Ce type d'exercice est toujours un peu compliqué pour moi, car nous ne regardons pas la réalité avec les mêmes lunettes. Quand on considère la situation économique et l'état de nos finances publiques en ne retenant comme perspective que l'ampleur du déficit public et de la dette, on se contente de craindre ou d'observer les retournements économiques. Lorsque l'on ne comprend pas que les cycles du capitalisme financiarisé que nous connaissons aujourd'hui, et qui expliquent la bulle spéculative de 2007, sont justement dus aux politiques d'austérité, au transfert des richesses du travail vers le capital et au libre-échange, on se limite à observer que la conjoncture est parfois plus favorable que ce que l'on avait prévu, ce qui améliore la situation économique et le bilan du Gouvernement, et parfois moins favorable, sans se demander pourquoi.
Si l'économie française n'est pas entrée en récession au cours des années 2009-2015 – et ce ne sont pas mes propres chiffres –, c'est parce que les dépenses publiques ont pris la relève alors que le marché était atone, ce qui a permis d'éviter une récession en France. Je crains que la politique du Gouvernement actuel et l'application de vos préconisations – vous demandez de faire attention aux risques de dérapage – ne conduisent la prochaine crise à toucher un pays d'autant plus fragilisé que le principal feu de son économie aura été réduit. On nous annonce en effet, dans le cadre de la nouvelle LPFP, des coups de rabot supplémentaires sur les aides personnalisées au logement (APL) et les contrats aidés, des suppressions massives de postes dans la fonction publique et des réductions de dépenses dans les collectivités territoriales, alors que les dépenses constituent aussi des recettes – il faut quand même le rappeler. Nous ne regardons donc pas tout à fait de la même manière la situation.
Vous expliquez, à la page 133 de votre rapport, que la trajectoire des recettes « n'incorpore pas certaines mesures annoncées d'allégement des prélèvements obligatoires ». J'attends de voir, avec impatience, quand elles seront prises en compte. De quoi s'agit-il ? Pour paraphraser ce que pourrait dire notre collègue Charles de Courson, c'est la grande gabegie relative au coût du capital, c'est-à-dire tous les cadeaux fiscaux qui ont été faits depuis une trentaine d'années, notamment via l'ISF et la flat tax. Entre 6 et 10 points de PIB ont ainsi été transférés du travail vers le capital, y compris lorsqu'il n'est pas investi. C'est principalement de cela que notre économie souffre, au plan tant des recettes que du coût de l'argent. J'attends donc de voir quels seront, dans un an, les effets de la politique menée par ce Gouvernement.
Enfin, j'observe que vous imputez au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu un coût qui pourrait avoisiner 2 milliards d'euros. Cela fait aussi partie de mes inquiétudes pour l'avenir.