Intervention de Nicolas Hulot

Réunion du mardi 10 juillet 2018 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Vous m'interrogiez, monsieur Gabriel Serville, sur le projet de mine d'or en Guyane. J'ai tendance à penser que la démonstration de l'inutilité et de la démesure de ce projet se fera d'elle-même. Mais – je le dis sans aucune provocation – ce projet n'est pas tombé du ciel : il a été voulu par un certain nombre de responsables guyanais. J'aimerais donc que le débat et l'instruction en cours permettent à ces élus de se rendre compte que le projet est démesuré, et n'apportera pas les bénéfices sociaux et encore moins économiques qu'on lui a prêtés sur le papier.

Je serai, pour ma part, totalement mobilisé pour faire en sorte que, comme dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, les parties prenantes comprennent d'elles-mêmes, spontanément, que le projet est inadapté. Lorsque l'État et les acteurs se rendront compte de son coût pour les citoyens, et notamment de la nécessité d'investir plusieurs centaines de millions d'euros pour le raccordement électrique de la mine, les arguments économiques vont fondre comme neige au soleil.

Je ne suis pas opposé par principe aux mines d'or ; on ne peut pas multiplier les interdictions en Guyane, vous êtes bien placé pour le savoir. Mais il s'agit en l'occurrence d'un projet en trompe-l'oeil, dont le peu de bénéfices ne profitera pas à nos concitoyennes et nos concitoyens. Vous le savez, un débat est actuellement en cours. Il est d'ailleurs regrettable que les partisans du projet ne participent pas à la consultation organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP). Le débat s'en trouve tronqué, alors qu'il aurait été utile de confronter les arguments des uns et des autres. Mais vous connaissez mon sentiment sur ce projet, et mon implication, même si elle me conduit parfois à agir dans l'ombre plutôt que dans la lumière.

Sur la déforestation importée, est-il nécessaire de rappeler la genèse de la situation ? Je me serais bien passé, au moment de la gestation du plan « biodiversité », de l'épisode de La Mède. Il m'était certes possible d'opter pour un contentieux avec Total, en risquant de mettre 250, 350, ou 450 personnes au chômage. Mais, vous le savez, l'État s'était engagé : le précédent gouvernement avait demandé à Total de transformer cette raffinerie en bioraffinerie, moyennant quoi elle pourrait continuer à fonctionner, de manière à sauver quelques centaines d'emplois. Total a rempli ses obligations.

Héritant de cette situation, j'ai tout de même négocié avec Total, et obtenu, que soit divisé par deux le volume d'huile de palme importée. On m'a garanti, en outre, qu'elle proviendrait d'une exploitation durable. Je sais, malheureusement, qu'une telle garantie, même de bonne foi, ne peut être vérifiée, et je ne crois pas que l'exploitation durable de l'huile de palme soit véritablement possible. Mais c'est un autre débat.

Je signale en passant que les détracteurs les plus vociférants de ce projet n'étaient pas très éloignés d'un groupe qui utilise massivement l'huile de palme dans son biocarburant. Total n'a pas le monopole de cette importation. Mais l'essentiel est que nous y mettions fin dans un délai raisonnable.

Il est donc important que la France ait obtenu, avec le soutien d'autres pays, un accord au niveau européen. Nous y sommes parvenus il y a dix jours, après de longues négociations. L'incorporation d'huile de palme sera plafonnée en 2019, réduite à partir de 2023, et à partir de 2030, il n'y aura plus ni soja ni huile de palme dans les biocarburants. Nous nous orientons ainsi – et c'est le plus important – vers l'abandon complet de l'incorporation dans les biocarburants de produits contribuant à la déforestation.

Quant aux néonicotinoïdes évoqués par Mme Delphine Batho, l'interdiction entrera en vigueur le 1er septembre, et l'arrêté interministériel sera pris avant. Ce qui est important, et j'y veillerai, même si les décisions ne m'appartiennent pas exclusivement, c'est d'être ferme sur les dérogations. Elles constituent une boîte de Pandore, et doivent être très fortement encadrées. D'autant plus que, comme vous le disiez, on découvre une situation de plus en plus désastreuse. Je suis allé l'autre jour écouter les apiculteurs venus manifester aux Invalides, notamment ceux de Bretagne. Je pense d'ailleurs que, si les néonicotinoïdes sont bien en cause dans la situation qu'ils dénoncent, d'autres facteurs doivent aussi être pris en considération.

Sur le sujet évoqué par M. Bertrand Pancher, nous comptons faire travailler le comité pour l'économie verte, afin d'identifier des pistes en matière de fiscalité écologique. C'est un domaine dans lequel nous avons tout à faire. Quelqu'un – que je ne nommerai pas – a commis un lapsus l'autre jour, et a parlé du ministre de la transition « écologique et solitaire ». Tout le monde a ri. Solitaire, je ne le suis pas, j'en ai la confirmation quand je me trouve parmi vous, mais, sur certains sujets, j'ai encore des démonstrations à faire. Or je pense que la fiscalité écologique, dès lors qu'elle n'est pas seulement punitive, mais incitative, dissuasive, qu'elle s'applique de manière progressive et adaptée aux comportements, est un levier important. Nous devons donc ouvrir un vrai chantier de réflexion, où les contributions des uns et des autres seront précieuses.

Sur le foncier agricole, M. Stéphane Travert et moi sommes d'accord sur des objectifs communs : nous devons changer son statut, inverser la consommation et faire en sorte que, à la fin d'une carrière agricole, le foncier agricole ne disparaisse pas.

Quant aux priorités de notre action, monsieur Jean-François Cesarini, notre idée est de poursuivre conjointement les deux objectifs. Je ne peux pas rester insensible à la perspective que l'on installe un champ d'éoliennes sur la trajectoire d'oiseaux migrateurs. On me dit qu'il existe des technologies permettant de suspendre la rotation à l'approche de chauves-souris. C'est à vérifier. Mais je tiens compte du problème. Notre action se heurte à suffisamment de résistances, parfois justifiées, parfois non, mais celle-là l'est. Car il ne s'agit pas de déplacer un problème pour en créer un autre, et les oiseaux n'ont pas besoin d'un fléau supplémentaire.

Cela me fait d'ailleurs penser à un sujet sur lequel il est important que nous travaillons ensemble : la pollution lumineuse. Le plan « biodiversité » comporte quelques mesures pour la combattre, mais nous devons aller beaucoup plus loin pour en protéger les insectes et les oiseaux. On n'a absolument pas conscience des effets désastreux de cette pollution. Or il y a là des marges de manoeuvre, notamment en matière de consommation d'énergie : c'est une affaire de simple bon sens. Mais comme le bon sens ne suffit pas, il faudra peut-être, là aussi, en passer par un règlement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.