Renommer les chambres d'agriculture « chambres de l'agriculture et de l'alimentation » est une très belle idée. Je sais de quoi je parle, puisque je préside le conseil scientifique des chambres d'agriculture. Celles-ci s'intéressent à l'alimentation, avec des actions très pertinentes, comme « Bienvenue à la ferme ». Leur travail est intéressant, mais partiel. Il serait intéressant pour les dynamiques territoriales que l'alimentation entre dans la gouvernance des chambres.
Qu'est-ce que l'hybridation ? Il y a quelques années, le bio, c'était des agriculteurs qui ne faisaient pas de l'agriculture conventionnelle et des circuits spécifiques de distribution, avec des magasins dédiés. Cela a changé : nous nous trouvons aujourd'hui dans une forme d'hybridation, puisque l'augmentation du marché et l'anticipation d'une croissance encore à venir ont conduit les grandes et moyennes surfaces à se positionner et des industriels à développer des lignes bio. Les acteurs du régime dominant se sont mis sur la niche.
L'hybridation va se poursuivre. Les techniques mises au point par les agriculteurs bio commencent à être considérées comme intéressantes par des agriculteurs conventionnels parce qu'elles leur permettent de réduire les pesticides, comme les associations de culture. Cela pose encore problème puisque tous les acteurs du régime dominant ne se sont pas encore adaptés – les associations de culture supposent de s'organiser pour conserver des utilisations séparées ou de réfléchir à une utilisation des deux espèces ensemble. Mais la niche est en train de fusionner avec le régime dominant pour donner quelque chose qui n'est ni la niche ni le régime ancien.
D'aucuns diront que ce n'est plus du bio parce que les grandes et moyennes surfaces, après avoir investi le marché, le tireront par le bas. Mais l'on peut penser aussi que le bio a réussi à changer le régime dominant et a gagné sur les surfaces qui étaient en agriculture conventionnelle.
La littérature parle surtout de l'hybridation, car cela semble le processus le plus fréquent, mais la coexistence est un autre modèle possible. C'est le cas des indications géographiques qui coexistent avec le régime dominant. Les systèmes ne sont pas totalement indépendants puisque des échanges d'informations et d'innovations se font.
L'indication géographique « clémentine de Corse », sur laquelle j'ai travaillé ces dernières années, est une belle réussite sur le plan de la consolidation d'une culture et d'un marché. Des échanges techniques se font avec la clémentine espagnole, dont les volumes sont cent fois supérieurs. Un système « bio plus » peut coexister avec un système bio englobant des acteurs comme les grandes surfaces. L'important est que les niches soient suffisamment solides pour supporter ce processus de coexistence ou d'hybridation, mais mon point de vue d'observateur est que l'on ne fait pas assez pour soutenir leur consolidation.