Je m'efforcerai, mesdames les rapporteures, de n'oublier aucun des nombreux sujets que vous venez d'évoquer.
Sur la compensation, nous devons imposer des normes bien plus précises. J'ai effectivement vu, sur le terrain, des exemples affligeants. Je retiens votre proposition d'instaurer un système d'agréments, elle peut être étudiée. Nous commencerons évidemment par renforcer les contrôles, je mobiliserai pour cela les préfets par une circulaire. C'est d'ailleurs l'objet de l'une des mesures annoncées dans le plan biodiversité.
Quant aux différentes redevances sur lesquelles vous m'interrogez, je ne veux pas dévoiler les discussions en cours, mais j'y suis personnellement favorable. Nous n'avons pas encore abouti à la définition précise de leurs mécanismes, mais leur création semble inévitable.
Sur les néonicotinoïdes et le glyphosate, je pense que notre détermination à commencer à nous passer de toutes ces substances s'est considérablement renforcée. Quant aux néonicotinoïdes, vous savez que seules trois substances étaient interdites au départ, alors que maintenant toutes celles qui ont les mêmes vocations sont soumises à la même interdiction. Quant au glyphosate, je pense que, sauf à être de mauvaise foi, tout le monde a compris que la volonté du Gouvernement est de l'interdire d'ici à trois ans, sauf en cas d'impasse technologique avérée. La plupart des producteurs recourent déjà à des substituts. Non que cela leur soit facile, car cela requiert un changement d'habitudes. Trois ans, c'est à la fois long et court. Quant aux situations où l'on se heurterait à des impasses technologiques, il resterait possible de réduire l'utilisation de ces substances.
Cela vaut pour les agriculteurs, mais aussi pour la SNCF, dont je recevais hier les responsables : elle est une énorme consommatrice de glyphosate. Le problème n'est pas simple, à cause des enjeux de sécurité : il ne suffit pas de tuer les plantes, il faut atteindre leurs racines pour éviter que le ballast ne soit déstabilisé. Vous voyez, en tout cas, que j'associe toutes les parties prenantes dans cette dynamique.
Et je ne doute pas que les recherches en cours, notamment à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), sur le biocontrôle, nous ouvrent prochainement de nombreuses perspectives. Ce qui est intéressant, c'est qu'au-delà du glyphosate, qui est la molécule la plus employée, des efforts considérables sont actuellement accomplis en matière de recherche et de méthodologie sur la dangerosité sanitaire et environnementale d'autres produits. Car une molécule qui ne présente pas de danger pour la santé peut avoir un impact sur l'environnement. Il faut donc appliquer ces deux critères.
La mutualisation des équipes de l'AFB et de l'ONCFS est en cours. Je ne veux pas dévoiler ici des décisions qui seront annoncées prochainement, mais les choses sont en bonne voie. Les moyens de police vont être recentrés, ce qui est une très bonne chose. Mais comme cela fait actuellement l'objet de discussions un peu délicates, notamment avec nos amis chasseurs, afin de déterminer une approche rationnelle du problème, je ne ferai pas d'annonce.
L'accès et le partage des avantages (APA) sont un sujet récurrent, sur lequel nous devons garder la main. En ce qui concerne l'accès aux ressources génétiques, vous savez que les différents formulaires et processus de déclaration et d'autorisation sont opérationnels depuis quelques mois. Une quarantaine de déclarations ont été faites et une demande d'autorisation déposée. Cela répond à l'une des recommandations de votre rapport, visant, si je l'ai bien comprise, à rendre le dispositif opérationnel. Ce dispositif va gagner en lisibilité dans les domaines qui ne sont pas soumis à autorisation – je pense notamment aux espèces cultivées et aux collections. Nous nous sommes efforcés de nous accorder en ce sens avec nos homologues de la santé et de l'agriculture, puisque les trois ministères sont concernés.
Quant aux connaissances traditionnelles associées, vous savez que le dispositif prévoit l'identification d'une personne morale de droit public chargée de représenter les intérêts des communautés. Pour être honnête avec vous, la mise en place du dispositif butte actuellement en Guyane faute qu'un établissement public de coopération environnementale (EPCE) ait encore été créé par les collectivités. Nous attendons que cette étape soit franchie. Et pour éviter de retarder l'application de la loi qui prévoit le partage des avantages, une solution transitoire est à l'étude : elle consisterait à mobiliser le Parc amazonien de Guyane et l'AFB comme personne morale de droit public.
