Au nom des députés du groupe Nouvelle Gauche, je voulais tout d'abord remercier Mme la rapporteure pour le travail effectué et la qualité du dialogue qu'elle a su établir.
À ma connaissance, sous le précédent et l'actuel quinquennat, aucun projet de loi n'avait suscité autant de réserves. Le Conseil d'État a dénoncé son caractère inabouti et surtout inutile compte tenu des lois adoptées en 2015 et en 2016 qu'il fallait laisser prospérer. Le Défenseur des droits a élevé une voix de solidarité et de prudence et le Conseil constitutionnel lui a donné raison. Les organisations non gouvernementales (ONG), la Cimade et de nombreuses associations ont unanimement contesté des mesures aggravant la situation des demandeurs d'asile en France. La société civile a montré, partout sur le territoire, sa capacité d'accueil et sa générosité.
Nous examinons ce texte dans la précipitation alors que nous devons nous concentrer sur la révision de la Constitution. Il faut le dénoncer : cette précipitation montre le peu de considération qui s'attache désormais au travail des députés. L'efficacité, c'est d'abord l'organisation du travail parlementaire.
Les débats ont été tendus. Sans doute ont-ils laissé des traces de déception dans les propres rangs de la majorité. Le Sénat a durci certaines mesures sur lesquelles nous allons revenir, je n'en doute pas, comme vient de s'y engager Mme la rapporteure.
Dans la version du Sénat, nous trouvons néanmoins quelques mesures qui nous semblent être des avancées importantes, même si elles ne sont en réalité que de simples maintiens du droit en vigueur. Le délai de recours devant la CNDA a été maintenu à trente jours et nous vous demandons de ne pas le modifier. J'ai entendu votre engagement. La réduction de ce délai à quinze jours était un point important de nos réserves sur ce texte, un déni de justice. Les subtilités de procédure avancées n'étaient pas des arguments sérieux. Je remercie les sénateurs de droite d'avoir fait cette modification et je regrette que nous n'ayons pas été entendus à l'Assemblée nationale sur ce point.
L'orientation directive du demandeur d'asile restera conditionnée à une proposition d'hébergement. C'est également un point important. Depuis la première lecture, il a été enfin affirmé qu'il n'y avait pas de submersion, et que le nombre de demandeurs d'asile avait diminué cours de l'année considérée. Il n'y a donc pas lieu d'agiter les peurs.
À l'heure où l'Europe ne trouve d'accord que pour permettre aux États membres de faire ce qu'ils veulent, et pour créer des zones d'accueil dans des pays tiers, à l'heure où l'Italie exprime son exaspération d'être seule à porter l'accueil des migrants, situation aggravée par nos propres textes faisant du retour des demandeurs d'asile « dublinés » une nécessité renforcée, à l'heure où nous laissons passer l'Aquarius aux larges de nos côtes, il faut être vigilants sur les effets d'annonce que peuvent provoquer les mesures que nous prenons.
Emmanuel Macron n'a pas ménagé l'Autriche dans son discours devant le Congrès. En cohérence, nous devons en tenir compte et nous interroger sur le maintien des enfants en rétention, qui reste possible dans la présente loi. L'idée que des enfants puissent être placés en rétention m'est insupportable, même pour une seule nuit, même s'ils sont en famille.
Je conclurai sur le délit de solidarité. Pour la première fois, le Conseil constitutionnel a décidé de consacrer la fraternité comme l'un des principes généraux du droit. Enfin, dirais-je, même si je me désole qu'il ait eu à le faire. Il a considéré qu'une aide désintéressée au séjour irrégulier des étrangers ne saurait être passible de poursuites au nom de ce principe qui s'impose à nous. Il découle de ce principe la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. Nous avions proposé un amendement qui respectait ce principe de fraternité. Cela doit être un encouragement pour la majorité à entendre l'opposition constructive que nous sommes, et pas seulement la droite sénatoriale.