Intervention de Guillaume Garot

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Garot, président du Conseil national de l'alimentation, député de la Mayenne, vice-président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale :

Ce n'est pas l'ANSES qui pourra le dire. C'est le rôle du législateur, du Gouvernement, de la puissance publique. Avant d'appliquer ce principe de précaution, il faut d'abord évaluer le risque.

Le rapport général sur l'alimentation, que nous pourrions remettre, serait fait en réponse aux demandes des ministères. Au-delà des avis qu'ils peuvent demander, les ministères peuvent avoir besoin d'un éclairage du CNA sur tel ou tel aspect de la politique de l'alimentation.

Quant à l'éducation, elle est le pendant de l'amélioration de l'offre alimentaire. La santé des consommateurs et de la planète passe par la formation de citoyens éclairés et informés. Où en sommes-nous par rapport à la loi 2014 ? Très franchement, nous pouvons faire beaucoup mieux. Pour le dire élégamment, nous avons de vraies marges de progression. L'éducation à l'alimentation se fait trop souvent hors de l'école alors qu'elle devrait aussi avoir lieu dans l'école. Loin de moi l'idée de dire que rien n'est fait. Dans les programmes, il y a des éléments. Mais j'ai toujours eu toutes les peines du monde à mobiliser le ministère de l'éducation nationale, y compris quand j'étais au gouvernement, sur ce sujet de l'alimentation. Comme les autres ministères concernés, l'éducation nationale doit être un partenaire de la politique d'alimentation.

En matière de la lutte contre le gaspillage alimentaire, par exemple, tout se fait dans la famille ou à la cantine, hors temps scolaire, sous l'égide des collectivités locales qui, selon leur bon vouloir, organisent cette éducation. On gagnerait tellement de temps si l'on faisait cela dans l'école avec les mêmes élèves. Il est très important que le ministère de l'éducation nationale se vive comme un partenaire.

La loi, discutée et adoptée ici, n'est pas beaucoup plus allante sur le sujet. Il faut peut-être que le législateur puisse approfondir les choses et convaincre le Gouvernement de l'existence d'un enjeu. C'est le rôle du législateur. Nous pourrions aussi parler de la formation de tous les professionnels et de l'encadrement de la publicité. Mais je ne veux pas outrepasser mon rôle de président du CNA.

Avant d'en venir à l'agriculture biologique, je vais m'arrêter sur le défi alimentaire mondial que nous devons relever : nous sommes 7 milliards d'êtres humains et nous serons 9 milliards en 2050, c'est-à-dire demain. Nous n'avons pourtant qu'une seule planète. Comment fait-on ? Vous avez raison, il faut d'abord réduire le gaspillage de façon évidente et très volontariste. Un tiers de la production alimentaire totale est perdu, jeté ou gaspillé. Dans les pays développés, le gaspillage a plutôt lieu au stade de la consommation alors que, dans les pays en voie de développement, on le constate au niveau de la production. Pour qu'il soit possible de nourrir 2 milliards d'êtres humains en plus, il faut commencer dès aujourd'hui à mener des politiques très volontaires de réduction des pertes et du gaspillage. À cet égard, j'espère que la France fait école puisqu'elle est le premier pays au monde à s'être doté d'une législation en la matière. L'initiative commence à faire des petits et c'est tant mieux. Mais il faudrait que l'Union européenne entreprenne une action et que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) accélère le pas.

Vous citez le scénario Afterre, selon lequel il serait possible de nourrir la population mondiale à partir d'une agriculture 100 % biologique, à l'horizon de 2050. Pourquoi pas ? Il faudrait que d'autres études viennent le confirmer. Pour ma part, je me pose quelques questions et, surtout, je pense qu'il ne faut pas considérer le bio comme la seule réponse. Le pourcentage de terres agricoles consacrées au bio devrait passer de 6 % actuellement à 15 % en 2022, selon les projections du Gouvernement. Il en reste 85 %. Il faut avoir une exigence de qualité pour l'ensemble de la production alimentaire, que ce soit au plan national ou européen. Il faut avoir une action publique pour l'ensemble de ce qui est produit. Si nous nous focalisons uniquement sur le bio, nous allons aboutir à une alimentation à deux vitesses. C'est impossible d'entendre dire que le bio est super et indépassable, et qu'il ne faut pas s'occuper du reste. Nous en revenons ainsi à notre propos précédent : il faut avoir des objectifs pour tous et, en cas d'échec, fixer des règles pour tous.

Votre dernière question porte sur la dimension européenne. Comment faire ? Premièrement, on construit des majorités. C'est l'affaire des gouvernements et des ministres de passer des alliances avec d'autres pays, ce qui implique parfois de faire des compromis. Le fonctionnement de l'Union européenne repose sur une culture du compromis. Il faut être capable de passer d'abord des alliances, puis des compromis dans le cadre de ces alliances, pour bâtir des majorités.

Deuxièmement, il y a le Parlement européen qui sera renouvelé l'an prochain. Souhaitons que l'alimentation fasse débat lors des élections et que les citoyens se prononcent sur ce sujet. Souhaitons aussi que ce débat ait lieu dans tous les pays de l'Union et pas seulement en France. Ce n'est pas l'affaire de la seule puissance publique, il faut que les sociétés civiles, les opinions publiques et les corps intermédiaires se saisissent du sujet dans chacun des pays et se mettent en cohérence. Les mêmes messages, idées, revendications et attentes doivent être portés en France, en Allemagne et en Pologne par les citoyens, leurs organisations et leurs associations. C'est très important. Il ne faut pas s'en remettre à la seule puissance publique. Si vous voulez que la puissance publique bouge, avance, surtout au plan européen, il faut nécessairement que les citoyens de l'ensemble des pays aient formulé ces idées et ces attentes après une prise de conscience. Vous soupirez, madame la rapporteure, et je vous comprends parce que la tâche est titanesque. Mais c'est de cette manière que nous avancerons. D'où l'importance des confédérations syndicales européennes, des liens entre nos parlements, du travail effectué en commun par les acteurs économiques dans les filières.

Nous allons travailler sur la prochaine politique agricole commune (PAC). J'ai un souhait : que ce soit une politique agricole et alimentaire commune (PAAC). On ne peut pas s'intéresser au seul acte de produire, il faut nécessairement redire ce que nous attendons du point de vue de l'alimentation. Il faut d'abord poser l'attente et l'exigence, tracer le chemin pour une alimentation à l'échelle de l'Europe. Que veut-on dans l'assiette ? Comment ce contenu va-t-il rémunérer les agriculteurs et les fabricants ? C'est ce qui importe. Partons de l'assiette au plan européen et déclinons ensuite.

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