Une Constitution trace les limites d'un État. Elle en dessine l'ambition politique et crée les moyens juridiques nécessaires à son accomplissement. L'article 1er, disait Guy Carcassonne, définit le consensus républicain. Cet article fonde et justifie l'ensemble du projet constitutionnel qu'il introduit. Il est ce que le constituant ou la constituante veut rendre intangible, ce pour quoi il y a République, l'essence ultime du contrat constitutionnel. Il peut, de ce fait, susciter des débats sur l'ampleur de ce consensus. Mais, s'il y a un élément qui est la règle immuable des constitutions républicaines, c'est le principe d'égalité.
Notre amendement vise à renouveler ce pacte plus que bicentenaire entre l'idée de République et l'idéal d'égalité, en donnant de nouveaux moyens constitutionnels permettant de concrétiser ce dernier. Cet amendement étoffe les motifs de discrimination interdits. Cette énumération n'est pas surnuméraire. Il s'agit de distinguer entre l'application générale du principe d'égalité, qui peut connaître une mise en balance avec d'autres principes, notamment d'ordre public, et les discriminations interdites, qui ne peuvent souffrir aucune compromission. Aucun motif ne saurait justifier, à cet égard, une rupture d'égalité.
Cette nouvelle énumération est l'occasion de modifier la formulation de la protection contre les discriminations raciales. Elle consiste à introduire, au sein de la Constitution, dans la formule consacrée en droit pénal français, les termes « prétendue race », mais également à faire apparaître l'interdiction des discriminations sur le fondement de l'orientation sexuelle, de la situation de handicap ou du genre, pour ne citer que ces exemples.
Cet amendement vise également à instaurer une obligation positive pesant sur l'organe législatif concernant les discriminations interdites. La représentation nationale ne peut pas se contenter de ne pas, elle-même, explicitement, discriminer. Il doit également lui être imposé constitutionnellement de tout mettre en oeuvre pour combattre ces discriminations, qui nous sont, à toutes et à tous, intolérables. Il doit y avoir un contrôle constitutionnel en la matière et un recours individuel doit être ouvert à nos concitoyens et à nos concitoyennes lorsqu'ils ou elles sont victimes des effets discriminants d'une loi, directement ou indirectement. Si cela va de soi – comme la majorité a parfois tendance à le répéter – , en droit, ça va toujours mieux en le disant, faute de quoi une norme juridique n'est pas contraignante. Il s'agit pour nous de faire reculer les frontières de l'égalité.