Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

En ce qui concerne les mesures à prendre pour nous mettre en conformité avec le protocole sur les armes à feu, la mise en oeuvre de ce dernier relève du ministère de l'Intérieur. Je ne suis donc pas la mieux placée pour vous répondre en détail sur ce point. D'une façon générale, la France joue un rôle moteur, au sein des instances internationales, dans le domaine du contrôle des armements. Nous avons ainsi présidé la conférence sur les armes de petit calibre. Sur des sujets d'ordre plutôt diplomatique, le ministère des Affaires étrangères peut nous aider à avoir une bonne appréciation du rôle que la France joue dans ces instances internationales.

Quelle est la répartition des tâches entre la DGA, l'état-major des armées et la DGRIS lorsque les dossiers sont instruits en amont de la réunion interministérielle de la CIEEMG ? En réalité, la DGA accomplit le travail d'expertise technique et examine la manière dont ces programmes s'articulent avec les programmes nationaux. L'état-major des armées, quant à lui, examine plutôt les aspects opérationnels en essayant de comprendre quel pourrait être l'impact de ces armes si elles étaient exportées puis utilisées contre des tiers, voire contre nous-mêmes. Enfin, la DGRIS offre une compréhension du contexte géopolitique d'ensemble et resitue l'exportation éventuelle dans un cadre plus global. Rien que de très classique, donc. Mais ces différentes analyses se complètent très bien.

Quelques éléments concernant les volumes ou les contrats qui pourraient être comptabilisés en 2018. Un certain nombre de contrats importants ont été conclus cette année. Je pense, par exemple, aux hélicoptères vendus au Qatar, pour un montant de l'ordre de un milliard. Dans le cadre de notre partenariat stratégique avec la Belgique, la signature concernant le programme « capacité motorisée » interviendra en 2018. Quant au contrat du siècle, qui porte sur les sous-marins australiens et dont certains se sont étonnés qu'il ne se traduise pas dans les chiffres présentés, il trouvera une première traduction en 2018, grâce à la signature, attendue au début de l'automne, du contrat de conception. Je ne peux donc pas encore vous donner une comptabilité précise, mais devraient être enregistrés, au cours de l'année 2018, un certain nombre de contrats d'une taille significative ou des tranches d'un contrat beaucoup plus substantiel puisque, s'agissant des sous-marins australiens, le contrat de conception n'est qu'un des éléments du contrat validé il y a deux ou trois ans. J'ajoute que le contrat portant sur les douze Rafale du Qatar, lui aussi tout à fait substantiel, a été signé au mois de février.

Mme Gipson et M. Ferrara m'ont interrogée sur la ventilation des postes supplémentaires créés par la LPM pour le SOUTEX. La répartition est très précisément la suivante : 267 ETP pour la DGA et 133 pour les armées. La montée en puissance sera progressive entre 2019 et 2022 et plus significative en 2023, pour atteindre la cible des 400.

Il est vrai que la question du cyber n'était pas présente à l'esprit de ceux qui ont établi les listes des armements soumis à un contrôle. Il convient donc de les actualiser ; c'est l'objet des discussions en cours dans le cadre du protocole de Wassenaar. Les listes doivent en effet prendre en compte ces nouveaux équipements, si essentiels à notre protection et à notre défense.

Plusieurs questions portent sur la concurrence des États-Unis et de la Chine. Les États-Unis sont le numéro un, et de très loin, en matière d'exportation d'armements, puisqu'ils assurent plus du tiers, je crois, des exportations mondiales totales. Cela fait soixante-dix ans que c'est le cas, et cela risque de durer encore un peu… Néanmoins, pour que cette suprématie puisse être un peu entamée, il faut un sursaut des Européens, lequel suppose, premièrement, que ceux-ci achètent un peu moins de matériel américain et, deuxièmement, que, grâce aux initiatives prises dans le cadre de l'Europe de la défense, ils puissent trouver des équipements européens qui répondent à leurs besoins. Que pouvons-nous faire ? Négocier dans le cadre d'ITAR pour éviter d'être dépendants des Américains et promouvoir l'autonomie européenne et l'achat européen. Mais ayons en tête que les choses ne changeront pas du jour au lendemain.

En ce qui concerne la Belgique, ce que je peux dire, c'est que, contrairement à ce que l'on peut lire dans un certain nombre de gazettes, notre offre n'est pas juridiquement illégale. Nous avions tout à fait le droit de faire une offre en dehors du cadre défini par le gouvernement belge, car elle est bien plus large que ce que dernier demandait, à savoir des avions de chasse. Nous proposons en effet un partenariat global – un peu à l'image de ce que je vous ai décrit s'agissant des équipements terrestres – qui permet de mutualiser la formation et le soutien et d'autoriser les Belges à s'entraîner dans un espace aérien un peu plus vaste que le leur, c'est-à-dire le nôtre. La seule chose que l'on peut dire aujourd'hui, c'est qu'ils ont finalement considéré qu'il était de leur intérêt d'avoir un choix plus large que celui qui résulte directement de ce Request For Government Proposal (RFGP). J'ai lu, comme vous, les déclarations du Premier ministre belge, qui souhaite se donner un peu de temps pour examiner la question et qui estime qu'en tout cas, ce n'est pas la tenue du prochain sommet de l'OTAN, les 11 et 12 juillet, à Bruxelles qui doit commander ce genre de décision.

