand Clermont, associé au parc naturel régional Livradois-Forez, dans lequel les acteurs se sont très fortement mobilisés. Ces tables rondes participatives permettent d'engager des actions prioritaires et de mettre en place des projets, sans qu'il y ait véritablement de verrouillage. Ces projets partent de l'existant, et ce que l'on nous demande, c'est une vision prospective, qui donne un cap. Nous avons aussi travaillé sur le PAT de Toulouse Métropole, avec Mme Toutut-Picard, vice-présidente de votre commission.

Nous sommes actuellement à Rennes, l'un des territoires qui a le plus travaillé sur ces questions, car il fait face à un problème de ressource en eau. Sans fleuve, sans nappe phréatique, Rennes doit alimenter 700 000 habitants grâce aux captages superficiels, dans une zone agricole qui compte de nombreux élevages bovins, porcins et ovins intensifs. Le projet est de contractualiser avec les agriculteurs installés dans ces zones de captage afin qu'ils changent leurs pratiques. Actuellement, 35 agriculteurs sont contractualisés, sur un objectif de 500. Une marque, Terre de sources, a été créée.

Les PAT sont un levier, car ils regroupent tous les acteurs dans une vision systémique, englobant aussi bien la restauration collective, l'agriculture, l'industrie que les associations travaillant avec les populations précaires, notamment dans le domaine de la santé. Il s'agit de problématiques locales – eau, emploi ou environnement –, qui mobilisent les acteurs. Et les leviers économiques sont à leur portée.

Je crois davantage à ce type d'initiatives locales qu'à la réforme de la politique agricole commune (PAC), où il n'y a rien derrière le « verdissement » que l'on nous promet et peu d'évolution en termes d'environnement. Je mise aussi davantage sur le PNNS 4. Il y a là un véritable enjeu, car l'orientation est bien différente du plan précédent. Les recommandations sont d'aller vers plus de produits végétaux, non contaminés. Le message est important. Encore faut-il que le plan soit bien mis en oeuvre et que cette politique soit intégrée aux autres.

L'intérêt économique de la transition réside principalement dans les gains en termes de santé. Les économies en émission de gaz à effet de serre que permet de réaliser un tel régime ne sont pas intéressantes, avec une tonne de CO2 est à 50 euros. Mais si l'on retient que le coût pour l'assurance maladie d'une affection de longue durée est de 6 000 euros par individu et par an, et que l'on sait que 210 000 cas de diabète, 280 000 cancers, et 130 000 maladies cardiovasculaires se déclarent chaque année, dont un tiers, selon les chercheurs, est lié à une mauvaise alimentation, les économies peuvent être considérables !

Ce sont aussi les consommateurs qui font bouger les choses et représentent un levier important de la transition. Ils peuvent décider du jour au lendemain de changer leur alimentation, en réduisant la part de viande et en augmentant celles de légumineuses, en achetant plus de produits de saison, non transformés, peu raffinés.

S'il y a un tel engouement pour le bio, avec un taux de croissance entre 20 % et 30 %, c'est qu'ils ont été sensibilisés aux enjeux environnementaux et de santé. Le coût peut jouer car sans optimisation des modes d'achat, une assiette bio est plus chère. Mais il a été démontré que la différence de prix revenait au coût d'une bouteille d'eau minérale – que l'on n'aurait pas besoin d'acheter si l'eau n'était pas polluée…

Enfin, il faut ajouter à ces leviers économiques les aides publiques. Une agriculture qui supporte des coûts externes beaucoup moins importants devrait bénéficier d'un soutien bien plus fort.

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