Nous avons envisagé sous tous les aspects cette question du déplafonnement et de l'augmentation du nombre de commissions. La tentation serait grande de se laisser convaincre, mais vos rapporteurs ont identifié quelques raisons de ne pas y céder.
La première est que l'augmentation du nombre de commissions pourrait remettre en question la pluralité de la représentation au sein desdites commissions, a fortiori si, demain, il n'y a plus que quatre cents députés : avec dix commissions, nous n'aurions plus que quarante députés par commission. Les semaines continuant de faire sept jours, le risque serait grand, selon le nombre de groupes qui se seraient constitués, de voir certaines commissions désertées faute de temps, voire faute d'intérêt. Faisons donc attention à ce que la prolifération des commissions ne contribue pas à affaiblir les débats en empêchant les groupes peu fournis d'être représentés partout. Au moment où nous nous apprêtons à organiser l'adoption des textes en commission, il me paraît plus que jamais nécessaire de garantir la pluralité d'expression.
Il faut ensuite se garder de tomber dans une forme d'hyperspécialisation des commissions, qui aboutirait à ce que certains sujets deviennent l'affaire de quelques-uns, avec le risque de voir certains députés devenir ainsi la cible des groupes de pression. Nous devons nous protéger.
Ayant une conception très libérale de l'organisation des assemblées, j'étais à l'origine partisan de les laisser se débrouiller et de leur permettre de constituer autant de commissions qu'elles le souhaitaient. Mais, au fil des auditions, vos rapporteurs ont abouti à la conclusion inverse de cette intuition première. D'où les réserves que j'exprime ici.
J'ajoute que l'émiettement de trop nombreuses commissions aboutirait à affaiblir celles-ci, et donc leurs rapporteurs, dans leurs relations avec le Gouvernement. À en croire les anciens et leur expérience parlementaire, si le poids d'une commission est amoindri parce que ses membres sont peu nombreux ou qu'elle se détache moins au milieu d'un nombre plus élevé de commissions, le Gouvernement pourra sans doute lui résister plus facilement. Pour le dire autrement, et en gardant à l'esprit l'idée de ce rapport de forces qui existe entre l'exécutif et le législatif, déplafonner le nombre des commissions reviendrait en quelque sorte à diviser nos forces – pour moins régner. Cela me semble une fausse bonne idée, qui me pousse donc à demander le retrait de ces amendements.
Autre point, qui n'est pas fondamental mais qui est nécessaire à nos réflexions. Si nous voulons faire prospérer cette révision constitutionnelle, il nous faudra trouver un accord avec le Sénat. C'est une chose qu'il nous faut avoir à l'esprit. Je constate que le Sénat, qui s'était opposé naguère à un déplafonnement du nombre des commissions, n'atteint pas le plafond autorisé depuis 2008 puisqu'il n'y a que sept commissions permanentes au Palais du Luxembourg. J'ai la conviction que dans cette assemblée-là aussi, qui est numériquement plus faiblement composée que la nôtre et qui va se réduire encore si les réformes que nous proposons vont à leur terme, la tendance sera également à ne pas multiplier les commissions.
Enfin, il me semble que le Règlement offre tout de même des possibilités. Sous la précédente législature, certains avaient proposé de fusionner la commission de la Défense avec celle des Affaires étrangères – une action militaire n'a de sens que si elle s'inscrit dans une logique diplomatique – et de faire de la commission chargée des Affaires européennes une commission de plein exercice. Pour opérer ce changement auquel je souscris, il n'est pas nécessaire de s'abriter sous les nécessités constitutionnelles. Il suffit de traduire notre volonté politique dans notre règlement. Nous pouvons modifier beaucoup de choses dans l'organisation de nos propres commissions sans toucher à la Constitution.
Eu égard aux effectifs, au pouvoir des commissions futures, au risque d'émiettement, au parallélisme avec le Sénat, je formule une demande de retrait de vos amendements. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Comme l'a dit M. Lagarde, il y a moyen de recourir à des missions d'information, des commissions d'enquête, des groupes de travail, des groupes d'études. Chaque début de législature est fertile en la matière. Ensuite, quand il s'agit réunir ces instances pour produire et travailler, nous sommes très inféconds. C'est à chaque fois la même chose, quelles que soient les majorités, ce qui démontre une certaine constance. Cela doit tenir à notre nature humaine. En tout cas, toute une série d'outils permettent d'interpeller, de travailler, de produire. Faisons attention de ne pas imaginer que c'est le cadre qui ferait la réalité politique et législative.