Intervention de Cecilia Wikström

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 17h00
Commission des affaires européennes

Cecilia Wikström, rapporteure du projet de règlement Dublin IV :

Pour répondre à la question de M. Ludovic Mendes sur la possibilité de trouver un compromis avec les pays du groupe Višegrad en mettant en oeuvre un mécanisme de solidarité consistant à majorer la participation financière des États qui refusent l'accueil de demandeurs d'asile, je dirai sans hésitation que cette solution n'est pas envisageable. J'attire votre attention sur le fait que ces pays réfractaires à toute forme de solidarité concrète sont largement bénéficiaires des fonds européens. Nous disposons d'un levier pour faire pression sur ces États et leur expliquer qu'ils ne peuvent pas s'exonérer unilatéralement d'obligations qui ont été décidées par le Conseil européen. Lorsque j'ai proposé au cours de la négociation sur le Paquet asile de prévoir des sanctions financières pour les États qui ne respecteraient pas le mécanisme de solidarité, j'ai été sévèrement critiquée, mais aujourd'hui plusieurs ministres ont fait la même proposition. Il faut conserver une forme de réciprocité au sein de l'Union européenne : les États qui bénéficient de la solidarité financière européenne ne peuvent pas refuser toute participation à une politique commune.

Tout ne peut pas se résoudre par une majoration des aides financières au bénéfice des États en première ligne pour l'accueil des réfugiés. La Grèce ne dispose pas des moyens matériels et humains pour instruire un million de demandes d'asile et ce n'est pas en augmentant les subsides versés à la Grèce que la situation pourrait s'améliorer. Pour prendre un autre exemple, en 2016, la Suède a instruit 163 000 demandes d'asile, alors qu'avec le mécanisme de solidarité proposé dans le cadre de la réforme du Règlement de Dublin, ce quota aurait dû être de 40 000 ; les autres demandeurs ayant été orientés vers d'autres pays moins sollicités. Ce mécanisme de solidarité, dont l'importance varie selon la population du pays et sa richesse nationale, a été conçu pour permettre d'améliorer les conditions d'intégration de ces réfugiés, alors que les pays en première ligne ont une charge beaucoup trop lourde pour offrir un accueil de qualité à ces personnes.

Madame Karamanli m'a demandé ce que je pensais de la mise en place des hotspots et s'il fallait harmoniser leur mode d'organisation. Je voudrais souligner que les hotspots ont été imaginés comme une solution d'urgence lors de l'afflux de migrants en 2015. Il a fallu créer des structures d'accueil ex nihilo, là où les secours maritimes venaient débarquer des populations qui avaient failli périr en mer. Au début ces centres d'accueil ont été assez chaotiques, car il n'y avait aucune procédure d'enregistrement, ni procédure pour les transférer vers les pays où ils voulaient déposer une demande d'asile. De gros progrès ont été faits au cours de l'année 2016, grâce à l'intervention des agences européennes et à la solidarité de certains États membres qui ont détaché des personnels qualifiés pour étudier la situation juridique de ces demandeurs d'asile. Certains hotspots connaissent encore des situations difficiles comme à Lesbos en Grèce, car certaines personnes n'ont aucune perspective de voir leur demande d'asile instruite dans des délais acceptables. Les hotspots doivent rester des lieux de transit après un premier accueil. Certains ont critiqué la première procédure de relocalisation décidée en 2015 et qui a permis à près de 33 000 personnes d'être effectivement transférées de Grèce ou d'Italie vers un autre pays européen moins exposé. Cette procédure a été longue à devenir opérationnelle, mais elle a permis de soulager les pays méditerranéens de première entrée. À l'avenir, il faut que la future Agence de l'Asile joue un rôle majeur pour organiser ce mécanisme de solidarité et ce sont des fonds européens qui doivent financer les coûts de transfert des réfugiés entre leur pays d'arrivée à celui où ils déposeront leur demande d'asile.

Je suis très consciente qu'il faut impérativement que l'Union européenne améliore sa coopération avec les pays tiers où transitent les migrants et qu'elle cherche à prévenir certaines formes de migrations économiques. Mais elle ne doit pas se décharger sur d'autres États particulièrement vulnérables, notamment en Afrique, et se défausser de ses responsabilités.

Vous m'avez interrogée sur l'accord passé entre l'Union européenne et la Turquie en mars 2016 pour me demander si je disposais d'une évaluation de ce dispositif. Je voudrais surtout souligner qu'il ne s'agit pas d'un accord légalement négocié car, si tel avait été le cas, le Parlement européen aurait dû se prononcer sur ce texte. C'est délibérément que la Commission européenne a négocié une sorte de compromis d'urgence avec la Turquie pour réduire le nombre d'arrivées de migrants dans les îles grecques. Je dirai donc que cette déclaration entre la Turquie et l'Union européenne n'est qu'un pis-aller qui ne présente aucune garantie de contrôle démocratique.

Je me suis récemment rendue en Tunisie et les responsables tunisiens m'ont fait remarquer qu'ils n'avaient jamais été consultés sur le projet d'installer sur leur sol des centres d'accueil où seraient amenés les réfugiés naufragés, afin de déterminer si ces personnes étaient bien susceptibles de déposer une demande d'asile. Ces procédures sont très longues et rien ne semble avoir été prévu pour ceux qui sont considérés comme des migrants économiques. Qui se chargera de les reconduire dans leur pays d'origine ?

Quant à la question de savoir s'il faut mettre en place des centres de premier accueil fermés pour les candidats à l'Asile sur le territoire européen, je ne me prononcerai pas sans connaître le détail de ces propositions. Pour l'instant ce sont de simples pistes de réflexion.

Je crois que la véritable urgence se situe au niveau du Conseil européen. Les États membres doivent prendre leur responsabilité, dire clairement à quoi ils s'engagent et voter sur les options qui restent en discussion. La recherche du consensus et de l'unanimité conduit à l'immobilisme, à différer des prises de décisions pourtant cruciales. Le Parlement européen a largement assumé ses responsabilités et a réussi à trouver un compromis sur la refonte du Règlement de Dublin. Le Conseil européen doit sortir de cette culture du secret et assumer ses choix. L'essentiel est d'arriver à définir un régime européen commun du droit d'asile.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.