S'agissant tout d'abord des emplois, nous sommes en effet 1 400. Il n'est pas exact qu'il n'y ait pas eu d'accroissement des effectifs, car lorsque la CNR a retrouvé sa liberté d'action en 2006, elle employait 1 100 personnes. Il y a donc eu un accroissement significatif.
La question est celle de la transformation des emplois, plus que de leur création. Alors que nous parlons du numérique et des nouvelles technologies, une partie de nos agents exerce des métiers en forte évolution. Je pense par exemple aux relevés faits sur nos digues, qui nécessitent une attention quotidienne. Aujourd'hui, des drones relèvent les éléments dont nous avons besoin, mais nous avons aussi des personnes qui le font très bien. Nous cherchons comment, grâce à la formation, les faire évoluer vers des postes plus nécessaires à la transformation de l'entreprise. Cela n'exclut pas que nous devions recruter les compétences dont nous avons besoin si nous ne les avons pas.
Vous m'interrogez sur la prolongation des concessions. Personnellement, je n'ai pas la réponse. Dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, nous avons une possibilité de prolongation très spécifique à l'histoire de la CNR. Il faut maintenant que Bruxelles donne son accord. Je rêve que le dossier parte tout de suite, mais je ne sais pas où en sont les choses.
Madame Marie-Noëlle Battistel, vous avez insisté sur l'aménagement du territoire, qui m'est cher. C'est la raison pour laquelle j'ai souligné que mon parcours m'amenait aussi à être particulièrement sensible à ce sujet. Pendant des décennies, nous avons considéré à tort que l'énergie hydraulique était une énergie de secours au service d'autres énergies : le gaz et le charbon, puis le nucléaire. C'est pour moi une très grave erreur, l'hydroélectricité étant une énergie à part entière qui façonne les territoires et doit y être intégrée. Je suis absolument convaincue qu'il ne faut pas présenter les prolongations de concessions simplement comme la prolongation d'outils de production d'électricité, mais qu'il faut reprendre la vision française de l'aménagement du territoire par l'intermédiaire d'outils de production d'électricité. C'est vrai pour l'hydroélectricité au fil de l'eau comme pour celle de moyennes et hautes chutes.
Vous avez mentionné le tourisme. Il faut savoir que, sur le Rhône, nous transportons chaque année 200 000 touristes qui, par les arrêts qu'ils marquent le long du fleuve, entretiennent largement l'économie locale. Ils vont aussi plus vers l'intérieur des territoires, de sorte que le tourisme est aussi un axe de développement de l'hydroélectricité qu'il ne faut pas négliger.
Pour le cas où d'autres concessions seraient mises en concurrence, j'ai répondu à Bruxelles que nous sommes une société atypique, que nous comptons de nombreuses collectivités territoriales à notre capital, et que nous privilégions l'intérêt général avant le profit. Chaque concession remise en concurrence serait analysée par nous non pas sous l'aspect financier, mais essentiellement sous l'angle de la complémentarité avec la CNR et son esprit. Si nous avons la conviction qu'il y a quelque chose à faire, nous nous présenterons en cas d'appel d'offres. Mais nous ne le ferons pas systématiquement, nous ne sommes pas là pour reprendre les concessions hydroélectriques en France. Je précise que notre rôle d'aménageur exclut que nous allions sur un simple outil de production, il faut de la cohérence.
L'hydrogène est un sujet important, comme le montre le plan hydrogène annoncé récemment par M. Nicolas Hulot. Nous y travaillons depuis quelques années. Je suis convaincue qu'il n'y a pas une énergie renouvelable unique : il y a différentes façons d'assurer la transition énergétique, comme la géothermie ou l'éolien en mer. Mais nous ne pouvons pas nous intéresser à tout. Nous avons décidé de rester dans notre domaine de compétence : l'eau, le vent et le soleil. Ce n'est pas un rejet de la méthanisation, c'est simplement que nous n'avons pas, au sein de CNR, les compétences ni la complémentarité qui nous permettraient de nous intéresser à la méthanisation.
Au sein du monde agricole, nous nous intéressons plutôt à l'agrivoltaïsme, pour lequel nous avons des compétences, alors que, sur la méthanisation, d'autres sont plus forts que nous. Nous laissons donc la méthanisation à d'autres experts, mais ce n'est pas du tout par dogmatisme : je pense qu'elle a toute sa place, notamment dans le monde agricole. Ce que je dis est vrai pour les cinq ans à venir, mais dans cinq ans, peut-être, si je me présente à nouveau devant vous, vous dirai-je que nous avons évolué ?
C'est différent pour l'hydrogène, car nous travaillons sur le sujet depuis longtemps. Nous travaillons aussi sur celui des batteries car, comme pour l'énergie électrique et les multi-énergies, nous avons la conviction qu'il n'y a pas une solution unique de stockage. Il y a aussi les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), mais elles sont plus compliquées à mettre en oeuvre, leur impact sur l'environnement étant assez compliqué à gérer dans la période actuelle.
Tous les modes de stockage de l'énergie nous intéressent, et nous travaillons sur différents projets mettant en oeuvre l'hydrogène durable, notamment des démonstrateurs industriels de power to gas, à Fos, avec le projet Jupiter 1 000. Nous transformons l'énergie issue de nos éoliennes pour l'injecter dans les réseaux de gaz, en le mélangeant pour partie avec le CO2 prélevé chez certains industriels.
Nous travaillons aussi sur un projet de fabrication d'hydrogène la nuit, quand le Rhône coule et que les marchés n'ont pas besoin de cette énergie. Nous préparons un démonstrateur de production d'hydrogène sur l'une de nos installations.
Avec différents acteurs, nous travaillons à ce que l'hydrogène peut apporter à la mobilité durable, notamment les prolongateurs d'autonomie des véhicules électriques, c'est le projet HyWay. C'est un domaine dans lequel la France a raison de vouloir rattraper son retard, car d'autres pays sont très en avance.