C'est un moment important pour moi. J'ai déjà eu l'occasion de présenter à chacun des présidents de groupe le dossier expliquant ce que serait le « conseil national de la déontologie journalistique ». Il s'agirait d'un recours, qui n'aurait pas de caractère judiciaire et ne comporterait, dans sa conclusion, si elle était défavorable à un journaliste, ni sanction financière ni sanction professionnelle, mais qui permettrait qu'un conseil dise si telle ou telle information est vraie ou non, fallacieuse ou pas.
Je ne ferai pas l'offense à cette assemblée de citer des cas dans lesquels nous n'avons pu intenter aucun recours contre une fausse information diffusée volontairement. Parmi tous les exemples, je pense en particulier à l'extrait d'une de mes interventions assortie d'applaudissements, qui a permis au service politique de la direction de l'information de France 2 de faire croire que je disais une chose alors que j'en disais une autre ; finalement, un téléspectateur a porté plainte et le CSA a condamné la rédaction politique de France 2. Cet exemple extrême et personnel ne me fait pas perdre de vue que ce dont il est question, c'est d'une liberté pour tous, moins violente qu'un recours en justice, lequel est toujours long et coûteux, et dont la conclusion arrive sans qu'il y ait toujours obligation pour les fautifs de faire connaître leur faute.
Ce conseil est-il demandé par la profession ? Oui : le syndicat majoritaire de la profession, le SNJ, qui a recueilli 53 % des votes de la profession, réclame la constitution d'un tel conseil.
Un tel conseil serait-il une exception française ? Non : il en existe un depuis 1916 en Suède et maintenant dans une quarantaine d'autres pays, notamment au Québec, en Belgique, au Togo, au Chili, suivant un échelonnement de dates qui montre que, pays après pays, on s'est aperçu que c'était une bonne formule.
Elle est bonne parce qu'elle sanctionne moralement. De ce fait, elle permet à un journaliste qui serait poussé par la direction de la rédaction à rectifier un titre ou même son texte – cela peut arriver, même si c'est rare, je sais de quoi je parle – , il aurait la liberté de s'appuyer sur la menace que constituerait l'existence d'un tel conseil.
Certes, cette question vous a déjà été posée, notamment en commission, mais, entre-temps, il y a eu des échanges de toutes sortes entre les divers niveaux de responsabilités et l'on m'a fait l'amabilité de me dire que cette proposition était intelligente.
Chers collègues, vous n'aurez pas souvent la possibilité de prendre la décision de créer un tel conseil, en tout cas pas avant longtemps. C'est donc le moment de le faire.