Intervention de Cédric Villani

Séance en hémicycle du jeudi 12 juillet 2018 à 15h00
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Avant l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani :

J'ajoute bien sûr mes félicitations à celles des orateurs qui m'ont précédé.

Vous me permettrez une petite remarque à contre-courant sur le rôle de la science, et sur la notion d'espèce, évoquée par plusieurs intervenants. Il est vrai, comme le disait Jean-François Eliaou, qu'il n'existe qu'une seule espèce humaine. Mais il ne faut surtout pas se fonder sur cette idée pour agir ; je suis un peu mal à l'aise à l'idée que cette unicité de l'espèce humaine servirait à justifier notre vote.

Mes chers collègues, il n'y a pas, en biologie, de notion plus battue en brèche, au cours des dernières décennies, que celle d'espèce. Il y a trente ans, on savait ce qu'était une espèce ; demandez maintenant à un biologiste : il ne se risquera pas à vous donner une définition précise. Il arrive même que l'on découvre que ce qu'on croyait être une espèce unique est en fait multiple… Cela vous fera sourire : alors que l'on pensait il y a quelques années qu'il n'existait qu'une seule espèce de girafe, on admet maintenant qu'il y en a quatre, distinctes. Il a fallu des progrès très subtils pour déterminer ce fait.

La science doit éclairer nos débats, je suis le premier à le dire ; mais en aucun cas elle ne doit nous décharger de nos obligations, de nos responsabilités politiques. On considère aujourd'hui qu'il existe une seule espèce humaine, mais qui sait quelles distinctions pourraient un jour être découvertes ? La science de l'homme a fait ces dernières années des progrès incroyables : nous savons maintenant que la plupart d'entre nous sommes porteurs d'un patrimoine génétique issu de l'homme de Néandertal ; plusieurs lignées nouvelles d'hommes préhistoriques ont également été découvertes, par exemple l'Homme de Florès. Qui sait ce que l'on saura dans quelques années que nous ignorons aujourd'hui ?

Certes, cette unité biologique, affirmée aujourd'hui par la science, est importante. Mais, pour déterminer l'unité de l'humanité, une autre raison, bien plus fondamentale, prime : c'est l'empathie, le sens d'un destin commun qui fait que, quelles que soient les avancées passées, présentes et à venir de la science, nous reconnaissons toute l'humanité comme nos frères et nos soeurs.

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