J'ai eu la chance d'être médecin généraliste entre 1976 et 1986, avant que la spécialité qui était la mienne, la diabétologie, n'ait été créée. Je ne peux que mesurer – c'est un avantage douteux lié à l'âge – les changements majeurs qui sont intervenus depuis cette époque en termes de besoins de soins, qui n'ont pas forcément été anticipés.
Vous le savez, ces besoins sont liés au poids désormais énorme des maladies et des polypathologies chroniques, et des pathologies liées à l'âge. La gériatrie – pas en tant que spécialité, mais en tant que soins aux personnes âgées – qui était tout à fait marginale lors de nos études est ainsi devenue une composante essentielle des soins primaires.
L'augmentation et la modification des besoins en soins vont perdurer. Face à cela, nous ne pouvons que constater un certain retard dans l'adaptation des soins de ville. Jusqu'à ces derniers temps, le modèle prédominant était celui du petit cabinet libéral, avec peu de ressources médicales, peu de supports professionnels pour aider les médecins à travailler, peu de supports numériques pour partager et donner des avis à distance. Mais la situation est en train de changer en profondeur.
Nous observons, depuis deux à trois ans, l'émergence d'une nouvelle structuration des soins de ville : le modèle éprouvé de la maison de santé pluri-professionnelle ou des centres de santé subsiste, mais une nouvelle organisation se dessine au niveau territorial autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qu'on appelait antérieurement « pôles de santé ambulatoires » dans certaines régions. Ces CPTS sont issues d'un mouvement professionnel qui existait avant la loi de 2016, mais celle-ci l'a renforcé.
Cela permet réellement d'adapter l'offre de soins aux besoins, et aux modifications que je vous signalais. Bien sûr, il faut que les mesures gouvernementales suivent. Et elles suivent : par exemple, nous avons appris hier que le Conseil national de l'Ordre des médecins avait voté la transformation de l'autorisation d'exercice multi-sites, qui pouvait parfois poser quelques problèmes, en déclaration simple, et exclu, dans les causes de refus, la clause de concurrence qui pouvait être utilisée de façon quelquefois abusive, en ne retenant que les clauses de qualité et de sécurité des soins. On constate donc un effort de la part à la fois du Gouvernement et des partenaires professionnels avec lesquels nous travaillons.