Intervention de Nicolas Hulot

Réunion du mardi 10 juillet 2018 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je vais essayer de passer en revue les commentaires et les préconisations de votre rapport, avant de revenir aux questions que vous venez de poser.

Je commence par celles de vos propositions auxquelles je suis le plus favorable, avant de passer à celles sur lesquelles nos conceptions divergent.

Vous demandez un plan national de gestion des eaux pluviales. Je ne peux évidemment qu'y souscrire, en souhaitant que l'on y intègre les adaptations fiscales et réglementaires nécessaires pour poursuivre notre lutte contre l'imperméabilisation des sols, ainsi que la clarification des compétences attribuées aux différents acteurs, notamment les collectivités locales et les gestionnaires de réseaux. Nous sommes déjà mobilisés sur ce sujet, mais nous devons aller plus loin. Dans cet esprit, le plan « biodiversité » prévoit, je l'ai dit tout à l'heure, des mesures pour lutter contre l'imperméabilisation.

Le rapport Gestion des eaux pluviales : dix ans pour relever le défi, présenté en avril dernier par le CGEDD, qui dépend de notre ministère, me semble être une base intéressante pour élaborer une feuille de route pour le Gouvernement.

Le sujet sera d'ailleurs au coeur de la seconde séquence des Assises de l'eau, qui abordera les questions dans un contexte global. Elles ne se limitent pas aux problèmes de fuites sur le réseau.

Votre rapport demande en outre une politique plus volontariste de réutilisation des eaux de pluie, et critique sévèrement les scrupules sanitaires français en la matière. J'ai moi-même du mal à les comprendre, mais je ne compte pas m'en tenir là. Étant, il y a quelques années, président d'une fondation, j'avais ouvert une école en Bretagne-Sud ; nous avions installé, à la construction, un double réseau d'eau, permettant notamment l'utilisation des eaux de pluie pour les toilettes. Je pensais que le problème avait été réglé avec la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Il ne l'est toujours pas. Voilà donc un sujet sur lequel nous devons absolument avancer. J'ai notamment demandé à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, de nous aider dans ce domaine, car la prudence ne doit pas tomber dans l'excès.

Sans être une solution miracle, l'utilisation des eaux pluviales peut être un complément, de même que la réutilisation des eaux usées. Différentes solutions peuvent être mises en oeuvre, au premier rang desquelles – puisqu'il en va de l'eau comme de l'énergie – l'économie de la ressource. Mais l'utilisation des eaux de pluie est un outil que l'on doit exploiter, comme cela est déjà possible pour certains usages. Je vous présenterai donc rapidement un compte rendu des réponses que Mme Agnès Buzyn nous apportera, dans la perspective des Assises de l'eau, afin de savoir comment lever certaines restrictions sanitaires à l'utilisation des eaux de pluie et à la réutilisation des eaux usées. Tout cela représente évidemment pour moi un préalable aux analyses qui nous diront si tel ou tel usage est possible. Vous avez par exemple proposé de rendre obligatoire un système de captage des eaux de pluie pour les nouvelles constructions. Nous verrons à l'issue de ces réflexions si cela peut être promu ou non.

Sur la protection des captages prioritaires d'eau potable, votre rapport cite l'exemple bien connu de Lons-le-Saunier, où la collectivité a fortement encadré l'activité agricole. Je pense que cet exemple peut être généralisé et inspirer l'ensemble des collectivités. Cela va dans le sens de notre politique de protection des captages : 10 % des 33 000 captages sont contaminés par des nitrates et des pesticides, et force est de constater que, sur ce sujet, nous ne progressons guère. Lorsque nous avançons, c'est parce que les collectivités sont mobilisées pour protéger les ressources. Nous devons donc vraiment nous allier avec elles. Un important travail d'analyse des freins et de proposition de leviers a été conduit, depuis bientôt deux ans, par le ministère, avec les parties prenantes et d'autres ministères, notamment ceux de l'agriculture et la santé. Je souhaite que, sur ce sujet, nous puissions vraiment opérer un changement d'échelle lors de la seconde séquence des Assises de l'eau.

