Intervention de Sophie Moati

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Sophie Moati, présidente de la 3e chambre de la Cour des comptes :

Un certain nombre de vos interrogations porte sur l'importance des questions culturelles entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise. Bien que notre rapport soit circonscrit aux outils du PIA, il nous a semblé indispensable de conduire une analyse sur les modalités pratiques de gestion permettant de favoriser la circulation des compétences et la mobilité des chercheurs. Nous avons choisi de mettre l'accent sur l'importance des liens informels et formels, des échanges et de la circulation des compétences, ce qui ne découle pas du PIA. Néanmoins, tout type de dispositif d'ordre structurel n'est utile que si se maintiennent ce mouvement, cette circulation et ces échanges informels ou plus formels très importants entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise, précisément parce que notre pays présente de longue date une coupure et une méfiance réciproque entre les deux mondes. Peut-être convient-il cependant de nuancer. La situation évolue, mais lentement. Au niveau très modeste où se place la Cour, nous avons souhaité mettre en évidence l'importance des instruments, des dispositifs, des procédures et des questions de gestion, même s'il ne s'agit pas directement des outils du PIA.

Monsieur le président, vous me demandez qui a intérêt à ce que cette recherche aboutisse. Nous sommes dans un monde où la coopération et la tension permanente et structurelle peuvent permettre des bonds en avant comme des régressions. Chacun aurait intérêt à ce que cette recherche aboutisse me semble-t-il. J'ai bien conscience que mon propos ne répond pas véritablement à votre question, mais vous me permettrez de l'éluder ainsi. Je crois que les intérêts peuvent être divergents, mais l'attention qui leur est portée peut être organisée de façon telle qu'elle permette de progresser.

Nous avons insisté sur la gestion du changement et l'importance de l'origine de ces outils car elle n'est pas indifférente. Nous attendions sans doute de la stratégie de rupture des effets plus importants, rapides et bénéfiques, ce qui n'est pas le cas à ce stade. Nous sommes extrêmement prudents dans notre critique en indiquant qu'il convient de laisser aux choses le temps de se faire. Néanmoins, nous aurions pu procéder par une logique plus expérimentale et limitée dans le temps. Nous avons opté pour une stratégie de rupture, s'inscrivant dans un cadre très formalisé, structuré et homogène, avec des règles très contraignantes s'appliquant uniformément à l'ensemble des outils. Nous avons constaté la nécessité d'adapter ces structures. Nous nous situons encore dans un contexte de confrontation-coopération-tension dynamique. L'important est que la dynamique prévale sur la divergence des intérêts.

C'est pourquoi nous avons insisté sur la difficulté de la coexistence des intérêts divergents au sein des IRT parmi les membres fondateurs entre les entreprises et les académiques. Il s'agit d'une pierre de touche de la réussite ou non de ces nouveaux instruments. En tant que dispositifs intégrés, mutualisés et multipartenariaux, les IRT sont emblématiques. Il est très complexe d'organiser la coopération entre plusieurs entreprises pouvant être concurrentes et des chercheurs académiques pouvant avoir des intérêts dans d'autres structures ou laboratoires. L'engagement des fondateurs privés au sein de ces structures multipartenariales et intégrées doit se mesurer dans le temps. Il ne s'agit pas de la simple gestion d'une relation partenariale sur un projet commun mais de la création et du maintien durable d'une structure, ce qui diffère d'une simple coopération où il est question de concourir à un projet immédiat et limité dans le temps. Dans les IRT, l'enjeu est différent. Le fait de surmonter ou non des oppositions anciennes constituera l'une des pierres de touche de l'évolution de notre pays.

S'agissant des SATT, nous avons observé une stratégie de rupture. Cependant, celles qui ont prospéré ou qui présentent de bonnes chances de poursuivre leurs ambitions ont très souvent été précédées, dans leur emprise territoriale, par des systèmes comme les dispositifs mutualisés de recherche. La logique de rupture y est revendiquée et délibérée, mais l'historique refait surface et colore l'avenir de ces structures.

Sur la question du parangonnage, s'agissant de dispositifs très spécifiques, nous avons observé l'évolution de la position de notre pays dans les classements internationaux. Nous n'avons pas la prétention d'essayer de déterminer la corrélation exacte avec les outils du PIA mais avons observé une corrélation temporelle.

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