Sur les espèces exotiques, nous avons défini une stratégie que nous devons mettre en oeuvre, notamment sur les espèces invasives, qu'elles soient végétales ou animales. Chacun sait le préjudice qu'elles peuvent causer aux espèces autochtones.
Le plan « biodiversité » prévoit notamment, parmi les nombreuses mesures nécessaires pour répondre à des problèmes aussi complexes, l'interdiction de planter ces espèces dans les aménagements publics, puisque les collectivités territoriales et l'État doivent montrer l'exemple.
Parmi vos recommandations se trouve la proposition d'inclure les nouveaux animaux de compagnie (NAC) dans les listes des espèces exotiques envahissantes. Ces listes de niveau 2 sont celles des espèces exotiques dont l'introduction, le transport et la détention sont déjà réglementés. Mais elles ne reprennent, à ce stade, que les espèces réglementées au niveau européen. Des espèces considérées comme des NAC y figurent déjà : je pense notamment aux fameuses tortues de Floride ou aux écureuils. La détention d'animaux non domestiques est par ailleurs soumise, vous le savez, à la réglementation sur la faune sauvage captive, qui impose, le cas échéant, d'obtenir une autorisation d'ouverture ou un certificat de capacité, voire les deux.
Tout cela est en cours de révision pour mieux encadrer les pratiques relatives à ces espèces, et l'AFB travaille actuellement à l'élaboration d'une liste d'espèces invasives prioritaires, tant animales que végétales, pour lesquelles la pertinence de la réglementation doit être discutée.
Quant aux plastiques, le moment est venu, avec les mesures inscrites dans la feuille de route sur l'économie circulaire et celles du plan « biodiversité », d'engager une guerre radicale. Nous devons, à terme, éradiquer les plastiques, en tout cas ceux qui ne sont pas recyclables. Ils constituent une plaie absolue. Nous avons atteint 260 millions de tonnes de plastiques, dont plus de 80 % se retrouvent dans les océans. Non pas, comme on le croyait, sous la forme d'un continent solide, mais d'une soupe indigeste dont le ramassage est très difficile. Sur l'aval, je ne sais pas comment nous ferons, mais il faut vraiment que les moyens nécessaires soient consacrés au traitement du problème en amont. L'objectif de zéro plastique à l'océan en 2025 doit vraiment être tenu. Nous devons pour cela travailler avec les industriels, en commençant bien sûr par la concertation. Mais s'il faut ensuite en passer par la réglementation et durcir les contraintes, nous le ferons, sans quoi nous ne tiendrons pas nos objectifs.
Quant au financement du plan « biodiversité », on a parlé de deux fois 300 millions d'euros. Mais les chiffres – le Premier ministre avait raison de répondre en ce sens à la question d'une journaliste – ne veulent pas dire grand-chose. L'État et les collectivités locales n'ont pas attendu ce plan pour consacrer chaque année 1,5 milliard d'euros à la protection de la biodiversité. Si vous y ajoutez les financements européens et l'action des acteurs privés, on arrive à des sommes considérables. Des outils comme le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) représentent également des montants importants, qui s'ajoutent à la contribution française à de nombreux financements internationaux, comme le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) ou l'aide mise en place par l'Agence française de développement (AFD). Le Gouvernement s'est également engagé, avec ce plan, à augmenter le financement des projets internationaux en faveur de biodiversité, en plus des 300 millions d'euros par an.
Nous devons bien sûr être attentifs à l'affectation de cette enveloppe. Les services environnementaux, dont vous parliez, représentent à mon avis un dispositif très important. Nous devons profiter du temps qui nous sépare de la révision de la PAC pour tester leur fonctionnement. Les agriculteurs doivent être des acteurs rémunérés de la lutte contre l'érosion de la biodiversité. L'espoir de traverser un jour des plaines de Beauce zébrées de haies n'est pas chimérique mais, pour qu'il se réalise, il va falloir que les agriculteurs y trouvent leur compte. Cela contribuera à la diversification de leurs revenus, qui les soulagera d'inquiétudes récurrentes et les portera à un état d'esprit et à des pratiques agricoles différentes.
Je m'attacherai évidemment à faire partager notre vision, et je serai très vigilant sur l'usage du levier décisif que constituera la politique agricole commune : ses effets peuvent aussi bien être positifs que dévastateurs.