Sur l'encouragement des projets de territoires globaux sur la ressource en eau, votre rapport s'accorde, je crois, avec les conclusions de la mission confiée au préfet M. Pierre-Etienne Bisch. Celui-ci préconise en particulier que la notion de projet de territoire, qui prévalait depuis juin 2015 comme seul critère d'accès aux aides des agences de l'eau, soit élargie pour servir de modèle de construction et de gouvernance d'un projet de création de réserves. L'instruction de juin 2015 est en cours d'actualisation par nos services, pour faire en sorte de mobiliser les projets en ce sens.

Sur l'obligation pour les foreurs de déclarer les forages domestiques, une réflexion est conduite par le ministère. Elle va dans le sens de votre rapport, puisqu'elle vise à une forte responsabilisation des foreurs, impliquant l'instauration d'un système d'agrément.

Je suis plus réservé – mais cela mérite discussion – sur d'autres points de votre rapport. Il affirme notamment que le soutien d'étiage est une nécessité pour maintenir dans les cours d'eau une quantité minimale, nécessaire à la vie.

Ce type de mesure est déjà pratiqué au moyen de quelques très grands barrages, comme celui de Naussac, d'une capacité de 190 millions de mètres cubes. La généralisation ne me semble pas forcément souhaitable. Les cours d'eau, comme vous le savez, ont besoin d'alternances, de trop-pleins en hiver et d'étiages bas en été. La biodiversité est adaptée à ces évolutions, et devrait s'adapter aux évolutions du climat. Construire des retenues et artificialiser cette évolution n'est pas toujours souhaitable pour la biodiversité. Il ne faut le faire qu'avec beaucoup de précautions.

Concernant les micropolluants dans les eaux usées, le rapport n'écarte pas la solution de traitement complémentaire en station d'épuration. Au curatif, je pense qu'il faut préférer le préventif, et faire en sorte que les quantités de micropolluants qui aboutissent dans les eaux diminuent. Cela correspond à ce que je disais tout à l'heure sur la Méditerranée. Là encore, je souhaite exploiter toutes les possibilités, en liaison avec le cabinet de Mme Agnès Buzyn.

Sur ce sujet, d'autres pays sont plus offensifs que nous et pratiquent, par exemple, la distribution des médicaments en vrac. J'ai récemment soumis cette idée à Mme Agnès Buzyn, parce que je pense qu'elle a des vertus à la fois environnementales et économiques, mais il ne semble pas, pour l'instant, qu'elle emporte une franche adhésion.

Sur la tarification, monsieur Loïc Prud'homme, vous savez que ce sont les collectivités territoriales qui sont à la manoeuvre. Mais nous avons souhaité expérimenter, avec cinquante collectivités volontaires, une tarification sociale de l'eau. L'expérience ne me semblant pas suffisamment longue, j'ai décidé de la prolonger de trois ans, afin que nous puissions en tirer des enseignements et savoir, à terme, dans quelle mesure elle pourrait être généralisée.

Quant aux concessions hydrauliques, je considère comme vous que le sujet est éminemment stratégique, même si l'on peut parfois reprocher aux barrages de poser des problèmes à la biodiversité. Je pense notamment aux poissons migrateurs. La loi que nous appliquons est très claire : remise en concurrence gérée dans le cadre des bassins ; association de collectivités dans le cadre de sociétés d'économie mixte, qui devraient permettre de bien gérer les différents usages, les barrages restant propriété de l'État, notamment pour garantir la sécurité.

Un mot sur la fusion des agences de l'eau et de l'AFB. Après le rapport rendu récemment par le CGEDD et l'IGF et la consultation qui a été lancée, le projet de fusion a été écarté. Le rapport de mission montrait qu'il avait plus d'inconvénients que d'avantages : on aurait abouti à une espèce de mégastructure, et à une déstabilisation de la gouvernance. Ces conclusions sont unanimement partagées.

Sur l'AFB et l'ONCFS, je veux rassurer la présidente : les choses me semblent aller dans le bon sens. Ne m'en veuillez pas de ne pas vous livrer encore les conclusions du rapport, mais je pense que nous en serons tous assez contents. L'important est de rendre la police de l'environnement plus efficiente et plus indépendante. Je pense que, sur ce point, nous aurons de bonnes surprises, mais la chose est encore en cours de discussion, car elle fait partie d'un tout. Permettez-nous, notamment, de conclure nos discussions avec les organisations syndicales avant de vous livrer nos conclusions.

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