L'amendement que vient de défendre François Pupponi ne pose évidemment pas qu'une question de droit. Évoquer la capacité, au nom de la liberté d'expression, de minorer voire de nier des génocides ne peut que nous atteindre profondément en tant qu'êtres humains et en tant qu'élus.
Le fait de constitutionnaliser la minoration ou la négation de génocides n'empêchera aucune minoration ni aucune négation. Le Conseil constitutionnel a construit à plusieurs reprises une jurisprudence en considérant qu'il serait contraire aux principes de la Déclaration des droits de l'Homme de limiter la liberté d'expression, y compris si c'était au détriment de la loi. En clair, le Conseil constitutionnel a dit qu'il nous revenait par la loi de sanctionner, de punir la minoration, la négation de crimes contre l'humanité, de génocides ou autres, mais que la Déclaration fondamentale des droits prévalait en quelque sorte pour la liberté d'expression. C'est la construction globale de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Comme moi, vous savez que toute une série de lois ont été votées et sont appliquées, et qu'il existe une loi pénale qui sanctionne la minoration et la négation de génocides. Constitutionnaliser ces faits serait au fond une manière de porter atteinte à la liberté d'expression qui aurait des effets de bord qui concerneraient d'autres expressions de la liberté sur d'autres sujets qui n'ont aucun lien avec les crimes que vous évoquez.
Voilà pourquoi nous émettons un avis défavorable sur votre amendement en vous disant, et vous le savez bien, qu'il n'y a pas de bonne solution à l'échelle de la réforme constitutionnelle. J'entends bien que votre amendement appelle l'attention sur les paradoxes, à bien des égards douloureux, de notre hiérarchie des normes, mais je ne crois pas qu'il serait positif pour notre société d'accéder à votre demande. C'est pourquoi je donne un avis défavorable, sans minorer la complexité et la gravité du sujet que vous avez soulevé.