Je rappelle ce qui est proposé : plutôt que de prévoir la compétence du législateur pour fixer les principes fondamentaux en matière d'action contre les changements climatiques, notre amendement vise à consacrer, dans l'article 1er de la Constitution qui recèle les principes fondateurs de la République, la préservation de l'environnement et de la diversité biologique ainsi que l'action contre les changements climatiques.
Cette inscription aura une portée symbolique et normative plus importante que la seule modification de l'article 34 de la Constitution. En clair, si on ne fait rien, ça n'est pas bien ; si on fait quelque chose, ça n'est pas bien non plus.
Pourquoi, écrivons-nous « et, et, et » ? Afin d'éviter la synecdoque, c'est-à-dire que l'on puisse considérer que l'évocation d'un terme vienne masquer l'importance des autres défis. Il nous est apparu que l'énumération de ces trois grands enjeux, qu'il faut rapprocher de la valeur constitutionnelle de la Charte pour l'environnement, recouvrait l'ensemble des enjeux.
Pour répondre à la question de notre collègue Christophe Arend, je dirai que l'expression « agir pour » me paraît préférable au verbe « assurer ». « Agir pour » marque une volonté d'action visant l'atteinte d'un certain nombre d'objectifs ; « assurer » paraît presque plus passif.
Le principe de non-régression a été consacré dans la loi en 2016 et s'impose au pouvoir réglementaire. D'aucuns considèrent que, s'il était intégré dans la Constitution, il s'imposerait à l'avenir au pouvoir législatif.
Nous n'avons pas retenu cette proposition pour deux raisons. D'abord, l'introduction et la définition d'un tel principe ne nous paraissent pas conformes aux exigences de généralités et de clarté qui s'imposent au pouvoir constituant lorsqu'il modifie la Constitution, a fortiori son article 1er. Ensuite, le niveau d'exigence qu'implique l'inscription de l'action en faveur de la préservation de l'environnement, de la biodiversité et de la lutte contre les changements climatiques est déjà élevé, sans qu'il soit nécessaire – j'ai bien compris que ce n'était pas un point que nous partagions tous – d'y ajouter ce principe. Et il faut bien avoir conscience que cela viendrait diminuer significativement la souveraineté parlementaire avec un principe dont la portée est incertaine.
Qu'est-ce qu'une régression et une non-régression ? Confier au juge le soin d'apprécier la réalité, avec le risque qu'il se repose sur des experts à l'impartialité parfois contestable ou en tout cas toujours contestée dans ce domaine, reviendrait à affaiblir le processus démocratique de délibération. Par conséquent, mieux vaut mesurer la portée concrète de ce principe qui s'impose déjà au pouvoir réglementaire avant de lui donner une telle portée juridique. Le Conseil d'État, d'ailleurs, en a déjà fait application ; attendons que la jurisprudence s'étoffe.
Aussi mes chers collègues suis-je tenté de vous lancer une sorte d'appel et de vous dire que nous avons tous – comme sur d'autres sujets ce matin – la volonté de faire en sorte que les défis environnementaux et la préservation de l'environnement prennent un rang éminent. Par conséquent, je souhaiterais que nous puissions nous rassembler autour des amendements CL1506 et du sous-amendement CL1528, en conservant la mise au pluriel de l'expression « changement climatique » proposée par Mme Delphine Batho et M. Christophe Arend par les sous-amendements CL1528 et CL1530.
Aussi, en l'état actuel des choses, afin de porter raisonnablement mais avec enthousiasme l'exigence la plus haute et inscrire cela à l'endroit le plus élevé de la Constitution, il serait préférable que les autres amendements soient retirés au bénéfice de cette formulation sous-amendée.
Car, si nous faisons du droit, nous n'en faisons pas moins de la politique, et il me semble que nous devrions pouvoir démontrer ensemble que cette rédaction, trop audacieuse pour certains, trop peu pour d'autres, peut nous rassembler autour de l'idée que ces trois grands enjeux seront inscrits au fronton de notre Constitution.
Je vous invite donc à ce mouvement qui montrerait à notre peuple que dans notre diversité – chacun avec des exigences plus ou moins appuyées – nous sommes capables de donner un signal conforme à ce que notre pays a pu faire – j'évoquais tout à l'heure l'Accord de Paris et sa portée internationale. Nous rassembler autour de cette formulation qui appartiendra aux générations futures, qui pourront demain l'améliorer s'il le faut, montrera que, dans un oecuménisme dynamique, nous avons souhaité que cette modification constitutionnelle signe une évolution extrêmement forte de ce texte qui est la clé de voûte de notre République. Voilà à quoi je vous invite, mes chers collègues.