Intervention de Valéria Faure-Muntian

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValéria Faure-Muntian, députée, co-rapporteure :

– Concernant la participation du bitcoin au crime organisé, il est vrai que celui-ci est assez transparent en termes d'enregistrement : ce n'est pas un système anonyme mais plutôt pseudonyme. Par exemple, on a vu que la National Security Agency (NSA) avait les moyens de remonter certaines pistes et de faire considérablement diminuer l'usage du bitcoin dans l'économie parallèle. En revanche, il existe d'autres blockchains, plus petites et moins connues, pratiquement anonymes. On y a constaté une recrudescence des transactions qui pourraient être imputées au crime organisé. Évidemment, la transparence est un gage de contrôle. Cependant, en Europe, avec le RGPD, c'est un enjeu compliqué car on a aussi un besoin d'anonymisation pour la protection des données personnelles.

Concernant la fiscalité, le premier objectif est déjà de donner une existence juridique au bitcoin et à la blockchain qui, pour l'instant, n'existe pas. On ne peut travailler à la fiscalité des cryptomonnaies sans les qualifier juridiquement ; d'ailleurs, la qualification de « monnaie » est très contestée. Est-ce un revenu ou un placement ? C'est une monnaie qui n'a pas d'autre fondement qu'elle-même. L'Autorité des marchés financiers (AMF) travaille depuis plusieurs mois sur le sujet, et en particulier sur les ICO.

C'est aussi un marché qui, aujourd'hui, fonctionne sans aucune régulation. Ainsi, lorsque le bitcoin a connu une explosion de sa valeur, personne ne pouvait décider de fermer le marché, le temps de trouver une solution. Le choix américain a été de très peu légiférer mais de contrôler tout de même et, ainsi, de geler, par exemple, les avoirs en dollars des possesseurs de bitcoins jusqu'à ce que ceux-ci se mettent en règle. Mais ce n'est sans doute pas une solution envisageable chez nous et je ne pense pas qu'on en arrivera là.

Concernant les ICO, là encore, il est complexe de rattacher les tokens à telle ou telle qualification juridique. Car, finalement, on ne peut en tirer profit ; ce n'est pas un titre de propriété ni un titre obligataire : il ne rapporte pas d'intérêt et ne donne aucun pouvoir vis-à-vis de l'auteur de la levée de fonds. Le but est différent, il s'agit de donner en toute confiance, à une personne ou une entreprise, de l'argent pour développer une innovation sans rien attendre en retour d'autre que l'usage futur de cette technologie.

Ainsi, si quelqu'un veut voir émerger un jeu avec des petits chats et qu'une structure le lui propose, il peut financer ce projet sans qu'il n'y ait aucun lien d'obligation entre celui qui investit et celui qui récupère l'argent. Imposer une fiscalité sur cette opération reviendrait exactement à imposer une fiscalité sur le crowdfunding, et je ne sais pas où l'on en est sur ce sujet.

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