Quant à la Chine, elle n'est pas encore un géant de l'exportation d'armement, mais elle pourrait le devenir. Comment pouvons-nous lutter ? Nous avons fait en sorte, ensemble, que les investissements sur les études amont et la recherche et technologie soient fortement relevés, puisque vous avez accepté d'augmenter d'un tiers le montant des crédits consacrés à ces études, qui sont le substrat de l'innovation technologique en matière de défense. Il faut également assurer une veille technologique et économique – ne soyons pas naïfs. La création de l'Agence de l'innovation de défense nous permettra, je l'espère, d'être plus efficaces et plus innovants, tout en faisant en sorte que ces innovations soient un peu moins coûteuses que le socle d'innovations dont nous continuons d'avoir besoin pour nos équipements militaires. Enfin, il faut continuer à couvrir l'ensemble du spectre, car l'une des raisons de l'attractivité de la France tient au fait que nous ne sommes pas, contrairement à d'autres, un exportateur de niche : nous avons la capacité de fournir des systèmes très complets. C'est donc l'un des atouts qu'il va nous falloir continuer de cultiver dans la durée.

Quant au contrôle a posteriori, vous avez lu, dans le rapport, qu'il avait été renforcé, puisqu'il est désormais possible de mener des contrôles sur pièces et sur place et de prononcer des sanctions, lesquelles sont prises par un comité indépendant. J'ignore si l'on peut tirer des conclusions du nombre de contrôles sur pièces et sur place qui ont été effectués au cours de l'année, car ce nombre a forcément vocation à évoluer. Mais il convient d'observer les conséquences qui sont tirées de l'ensemble de ces contrôles : soit l'analyse des rapports obligatoires qui sont transmis, soit les contrôles complémentaires qui sont réalisés. Certes, un tiers d'entre eux sont classés sans suite, mais des rappels à la loi sont prononcés ; ces contrôles sont donc utiles et nécessaires.

Pourquoi l'équipe France est-elle plutôt très performante ? Je l'ai dit, nous nous efforçons, tout d'abord, de jouer collectif – ce qui n'est pas toujours le cas, en matière d'exportation, dans d'autres domaines : certains sont meilleurs que nous. Ensuite, nous couvrons la totalité du spectre. Enfin, nous cherchons à construire des partenariats qui vont bien au-delà de la relation commerciale. En fait, nos exportations d'armement sont au service d'une relation de coopération stratégique avec un certain nombre d'États. Ainsi, nous avons signé un contrat majeur avec l'Australie, mais nous ne nous en tenons pas là : le président de la République souhaite investir dans la relation stratégique avec ce pays. Nous faisons également beaucoup d'efforts pour être très présents auprès de l'Inde, dont nous pensons qu'elle doit être un partenaire structurant à l'avenir, dans le cadre de nos relations stratégiques, de défense et diplomatiques, bref : dans tous les domaines.

Qu'en est-il des ressources humaines au sein des administrations chargées de l'examen des demandes de licence ? Nous allons augmenter le nombre de personnels affectés au SOUTEX. Quant au système informatique SIGALE, qui permet d'automatiser le traitement de ces licences, il a connu quelques « bugs » dont la correction est en cours.

En ce qui concerne le financement bancaire, il est vrai que le secteur bancaire est un peu frileux en matière de financement des projets d'armement. Il est possible que cette frilosité s'explique par les règles de conformité, de compliance, que les actionnaires imposent aux entreprises. Pouvons-nous agir dans ce domaine ? C'est une question que je suis tout à fait prête à relayer à Bercy. Certains outils, s'ils ne permettent pas forcément de répondre à la question que vous posiez, Monsieur Lejeune, permettent néanmoins de soutenir les PME dans leurs campagnes à l'exportation. Vous avez cité Bpifrance ; c'est en effet l'acteur principal dans ce domaine. En tout cas, je m'engage à examiner cette question avec Bercy, car elle est importante.

Enfin, en 2017, la part des contrats inférieurs à 200 millions d'euros est en effet plus importante que l'année précédente. Je crois qu'il faut plutôt l'interpréter comme une bonne nouvelle, car c'est le socle sur lequel nous nous appuyons. Il est indépendant des variations saisonnières et il est donc très important que nous puissions le renforcer le plus possible car, si nous ne subissons pas nécessairement d'aléas, il faut tenir compte de la saisonnalité des contrats que nous concluons. Le contrat australien en est un très bon exemple : on ne trouve pas nécessairement sa traduction financière et monétaire dans les statistiques, car elle s'étale sur plusieurs années.

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