Nous sommes arrivés à Berlin en pleine préparation du sommet de Meseberg, alors que la position commune sur la réforme de la zone euro était en train de se dessiner. Celle-ci fait suite à la feuille de route et au paquet de mesures de la Commission européenne du 6 décembre 2017 formulant plusieurs propositions pour approfondir l'Union économique et monétaire.
La position franco-allemande se structure autour de quatre axes qui ont été évoqués lors des différents entretiens que nous avons eus à Berlin. Ils seront finalisés et précisés d'ici décembre prochain.
Le premier concerne le Mécanisme européen de stabilité (MES), dispositif qui aide les États membres de l'Union à conserver un accès aux marchés de la dette souveraine ou à accéder de nouveau à ce marché. Certains États ont pu accéder de nouveau au marché de la dette grâce au MES. Tout le monde a en tête l'exemple de la Grèce.
La France et l'Allemagne souhaitent améliorer l'efficacité des instruments de précaution, qui peuvent être mobilisés en cas de risque d'endettement trop important. Une ligne de crédit de précaution pourrait être accordée par le MES en cas de risque de manque de liquidité, sans qu'il soit besoin de mettre en place un programme de soutien complet. La feuille de route précise que ce soutien ne pourrait être accordé qu'à des États membres « ayant une bonne performance économique et budgétaire ». Cette formulation n'est pas anodine.
Les deux États plaident aussi pour que le rôle du MES dans l'évaluation et le suivi des futurs programmes d'aide soit renforcé, en coopération avec la Commission européenne et en liaison avec la BCE. Dans un second temps, le traité MES, qui est un traité intergouvernemental, pourrait être intégré au droit de l'Union.
Ce nouveau dispositif pourrait être dénommé Fonds monétaire européen (FME). On a toutefois senti une frilosité chez certains de nos interlocuteurs allemands sur le sujet.
Le deuxième axe est celui de l'Union bancaire. La position commune confirme que la France et l'Allemagne sont favorables à ce que le MES joue le rôle de « filet de sécurité » du Fonds de résolution unique. Ce filet de sécurité, dont le principe a été acté par les États membres dès 2013, est un instrument public de renflouement des banques qui sera activé une fois que tous les acteurs privés auront contribué au renflouement, selon le principe de renflouement interne ou bail-in et dans le cas où les ressources disponibles du Fonds de résolution unique seraient insuffisantes. Il prendrait la forme d'une ligne de crédit. La France et l'Allemagne souhaitent que son entrée en vigueur soit anticipée, c'est-à-dire qu'il soit opérationnel avant 2024, à condition de réduire, dans l'intervalle, certains risques bancaires persistants au sein de la zone euro, comme celui créé par les prêts non performants. Le système bancaire allemand est très différent du nôtre et c'est une donnée à prendre en compte.
La position commune concernant le troisième pilier de l'union bancaire, c'est-à-dire un éventuel mécanisme européen de garantie des dépôts, paraît moins ambitieuse. La feuille de route se contente de renvoyer à des négociations politiques sur le sujet. Lors de notre déplacement, certaines des personnes auditionnées ont fait part de leurs interrogations sur l'intérêt d'un tel dispositif. Les banques allemandes sont par ailleurs fermement opposées à ce dispositif, ne souhaitant pas que les épargnants allemands paient les conséquences des mauvaises politiques bancaires d'autres États membres. Il semblerait que cet argument ait un certain écho au Bundestag.
Le troisième axe est celui de l'union des marchés de capitaux, qui a été peu abordé lors de notre déplacement.
Il a davantage été question du quatrième axe de la position commune, à savoir le budget de la zone euro. Dans son entretien au FAZ, la Chancelière avait souligné le besoin d'une convergence économique plus rapide entre les États membres de la zone euro. Elle avait évoqué un budget d'investissement européen, conformément d'ailleurs à l'accord de coalition, en évoquant un montant en milliards d'euros et à deux chiffres.
La feuille de route propose un budget de la zone euro, dont l'objet serait double.
Il assurerait, d'une part, la promotion de la compétitivité et de la convergence, à l'aide d'investissements dans le capital humain et l'innovation.
Il pourrait agir, d'autre part, comme un instrument de stabilisation économique. Deux options sont à l'étude. La première est une suspension temporaire de la contribution au budget pour les pays en difficulté économique, qui serait couverte par le MES puis remboursée. La seconde est la création d'un fonds de stabilisation du chômage qui pourrait prêter aux systèmes nationaux en cas de crise économique. Un groupe de travail franco-allemand sera mis en place pour faire des propositions concrètes d'ici le Conseil européen de décembre 2018.
Je note que la feuille de route commune ne s'est pas prononcée sur une estimation du montant du budget européen. Certaines des ressources que l'on pourrait lui affecter sont évoquées, comme une taxe sur les transactions financières sur le modèle de la taxe existant en France.