Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du lundi 9 juillet 2018 à 15h00
Déclaration de m. le président de la république

Emmanuel Macron, Président de la République :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mesdames, messieurs les députés, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai rien oublié, et vous non plus, du choix que la France a fait il y a une année. D'un côté, toutes les tentations de la fermeture et du repli ; de l'autre, la promesse républicaine. D'un côté, tous les mirages du retour en arrière ; de l'autre, les yeux ouverts, le réalisme et l'espérance assumée.

Je n'ai rien oublié des peurs et des colères, accumulées pendant des années, qui ont conduit notre pays à ce choix. Elles ne disparaissent pas en un jour ; elles n'ont pas disparu en une année.

Je n'ai pas oublié la peur du déclassement pour soi-même et pour ses enfants ; la rage devant l'impuissance publique ; le pays qui se sent coupé en deux, non pas seulement entre partis opposés mais, plus grave encore, entre sa base et son prétendu sommet – à la base, les femmes et les hommes au travail ou qui cherchent du travail sans en trouver, tous ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, et, au sommet, ceux qui sont au pouvoir, leurs discours de soi-disant puissants qui ne changent jamais rien, et auxquels, en plus, on ne comprend rien – ; l'impression du citoyen d'être ignoré, méprisé et, surtout, de ne pas voir, de ne plus voir, où nous devons et pouvons aller ensemble ; la colère, enfin, née de la fin des ambitions collectives comme des ambitions familiales et personnelles.

Je n'ai rien oublié de ces colères ni de ces peurs. Rien ! La peur aussi de l'autre, des grands changements, du fracas du monde : les tensions avec l'Iran, la guerre commerciale lancée par les États-Unis, les divisions de l'Europe. Je n'ai pas oublié, je n'oublie pas et je n'oublierai pas !

C'est pourquoi je me présente devant vous, dans ce rendez-vous que j'ai voulu annuel, humble mais résolu, porteur d'une mission dont je n'oublie à aucun moment qu'elle engage le destin de chaque Française, de chaque Français, et donc le destin national.

Humble mais résolu, ai-je dit, et je vais vous faire une confidence. Il y a une chose que tout Président de la République sait : il sait qu'il ne peut pas tout, qu'il ne réussira pas tout. Je vous le confirme, je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout, mais mon devoir est de ne jamais m'y résoudre, et de mener inlassablement ce combat !

Tout Président de la République connaît le doute, bien sûr, et je ne fais pas exception à la règle. Mais j'ai le devoir de ne pas laisser le doute détourner ma pensée et ma volonté. C'est une fonction qui, si l'on est réaliste, porte à l'humilité, ô combien ! mais à l'humilité pour soi, pas à l'humilité pour la France. Pour la France et pour sa mission, le Président de la République a le devoir de viser haut, et je n'ai pas l'intention de manquer à ce devoir.

De ce destin national, nous sommes, vous comme parlementaires, le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, moi comme Président de la République, conjointement chargés. Vous êtes la représentation nationale. C'est une grande tâche que de représenter le peuple souverain, pas seulement un peuple de producteurs et de consommateurs, animés d'attentes économiques et sociales, non, un peuple de citoyens, des femmes et des hommes qui veulent, les yeux ouverts, façonner leur destin collectif.

Durant cette année, le Parlement a beaucoup travaillé. La mission que les Français nous ont assignée il y a un an, vous ne l'avez jamais perdue de vue : renforcer notre économie, définir un modèle social juste et équitable, conforme aux aspirations de notre siècle, restaurer l'autorité de l'État et lui donner réactivité et efficacité, relancer l'Europe. Vous avez, jour après jour, oeuvré en ce sens.

Vous avez oeuvré dans l'urgence pour tourner la page de politiques et de blocages qui handicapaient lourdement notre pays. Votre action a permis que l'investissement reparte ; que le scandale du tirage au sort à l'entrée à l'université prenne fin ; que l'école retrouve sa place, et la transmission, sa dignité ; que la lutte contre le terrorisme soit inscrite dans notre droit, sans avoir plus recours à l'état d'urgence ; que le travail paie davantage ; que la France se dote d'un budget sincère, efficace et ambitieux, et repasse sous les 3 % de déficit. Vous avez rendu à la France ses capacités militaires par une loi de programmation d'une ambition nouvelle et inédite ; vous avez levé les blocages du marché du travail créés par un code devenu obsolète et inadapté ; et vous avez sauvé d'une faillite certaine notre service public du transport, la SNCF, par une réforme sans précédent.

Par là, vous avez démontré qu'il n'existe pas de fatalité de l'enlisement et de l'échec, lorsque prévaut une volonté politique sans faille guidée par l'intérêt général. Vous avez engagé des chantiers d'une ampleur jamais vue, notamment le chantier de la formation professionnelle, de l'apprentissage, du logement. Sur tous ces sujets, qui peut oublier la situation dans laquelle était le pays il y a un an ? Qui peut oublier que chacune de ces réformes était réputée impossible il y a un an ?

Le chantier institutionnel a certes un peu tardé, mais nous assumons ce retard, qui n'est dû qu'au choix délibéré de donner la priorité au quotidien des Français. Le Premier ministre en présentera demain le contenu devant l'Assemblée nationale. Je sais tout le travail qui a d'ores et déjà été accompli dans cette enceinte.

Au coeur de cette réforme institutionnelle se trouve la volonté d'une liberté plus grande : liberté des collectivités territoriales, appelées à mieux exploiter leurs atouts leurs spécificités, en permettant une véritable différenciation ; liberté des citoyens, grâce à une justice indépendante ; liberté du Parlement, que je veux plus représentatif des Français, renouvelé, doté de droits supplémentaires, animé par des débats plus efficaces.

1 commentaire :

Le 17/07/2018 à 10:11, Laïc1 a dit :

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"liberté du Parlement, que je veux plus représentatif des Français,"

En réduisant le nombre des députés, ce sera une représentation a minima. Une caricature de représentation. De toute façon, pourquoi donner (obligatoirement) le pouvoir à d'autres de parler pour soi quand on peut très bien le faire soi-même ?

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