Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 12 juillet 2018 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2019

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Cela dit, débattre de l'orientation budgétaire exige l'analyse du passé, le constat du présent et l'analyse des perspectives d'un futur proche.

Sur le passé proche, en cinq ans, de 2012 à 2017, le déficit public s'est réduit de 5 % à 2,6 %, ce qui vous a permis de passer sous la barre des 3 % et de retrouver son niveau de 2007 sous l'effet aussi – il faut l'admettre – d'une conjoncture meilleure. Pendant cette période, la dette a faiblement augmenté et les dépenses publiques ont été contenues en pourcentage du PIB : on relève une évolution moyenne de 0,9 % entre 2012 et 2017, contre 2,1 % entre 1991 et 2011.

Ces résultats sont objectivement bons – ce que la Cour des comptes et le Gouvernement ne soulignent malheureusement pas – eu égard aux résultats des efforts d'un mandat. La Cour des comptes se contente de féliciter le Gouvernement des coupes que celui-ci a opérées dans les dépenses au détriment des plus fragiles. Quel courage budgétaire, par exemple, que de renvoyer les bénéficiaires d'emplois aidés à la case RSA aux frais des départements !

Dès lors, quelle mascarade que ce débat quand la messe est dite ! Elle a même été redite lors de l'intervention du Président de la République au Congrès de Versailles. La volonté présidentielle se situe dans la droite ligne des préconisations de la Cour. L'orientation des réductions de la dépense publique est bien une remise en cause de notre cohésion sociale.

Certes, notre modèle social coûte cher. En 2017, il représentait 56,4 % du PIB, bien plus que la moyenne européenne, mais n'a-t-il pas un rôle protecteur, surtout dans les périodes de crise ?

Venons-en au constat du présent. Pour le budget 2019, vos intentions, vos orientations, on les devine, mais que d'incertitudes !

Sur les recettes, incertitude sur le taux de croissance : 2 % selon le Gouvernement, 1,7 % selon l'INSEE, soit un différentiel avoisinant tout de même les 4 milliards d'euros. Incertitude liée au Brexit, cela a été rappelé. Incertitude sur le passage au prélèvement à la source. On parle là d'un différentiel de 2 milliards d'euros.

Côté dépenses, je le disais en propos liminaire, le Gouvernement a bien dû finir par se dévoiler. Les crédits de la mission « Travail et emploi » diminuent de 13,5 %, soit de nouvelles coupes sur le budget des emplois aidés, qui constituent malgré tout un véritable outil tant pour les associations que pour les collectivités.

Chacun devra donc faire toujours mieux avec toujours moins. Les préceptes du nouveau monde ont de quoi heurter. Il nous faudra être d'autant plus forts pour garantir la solidité de cette cohésion à laquelle nous sommes profondément attachés à l'échelle locale.

La mission « Cohésion des territoires » continuera à détricoter les APL. Et que dire alors de la baisse de 9 % des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ? À l'heure où il nous revient justement de porter une voix forte de la France en Europe, nous envoyons, au contraire, un très mauvais signal à nos agriculteurs.

Quant au futur proche, s'il faut vous convaincre encore de la dangerosité de vos choix et de l'inquiétude qu'ils suscitent, regardons la trajectoire des finances publiques 2018-2022. Depuis sa présentation en janvier dernier, elle se dégrade. Les magistrats le rappellent avec sévérité, elle repose sur des « hypothèses fragiles », elle est « peu documentée » et devra faire face à des facteurs de « dérapages ».

Les exemples concrets de ces dérapages ne manquent pas : 120 000 postes de fonctionnaires seront supprimés sur le quinquennat, 50 000 dans la fonction publique d'État et 70 000 dans la fonction publique territoriale. Dans le même temps, nous devrons répondre aux interrogations légitimes de nos concitoyens sur l'accès aux services et la prise en charge de leur santé. Or il n'y a aucun détail sur ce plan social déguisé, notamment dans votre tiré à part ; il n'y a que des incertitudes. Vous cassez et cassez encore, vous abîmez des piliers forts, véritables marqueurs de la cohésion sociale.

Comment pouvez-vous prétendre avoir pour objectif l'égalité de destin quand vous mettez les plus fragiles au fond du trou ? À tous les Français, nous disons non seulement notre inquiétude, mais aussi notre détermination à démontrer que, comme le prouve ce débat d'orientation des finances publiques, Versailles n'avait rien d'une promesse. Au contraire, cette volonté d'y aller au bulldozer requiert toute notre vigilance.

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