Pour être vraiment efficace sur ce sujet, au-delà des contrôles que l'on fait systématiquement à l'entrée des usines, nous souhaitons remonter les filières et travailler plus directement avec les producteurs et les agriculteurs. En effet, si l'on veut modifier les choses en profondeur, il convient – et c'était un peu l'esprit des Etats généraux de l'alimentation – de mettre tous les acteurs autour de la table et que chacun, dans ses compétences, prenne des engagements pour avancer. On est en train de le faire dans le cadre de la filière bio.
S'agissant du porc, qui est encore notre grosse activité, moins de 1 % du porc produit aujourd'hui en France est bio. En 2004, nous avons décidé de nous lancer dans le bio. Il faut savoir que 98 % de nos approvisionnements proviennent actuellement du Danemark, parce que les Danois ont compris que le bio allait se développer et ont fait en sorte d'équilibrer leur économie en vendant du bacon aux Anglais, des saucisses aux Allemands et du jambon aux Français. Et cela marche très bien puisqu'ils sont en train de devenir le leader européen du bio. Avec M. Lebrun, nous nous sommes rendus récemment au Danemark, où nous avons pu voir des éleveurs qui sont très fiers de ce qu'ils font et qui gagnent très bien leur vie. Vous voyez des cochons en plein air, des petits qui courent partout, des bâtiments d'élevage ouverts – en fait, c'est Martine à la ferme en vrai ! Quand on essaie de développer ce modèle en France, on nous répond que c'est coûteux, compliqué voire impossible. C'est terrifiant parce qu'on se dit qu'il y a, à 800 kilomètres de nos frontières, un système qui marche et, tout à côté de nous, une filière qui est en train de mourir parce qu'elle est en crise structurelle depuis vingt ans. C'est très symbolique des choix alimentaires que l'on a faits collectivement depuis cinquante ans en essayant de produire toujours plus et toujours moins cher. Aujourd'hui, et c'est une très bonne nouvelle, il y a un basculement des consommateurs. Il faut donc que l'ensemble de la chaîne s'organise. Pour notre part, nous avons essayé d'aborder le sujet avec les moyens qui sont les nôtres et notre façon de faire, en créant une structure, Vallégrain Développement, avec un fournisseur historique de Label Rouge. C'est un éleveur du Perche qui connaît très bien l'élevage et qui va sélectionner des éleveurs volontaires – il y en a – et les aider à s'installer. Nous essayons de mettre en place un dispositif, avec l'objectif que 20 % de nos approvisionnements soient d'origine française d'ici à deux ans. Mais c'est un parcours du combattant…