Intervention de Cécile Courrèges

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Cécile Courrèges, directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) :

Pourquoi en est-on arrivé là ? Il est difficile de parler pour mes prédécesseurs, ou plutôt pour nos prédécesseurs, dans la mesure où cela relève d'une responsabilité politique beaucoup plus large. Le cadre de l'exercice médical est un cadre légal, qui a donc été posé à la fois par le Gouvernement et par le Parlement dans les vingt ou trente dernières années – il faut en effet se reporter vingt ou trente ans en arrière pour comprendre pourquoi on en est arrivé là aujourd'hui.

On peut tous constater qu'il y a eu un défaut d'anticipation et de projection. Je me rappelle que lorsque je faisais mes études, on nous parlait du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité (MICA), un dispositif de retraite anticipée qui reposait sur l'idée que l'offre créait la demande, en particulier dans le champ médical, et que la dépense de santé était en hausse.

Il est vrai qu'on ne peut que s'interroger sur la façon dont les décisions ont pu être prises, d'autant plus qu'un certain nombre de représentants des médecins – qui sont les premiers à battre leur coulpe – avaient poussé à l'adoption de dispositifs de ce type. À l'époque, il y avait donc un certain consensus. D'ailleurs, quand vous parlez aujourd'hui avec des médecins qui se sont installés dans les années soixante-dix – j'en ai eu dans mes équipes à l'Agence nationale de santé, et j'en vois au quotidien – ils vous racontent qu'il n'y avait pas assez de patientèle, et qu'ils rencontraient plutôt un problème de concurrence. N'oubliez pas qu'alors, les médecins vendaient leur patientèle au moment où ils partaient à la retraite : c'était leur capital-retraite. On en est loin aujourd'hui !

Pour autant, on hérite de cette situation et des décisions qui ont été prises à l'époque, qui ont notamment abouti à faire descendre le numerus clausus en dessous de 4 000, avec un effet retard de six à dix ans – la médecine générale n'était pas encore une spécialité. Aujourd'hui, toutes les décisions que l'on prend sur le numérus clausus ont un effet retard de dix ans.

Il a tout de même été fortement augmenté puisque l'on est repassé au-dessus de 8 000. Hier, 8 800 étudiants – dont les étudiants étrangers qui réintègrent le système français à ce niveau – passaient les épreuves classantes nationales (ECN). Certes, il ne s'agit plus d'étudiants en cours de formation. Mais ce sont ces professionnels qui, avec le décalage de temps que l'on vient d'évoquer, alimenteront demain le système de santé. Ils devraient nous permettre de nous rapprocher du nombre de médecins souhaitable, au regard des besoins de la population.

Depuis, grâce à des dispositifs d'observation beaucoup plus importants, notamment l'Observatoire de la démographie des professionnels de santé et ses observatoires régionaux, nous disposons d'éléments supplémentaires de projection pour anticiper nos besoins, à la fois par territoire et par spécialité. On doit en effet avoir ce double regard dans les choix de régulation que l'on peut être amené à faire dans l'orientation des professions médicales.

Je redis par ailleurs qu'on doit sortir de la seule logique médicale, et faire participer beaucoup plus à la prise en charge des patients l'ensemble des personnels de santé, en particulier les professions paramédicales – ce qui rejoint votre question sur les IPA. Leur intégration à l'université, avec une formation interdisciplinaire, sinon conjointe, pour les professions médicales et paramédicales, devrait nous aider à avancer en ce sens.

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