Intervention de Jean-Marc Mouillac

Réunion du jeudi 28 juin 2018 à 11h45
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Jean-Marc Mouillac :

En Dordogne, la question du matériel est souvent une fausse excuse. On nous dit que l'on ne peut pas cuisiner, parce que c'est compliqué, qu'il faut désinfecter. Mais c'est souvent de la mauvaise volonté. Je trouve, au contraire, que l'on est très bien équipé. Pour ma part, je dois intervenir en priorité dans les collèges, mais je vais beaucoup plus dans les communes que dans les collèges, car je trouve qu'ils progressent bien et qu'il y a des compétences.

J'ai quarante-six ans. J'ai commencé à cuisiner en restauration collective à l'âge de dix-huit ans. J'ai connu les vieux établissements où il n'y avait que des plats en aluminium. Ils pesaient trois tonnes ! Aujourd'hui, quel établissement n'a pas un four et des bacs Gastronorme ? Mais on y met des haricots verts surgelés ou en boîte, des aliments qui arrivent dans des cartons qui sont déstockés dans du polyéthylène parce qu'il faut un sas de dé-cartonnage. Il y a quelques petites communes qui cuisinent comme autrefois. Je lutte pour qu'on n'appelle pas les dames qui y travaillent des cuisinières et non des cantinières, car elles cuisinent mieux que certains qui sont bardés de diplômes mais qui ne cuisinent plus.

Dans les grandes villes, la mode a été de mettre des cuisines centrales. Là où il y a des cuisines centrales, on invente des légumeries énormes. Mais ce qui me dérange avec les cuisines centrales, c'est que les cuisiniers ne voient pas les convives. Les chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) me font très peur : 40 % de ce qui est préparé dans les cuisines centrales est jeté. Quand l'être humain n'est pas au plus près de ce qu'il fait, ça ne marche pas, on le vérifie depuis la nuit des temps… Seule la volonté politique peut faire avancer les choses. Ensuite, il faut que le cuisinier soit motivé.

En bio local, les produits sont de saison. On adapte ses menus à un maraîcher, une plateforme, on demande des listings de provisions. La première année, c'était compliqué, la deuxième un peu moins, et la troisième, on a fait des prévisionnels avec des paysans sur un territoire et on a mis en place ce qu'on voulait. En l'espace de trois ans, avec notre maraîcher, nous sommes passés d'une trentaine de fruits et légumes à soixante. Non seulement le prix est rémunérateur et cela permet des créations d'emplois, mais de surcroît on apporte sur un territoire une diversité qui existait autrefois, on va consommer de tout. À chaque saison, on fera des menus et on expliquera aux enfants de maternelle et de primaire que tel produit pousse maintenant et que c'est maintenant qu'il faut le manger. Quand on a des kiwis, on en met toutes les semaines au menu parce que c'est maintenant qu'ils sont mûrs.

Je fais partie du service « Agriculture » du département de la Dordogne depuis un an. Le président du conseil départemental, Germinal Peiro, m'a recruté pour faire ce que je faisais déjà dans mon école, c'est-à-dire faire passer le message partout. Ce message passe plus que bien partout et il y a une demande forte. Les choses avancent toujours lorsqu'il y a la volonté politique. Quant aux moyens nécessaires, ils ne sont pas exorbitants. Quand on suit la saisonnalité, il n'y a que des cageots qui sont posés à l'entrée de la cantine puis repris la semaine suivante par le maraîcher. C'est un cycle sans fin. De surcroît, c'est de la consommation intelligente.

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