Dans le temps qui m'est imparti, je retracerai mon parcours professionnel, je rappellerai ce qu'est la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dresserai le bilan des cinq années écoulées et présenterai ma vision des cinq années à venir dans l'hypothèse où j'aurais l'honneur d'être reconduite dans mes fonctions.
Je suis architecte de formation, et assez tôt, j'ai souhaité travailler à de grands projets d'aménagement, c'est pourquoi j'ai poursuivi mes études par un diplôme de spécialisation post-universitaire (DSPU) de l'Institut agronomique méditerranéen, puis, dans le domaine de l'aménagement rural, par un diplôme d'études approfondie (DEA) de géographie urbaine. J'ai ensuite obtenu un diplôme de l'Institut d'administration des entreprises (IAE). Au début de ma carrière professionnelle, j'ai travaillé dans les Pyrénées-Orientales sur de grands projets d'urbanisme tels que des plans d'occupation des sols (POS) et des zones d'aménagement concerté (ZAC), etc. Cette période est importante dans ma vie professionnelle, car elle a été celle de l'apprentissage des débats publics et de la conciliation entre l'État, les élus locaux et la propriété foncière, notamment.
J'ai poursuivi mon parcours dans la promotion immobilière en travaillant à des projets importants dans le sud de la France. J'ai ensuite passé onze ans dans l'efficacité énergétique, au moment de l'ouverture du marché de l'électricité et du regain d'intérêt pour l'efficacité énergétique, les réseaux de chaleur, etc.
Par la suite, j'ai rejoint le monde du déchet pendant cinq ans au cours desquels j'ai occupé la direction générale déléguée d'un groupe de 20 000 personnes, au moment où ce secteur connaissait déjà une mutation profonde, une rupture de business model ; ce qui m'a conduite à m'intéresser à tout ce qui concerne le tri et le recyclage.
Depuis cinq ans je préside la CNR ; c'est un poste situé à la croisée de toutes mes expériences puisqu'il concerne à la fois l'aménagement du territoire, l'énergie, le développement durable, les relations avec les parties prenantes et le management. J'ai été très heureuse d'occuper cette responsabilité, ce qui justifie que je me présente à nouveau pour un mandat supplémentaire.
À la fois bien et mal connue, même si elle est le deuxième producteur d'énergie français avec 3 % de la production totale du pays, la CNR est un aménageur des territoires. C'est d'ailleurs sa mission première, puisque notre contrat de concession, signé en 1934, portant sur le Rhône comporte trois missions, qui ont trait à la navigation – donc aux ports et aux activités économiques qui s'y attachent –, à l'irrigation et, pour financer l'une et l'autre, à l'hydroélectricité, ce qui a conduit les créateurs de la CNR à parler de missions solidaires entre elles.
La CNR est donc le deuxième producteur d'énergie du pays, ce qui est important, car notre chiffre d'affaires paie nos charges. Indépendants, nous disposons de notre propre salle des marchés et vendons la quasi-totalité de notre énergie sur les marchés de gros. Notre particularité est d'être une société anonyme d'intérêt général, dont le capital est réparti entre la Caisse des dépôts et consignations pour 34,2 %, 183 collectivités pour un total de 16,8 % et l'acteur industriel Engie pour 49,9 %. Je rappelle, par ailleurs, qu'aux termes de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite « MURCEF », un acteur privé ne peut pas entrer au capital de la CNR, ce qui explique pourquoi notre part propre se situe juste en dessous de la majorité.
Notre modèle est unique au monde puisque nous avons la responsabilité de la gestion entière d'un fleuve, ce qui n'est pas fréquent ; il est par ailleurs atypique, car nous sommes une entreprise industrielle, mais aussi d'intérêt général. Au titre de la redevance hydraulique, nous reversons 24 % de notre chiffre d'affaires à l'État, et, depuis 2003, nous assurons des missions d'intérêt général, qui constituent une façon de redistribuer aux territoires, y compris ceux qui ne sont pas actionnaires, une petite partie de la valeur dégagée du Rhône.
Dès mon arrivée à la direction de la Compagnie, j'ai souhaité préparer sa vision stratégique pour les cinq ans de mon mandat autour de trois axes.
Le premier était le développement du Rhône, car il s'agissait de préparer les conditions de prolongation du contrat de concession accordé à la CNR en confortant les spécificités que constituent son modèle redistributif et son rôle d'aménageur du territoire. Faute de quoi, la prolongation pour la prolongation aurait un moindre sens.
Le deuxième réside dans l'accélération du développement des énergies renouvelables, avec l'objectif ambitieux de produire 4 000 mégawatts à l'horizon 2020. Cet objectif est fondé sur les trois énergies que sont l'eau, le vent et le soleil, énergies dans lesquelles nous nous spécialisons.
