Intervention de Philippe Pointereau

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 11h40
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Philippe Pointereau, directeur du pôle agro-environnement de Solagro :

Il est vrai que l'on dit souvent que le bio ne permettrait pas de nourrir la France. Mais, en réalité, un consommateur qui a intégré le bio et les protéines végétales dans son régime recquiert moins de surface agricole pour se nourrir qu'un consommateur conventionnel.

Le message important à retenir, c'est qu'il faut aller vers plus de végétal et de bio. Nous prônons la combinaison des deux, car le bio permet de résoudre le problème des pesticides et n'utilise pas d'azote chimique, très consommateur en énergie, tandis que le végétal permet d'utiliser moins de surface et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, deux domaines dans lequel le bio est neutre.

Les surfaces consommées le sont à 80 % pour les produits animaux. Sur les 4 000 mètres carrés nécessaires pour nourrir un individu, la production de légumes ne représente que 80 mètres carrés. Par ailleurs, les légumes sont des produits à très forte valeur ajoutée : si l'on relocalise la production de légumes, on peut créer beaucoup d'emplois. Le scénario Afterres 2050 prévoit 300 000 hectares supplémentaires de légumes ; avec un emploi par hectare, on atteint le chiffre de 300 000 emplois, ce qui est énorme !

La permaculture se situe historiquement dans les zones périurbaines, où, avec des terres agricoles plus menacées et un accès au foncier très coûteux, il faut optimiser les cultures. Plusieurs voies sont possibles en maraîchage, elles doivent être explorées. Nous les avons intégrées dans le scénario. Les innovations agronomiques existent aussi dans l'élevage. Elles doivent permettre de passer d'un système laitier basé sur le maïs et le soja, qui peuvent représenter entre 40 % et la totalité de l'alimentation, avec des vaches capables de produire 10 000 litres de lait par an, à des systèmes où les vaches produisent 5 000 litres en broutant seulement de l'herbe.

Ces pratiques sont connues depuis les années 1980, développées notamment par André Pochon, et leurs usagers s'en sortent souvent mieux économiquement. J'ai rencontré un couple d'agriculteurs qui nourrit ses vaches laitières à 100 % en herbe, sans acheter de concentré, et qui gagne 6 000 euros par mois, en travaillant beaucoup moins que les autres !

Il importe de ne négliger aucune piste d'innovation, d'autant qu'en agriculture biologique ou à bas niveau d'intrants, les pratiques ne sont pas les mêmes. L'intérêt de ces innovations est fonction du cadre dans lequel on opère. Les cultures associées, graminées et légumineuses, n'ont d'intérêt que si l'on n'ajoute pas d'azote. La permaculture est intéressante si l'on veut développer l'emploi et les circuits courts : Rennes, à cet égard, a montré que l'on pouvait sécuriser les approvisionnements en légumes ou en fruits bio.

Il faut accompagner ces pratiques, les développer. Les États généraux de l'alimentation ont bien fait ressortir, même si le texte reste nuancé sur ce point, l'intérêt des productions végétales. Mais je regrette que la distinction n'ait pas été faite entre les productions végétales pour l'alimentation du bétail et les productions végétales pour l'alimentation humaine. Il faut un plan sur les fruits et les légumes, les céréales à consommation humaine, comme le sarrasin, et les légumineuses, car ces produits, dont nous aurons besoin, sont aujourd'hui largement importés. Une transition ne sert à rien si elle revient à importer ces productions.

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