Monsieur le député Gouttefarde, arrive-t-il qu'il y ait deux sous-marins à la mer ? Bien sûr. Notre doctrine, dite de stricte suffisance, c'est qu'il y en ait au moins un en permanence. Sur nos quatre SNLE, il y en a donc : un en grande réparation, lorsqu'on enlève tout à bord et qu'on démonte tout ; un en entretien régulier, lequel dure deux mois ; un en entraînement, ou s'il est entraîné, à la mer ; et un à la mer.
L'important est qu'il y ait en permanence un sous-marin à la mer. Certains avaient pensé qu'on pourrait se contenter de faire appareiller un SNLE en cas de crise, et le reste du temps, le laisser à quai ; cela aurait permis de diminuer le nombre de sous-marins. Mais imaginez le poids d'une décision fondée sur l'analyse qu'une crise est suffisamment importante pour ordonner l'appareillage d'un SNLE ! Ce serait lancer un signal politique considérable, qui déclencherait une aggravation très lourde de la crise. Alors que là, c'est une donnée : quoi qu'il arrive, que nous soyons inquiétés ou pas, la dissuasion est en oeuvre. C'est la raison de cette permanence.
Madame Brunet, je parlais de « signaux faibles » en matière de renseignement, notamment pour prévenir les actes terroristes dans le domaine maritime. À cette fin, nous avons créé des pelotons de sûreté maritime et portuaire : on l'a fait au Havre et à Marseille, on va le faire à Dunkerque, Calais, et à Saint-Nazaire. Il s'agit de mettre en place des réseaux de renseignement et d'information, permettant de distinguer les cibles, afin de savoir sur quel bâtiment porter une attention particulière. Cela étant, de manière générale, je veux développer l'utilisation du Big Data en matière d'information maritime. On dispose de milliards d'informations sur les navires, qui émettent leur position par des transpondeurs AIS. On est capable de suivre toutes ces informations et de dire : tel bâtiment est passé au large de la Syrie il y a trois ans, il a coupé son AIS pendant quatre jours ; il est donc suspect. Cela demande des capacités de traitement de données massives, sur lesquelles nous sommes en train de travailler. J'espère pouvoir vous en dire plus au mois d'octobre.
Monsieur Jacques, vous avez parlé budget. En la matière, est-ce que l'on voit loin ou est-ce que l'on a le nez dans le guidon ? Je dirais : « Les deux, mon colonel. » (Sourires.)
Tout à l'heure, l'un de vous a évoqué le retrait du service actif du Charles de Gaulle en 2038-2040. On a parlé de la livraison, en 2030, de la dernière frégate de taille intermédiaire (FTI), et du dernier sous-marin Barracuda. Comme toujours, dans les programmes d'armement, et singulièrement dans les programmes de la marine, le temps est très long. Et vingt ans est bien l'horizon temporel sur lequel travaille l'état-major.
Il faut donc imaginer les livraisons année après année, non pas sur un an mais sur cinq ans, durée prévue des lois de programmation militaire, et en fonction des hypothèses budgétaires qui auront été mises sur la table. Évidemment, si les hypothèses budgétaires ne prévoient une remontée qu'à partir de 2025, il ne se passera pas grand-chose. Mais les annonces d'une dynamique budgétaire importante dès 2018 sont, selon moi, de nature à rétablir la situation difficile que nous connaissons.
J'en viens aux femmes, Madame Trastourt-Isnart : aidez-moi ! Il y a 14 % de femmes dans la marine, alors qu'elles représentent 20 % des engagements. Les femmes peuvent servir sur tous nos bâtiments, sauf dans les sous-marins, mais nous sommes en train de résoudre cette question. À la fin de l'année, les premières femmes feront des patrouilles sur des sous-marins. C'était un engagement de mon prédécesseur, il sera tenu.
Il n'y a pas encore de femmes dans les commandos marine, qui leur sont pourtant ouverts. Simplement, il se trouve qu'elles ne se sont pas encore présentées aux stages commando. Quand je m'occupais des commandos, on s'est demandé s'il fallait prévoir un niveau pour les femmes et un niveau pour les hommes. Je m'y étais refusé car les balles de Kalachnikov vont à la même vitesse pour tout le monde.
Pourquoi ai-je demandé votre aide ? Parce que les femmes quittent la marine en moyenne à trente-deux ans. Je vous ai parlé de conciliation vie professionnelle-vie privée. Or il se trouve que les femmes et les hommes se posent la même question entre trente et quarante ans, au moment où ils veulent fonder une famille : partir quatre mois avec trois jours de préavis, est-ce que c'est vraiment viable pour la famille ?
Souvent les hommes font le dos rond et arrivent à passer le cap de ces dix années. Mais les femmes s'en vont. Or elles avancent souvent plus vite que les hommes. Au cours de cette période, elles sont généralement plus mûres, plus volontaires et particulièrement performantes. Voilà pourquoi je veux les aider à rester dans la marine.
Je souhaiterais, peut-être à l'occasion de l'examen de la loi de programmation militaire, imaginer avec votre aide un processus de disponibilité au sein du ministère des Armées. L'idée est de leur permettre d'accéder au temps partiel. Mais qui dit temps partiel dit statut civil, car le statut militaire est fondé sur une disponibilité en tout temps et en tous lieux, et il n'est pas question d'y toucher. Voilà pourquoi il faudrait donner temporairement à ces militaires un statut civil. On leur permettrait ainsi de rejoindre pendant quatre ou cinq ans un emploi qu'on « civilianiserait » au sein de la marine, au sein du ministère des Armées. Ils resteraient au contact des problématiques de défense et des problématiques de la marine, avec un salaire correspondant évidemment aux contraintes civiles, différentes des contraintes militaires. Ils choisiraient ensuite soit de revenir sous l'uniforme soit de changer de métier. Cela ne pourrait se faire que pour un nombre restreint de postes, afin que le flux soit maintenu.
Peut-être aurez-vous de meilleures idées. Pour moi, la fidélisation est une de mes premières préoccupations, et je constate que les femmes ont une propension plus importante à quitter l'uniforme.