Le troisième axe, très important dans la stratégie énergétique, consiste à devenir un laboratoire des énergies du futur, ce qui implique de travailler à la recherche de nouveaux outils de production, de préparer le dossier des hydroliennes fluviales que nous développons sur le haut Rhône, ainsi que tout ce qui regarde le stockage, comme l'hydrogène durable et les batteries. Il faut aussi préparer la transformation de l'entreprise dans le secteur numérique et digital, la mobilité durable, etc. La transition énergétique constitue une formidable plateforme de réflexion et d'innovation en la matière.
Pour réussir cette stratégie, il était nécessaire de faire évoluer l'organisation de la CNR, ce qui a représenté un chantier important, qui s'est déroulé sous la plus grande vigilance de nos partenaires sociaux.
Au cours de ces cinq années, j'ai encore souhaité renforcer le travail commun avec le monde agricole car, au titre de la mission d'irrigation confiée à la Compagnie, nous avions réalisé toutes les prises d'eau et prévu les conditions dans lesquelles l'agriculture peut prélever de l'eau dans le fleuve. À l'époque où nous avons réalisé ces travaux, nous avions permis l'irrigation de plus de 120 000 hectares le long du Rhône. Mais les enjeux d'aujourd'hui, singulièrement le réchauffement climatique, nécessitent que nous renforcions ces partenariats, c'est pourquoi nous avons passé des accords avec les chambres d'agriculture le long de la vallée du Rhône, et avec l'Institut supérieur d'agriculture Rhône-Alpes (ISARA), l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), etc.
Dans ce domaine particulier, nous avons travaillé sur quatre thèmes importants : l'eau, et tout ce qui a trait à l'irrigation ; l'énergie, et tout ce qui regarde le coût de l'électricité pour le prélèvement de l'eau, comme l'agrivoltaïsme ; les sols et la biodiversité, donc la façon de cultiver différemment en recourant aux couverts végétaux, aux céréales pérennes, l'aquaponie, et les pollinisateurs ; la vulnérabilité agricole, car le Rhône a toujours apporté de la richesse en sortant de son lit, mais peut aussi être dangereux pour les agriculteurs.
Ces cinq années m'ont aussi permis d'aller souvent faire valoir auprès de l'Union européenne ce modèle particulier que je viens d'exposer, ce qui est d'ailleurs déterminant pour l'avenir de l'entreprise dans le cadre des réflexions portant sur la prolongation de son contrat de concession.
Enfin, si vous acceptez de renouveler mon mandat, je souhaite proposer au conseil de surveillance de la CNR de revisiter son plan stratégique, et de programmer un plan stratégique complémentaire au cours de mon second mandat.
Ce plan s'inscrira dans la continuité du premier, même si certains aspects doivent être infléchis, particulièrement dans le monde très rapide qui est le nôtre aujourd'hui. Je souhaite que ce deuxième mandat soit l'aboutissement de la prolongation du contrat de concession du Rhône. Ce qui nous permettra de tenir les nombreux engagements pris dans le cadre des négociations de cette prolongation. Je souhaite aussi, bien entendu, poursuivre le développement des énergies renouvelables, toujours avec l'eau, le vent et le soleil. Relativement peu dans l'eau toutefois, car le potentiel est faible en France pour les nouveaux ouvrages, on évalue à un tiers de la puissance du Rhône ce qui reste à réaliser dans notre pays. Ce qui n'empêche que nous construisions une installation de moyennes et hautes chutes de la Sarenne au-dessus de l'Alpe-d'Huez, car nous sommes présents lorsqu'il y a des projets hydrauliques.
Par ailleurs, nous sommes recherchés à l'international pour notre ingénierie et notre spécificité dans la navigation et le respect des fleuves, ce qui recouvre tout ce qui regarde la circulation des sédiments, les poissons, etc. À ce titre, nous intervenons dans soixante-neuf pays, et nous espérons encore améliorer l'image de la France dans le monde à travers l'action de la CNR.
Je veux encore poursuivre l'action en faveur de la transition énergétique et de l'innovation que j'ai initiée au sein de la CNR, et continuer à travailler à tout ce qui concerne le stockage, le photovoltaïque, les centrales virtuelles, etc.
Rien de tout cela ne sera possible si nous ne nous préoccupons pas du capital humain. La CNR est bien une entreprise industrielle comptant 1 400 personnes, dont il faut préparer l'évolution pour les former aux compétences requises d'aujourd'hui et dans le futur. Il faut définir les référentiels de compétences nécessaires pour aborder ce nouveau monde.
Je veux enfin accélérer nos partenariats avec le monde agricole, car le changement climatique est une réalité que nous vivons au quotidien, et ne concerne pas que les pays lointains, mais aussi la France. Je veux que ce changement climatique puisse être abordé sereinement avec une gestion des usages du Rhône concertée, en particulier avec le monde agricole.