Dans le Pacifique, la protection de nos ressources est prioritairement orientée vers la lutte contre la pêche illicite. Aujourd'hui les blue boats vietnamiens sont particulièrement actifs dans le Pacifique occidental. Un principe se vérifie toujours : ce qui n'est pas protégé est pillé, ce qui est pillé est contesté.
L'affirmation du droit maritime international fait l'objet de missions spécifiques en mer de Chine méridionale, où le différend bien connu continue d'opposer les États riverains malgré la sentence de la Cour Permanente d'Arbitrage. La France, deuxième pays maritime du monde, est attachée au respect du droit maritime international codifié par la convention de Montego Bay de 1982. Ainsi, plusieurs unités françaises ont transité dans cette zone en appliquant strictement le droit maritime international. Certaines de ces unités sont basées dans le Pacifique, d'autres viennent de métropole, comme la mission Jeanne d'Arc.
Quant à nos besoins en navires, ils sont de deux ordres. Ils concernent tout d'abord le renouvellement des bâtiments de combat qui a commencé en 2005 et qui se terminera en 2030. Je vise à cet égard dix-huit frégates de premier rang. Je rappelle que pendant la guerre des Malouines – qui n'était pas, loin s'en faut, un conflit mondial –, quatorze bâtiments britanniques ont été touchés. Je vise également dix-huit Atlantique 2 rénovés et dix-huit BATSIMAR. J'ai par ailleurs des besoins de court terme, que j'ai déjà évoqués, pour tout ce qui est en train de tomber en poussière : nos patrouilleurs outre-mer, nos ravitailleurs et nos Alouette III.
En ce qui concerne le Charles de Gaulle, il faut d'abord lancer des études pour déterminer plusieurs éléments. Tout d'abord, quels avions aurons-nous en 2030-2040 ? Seront-ils plus gros ou plus petits ? Y aura-t-il des drones ? Quelles catapultes utiliserons-nous ? Les nôtres sont aujourd'hui à vapeur mais les Américains ont lancé hier le Gerald Ford, le premier porte-avions de nouvelle génération, équipé de catapultes électromagnétiques. Comment ces dernières fonctionnent-elles ? De quelle source de puissance a-t-on besoin pour les faire fonctionner ? Les industriels doivent explorer ces questions avant que nous nous décidions. Naval Group pense que l'on pourrait construire un nouveau porte-avions en dix ans. Quoi qu'il en soit, il importe de ne pas perdre dans les quelques années qui viennent les savoir-faire, en particulier les plus pointus, qui ont été entretenus par les industriels avec le Charles de Gaulle et de nous mettre en situation de prendre une décision d'ici à deux ou trois ans sur le sujet.
Sur la question de ce que vous appelez les challengers, il y a des attitudes qui correspondent à des messages qui nous sont directement adressés ; par exemple les sous-marins qui opèrent à proximité de nos approches bretonnes.
Et puis il y a un mouvement de fonds d'investissement militaire des États-puissances, notamment dans leurs marines qui peuvent se déplacer autour du monde sans entrave. Ainsi la Chine a lancé en quatre ans l'équivalent de la marine française en bâtiments de combat, tout en ouvrant une base de 10 000 hommes à Djibouti.
Objectivement, le contexte stratégique est bouleversé. Là où nous opérions quasiment seuls pour assurer la défense des intérêts de notre pays, de nouveaux acteurs sont désormais présents, avec des moyens navals comparables en nombre aux nôtres.
J'en viens à l'outre-mer. Je n'y ai pas que des patrouilleurs mais aussi des bâtiments logistiques, les bâtiments multimissions (B2M), que l'on vient de renouveler, à raison d'un par DROM-COM. Mon objectif est de revenir au format de 1982, année de la Convention de Montego Bay et de la création des zones économiques exclusives. La France, qui devient cette année-là le deuxième pays maritime au monde, décide de surveiller ces zones pour éviter qu'elles soient pillées. Elle se crée un format minimum pour chaque département ou territoire d'outre-mer, composé de deux patrouilleurs, d'un bâtiment logistique – ce que l'on appelait auparavant bâtiment de transport léger (BATRAL) et que l'on appelle maintenant B2M – et d'une frégate de surveillance. Je ne cherche pas à augmenter ce format mais bien à le retrouver, ce qui suppose que nous ayons huit patrouilleurs pour l'ensemble des outre-mer (hors Guyane, qui vient déjà de recevoir deux nouveaux bâtiments). Pour cela, je ne cherche pas à avoir un bâtiment de combat, capable de tirer des missiles à 300 kilomètres : l'outil de combat principal de ces bateaux est leur pavillon français qui marque notre présence et qui leur permet d'observer la situation et d'intervenir dans des situations simples. Si malgré la présence de ces unités, notre souveraineté était contestée, alors c'est la flotte de combat qui pourrait être déployée.
Avons-nous une mission sanitaire ? Nous avons les moyens d'exercer des missions sanitaires. Les BPC dont j'ai parlé tout à l'heure, les fameux Mistral que vous pourrez voir aux Universités d'été de la défense (UED), peuvent transporter des troupes, des chars, des hélicoptères, un état-major ou encore un hôpital dit « rôle 3 », où l'on peut faire de la chirurgie lourde. Le Charles de Gaulle dispose d'un « rôle 2 », c'est-à-dire qu'on peut y faire de la chirurgie importante mais pas de la chirurgie lourde. Lors du tsunami en Indonésie, la Jeanne d'Arc avait participé aux opérations humanitaires. Aujourd'hui, si une catastrophe de grande ampleur avait lieu, comme lors du dernier tremblement de terre en Haïti où nous avions envoyé un TCD (transport de chalands de débarquement), l'équivalent d'un BPC, nous pourrions envoyer des moyens médicaux, des moyens de transport, des hélicoptères – les routes étant généralement détruites – et des moyens de débarquement. Alors que l'on parle de dérèglement climatique et que les phénomènes météorologiques sont de plus en plus violents dans les zones tropicales, le BPC et les B2M joueront un rôle important en cas de catastrophe naturelle.