La présente proposition montre bien la valeur, la portée des mots. Vous proposez ainsi que l'on remplace la notion d'autorité judiciaire par celle de pouvoir judiciaire – suggestion qui n'est pas anecdotique.
L'autorité judiciaire désigne l'ensemble des institutions dont la fonction est de faire appliquer la loi afin de trancher les litiges. Le fait que la fonction de juger soit confiée à une autorité plutôt qu'à un pouvoir n'a rien d'anodin : au moment de la Révolution, le souvenir des parlements d'Ancien Régime et le dogme de la primauté de la loi ont contribué à disqualifier durablement le pouvoir judiciaire. Il n'est pas excessif de dire que c'est le pouvoir judiciaire, précisément, qui a nourri, suscité le sentiment d'injustice qui a provoqué les heureux événements révolutionnaires du XVIIIe siècle.
La Constitution de la Ve République, dont le titre VIII est consacré à l'autorité judiciaire, reste fidèle à cette conception « restrictive » de la justice : si les juges exercent leurs attributions « au nom du peuple français », ils n'en sont pas pour autant les représentants au même titre que les membres du Parlement ou du Gouvernement, et ne peuvent donc constituer un pouvoir propre.
Faire de l'autorité judiciaire un pouvoir judiciaire aurait, par exemple, pour conséquence de remettre en cause le principe selon lequel le Gouvernement définit et est responsable de la politique pénale. Faire de l'autorité judiciaire un pouvoir judiciaire aurait par ailleurs des conséquences budgétaires non négligeables puisque cela reviendrait à doter l'institution d'un budget propre.
Pour toutes ces raisons qui résultent de la sédimentation de l'Histoire, mais aussi de l'équilibre des pouvoirs tel que nous le concevons, j'émets un avis défavorable tout en précisant que, aussi vrai que nous sommes attachés à l'indépendance de l'institution judiciaire, de l'autorité judiciaire, nous devons veiller à ne jamais en faire un pouvoir.