Décidément, cette journée du 1er mai était pleine d'inconnu, au point que, les uns déplorant les violences et les attribuant aux autres, les autres se défendant d'y avoir concouru de quelque façon que ce soit, on avait proposé une commission d'enquête qui porte sur l'ensemble de la journée.
En effet, à l'issue de cette journée, les trois syndicats de police, UNSA-Police, CGT-Police et Alliance, avaient indiqué que si la situation leur avait échappé, c'est qu'ils agissaient sur ordre – l'ordre de ne pas agir.
Plusieurs commissions d'enquête ont été demandées, dans des termes différents. Elles ont été repoussées par la majorité. À cette heure encore, c'est un sujet d'étonnement pour nous, même si le déroulement de la journée d'aujourd'hui nous montre qu'il y avait peut-être anguille sous roche et que personne ne voulait que l'on éclaire la situation.
J'en viens à la journée d'aujourd'hui. Le déroulement de cette journée a changé la nature des événements auxquels nous sommes confrontés. Cette nuit, nous avions une vidéo, ce midi nous avions un grand quotidien qui affichait une situation. Au cours de la journée, il a été décidé de recourir à l'inspection générale de la police nationale, à la demande du ministre de l'intérieur. Ensuite la présidence de la République a informé de l'existence d'une sanction contre la personne concernée, qu'elle juge très lourde et nous très légère. Enfin, l'Assemblée nationale, par un acte dont l'importance ne doit pas lui échapper, vient de décider l'ouverture, séance tenante, en commission des lois, d'une enquête.
Tous nos collègues doivent savoir que cette solution ne s'imposait pas. Le président de l'Assemblée a rappelé qu'elle était extraordinaire. Cette décision change le sens des événements et le regard que nous portons sur eux. C'est une décision qui, par elle-même, ouvre un moment nouveau. Par conséquent, tout en sachant très bien que ni le président de l'Assemblée nationale, ni le président du groupe majoritaire, ni les présidents qui sont leurs alliés n'y peuvent rien, il est extraordinaire qu'aucun ministre ne veuille se présenter à l'Assemblée nationale pour répondre. Aucun.
S'il vous paraît disproportionné de faire venir le Premier ministre, et marquer une importance que vous ne voulez pas donner à la situation, soit, mais qu'au moins le ministre de l'intérieur se déplace ! Il s'agit de la police ! C'est lui-même qui déclenche une enquête. Les faits sont là : des individus, utilisant des uniformes de police ou quelques attributs, infiltrent leurs rangs, communiquent, donnent des ordres par talkie-walkie, et il ne se passerait rien ?
L'Assemblée regarde son président. Tout le monde connaît nos rapports détestables, aussi prendrez-vous la mesure de l'hommage que je lui rends : le président a passé son après-midi à porter une croix qui n'est pas la sienne !
J'en adresse donc la demande formelle au président de l'Assemblée nationale, qui est le président de tous les députés et pas seulement de la majorité : qu'il prévienne le Gouvernement que la décence démocratique impose qu'un ministre vienne répondre, et d'autant plus dans ce contexte où nous débattons des droits du Parlement !
Je ne crois pas qu'il y ait une démocratie au monde où, un événement d'une telle nature ayant eu lieu, reconnu par les déclarations du Président de la République, qui sanctionne son conseiller, et reconnu par le ministre de l'intérieur qui déclenche une enquête, aucun ministre ne vienne s'expliquer devant le Parlement qui débat justement du prétendu élargissement de ses droits.
Dans ces conditions, après avoir bien examiné la situation, nous pensons que, si aucun ministre ne veut venir, ni ce soir ni demain, notre responsabilité de parlementaires, de députés de la nation, sera engagée. Nous proposerons dès lors à nos collègues des autres groupes, quels qu'ils soient, de déposer ensemble une motion de censure qui obligerait le Gouvernement à venir s'expliquer devant la représentation nationale et à rendre des comptes sur l'ensemble de ces événements dont j'ai résumé en quelques mots la portée, qui est devenue celle d'un problème politique majeur. Que s'est-il passé le 1ermai, et que se passe-t-il en ce moment à l'Élysée ?
Je demande à l'exécutif de surmonter son désarroi et peut-être la panique qu'il éprouve à cette heure. Deux personnes au moins, qui n'ont rien à voir avec la police nationale, sont entrées dans ses rangs, ont donné des consignes et participé à des interpellations. Peut-être y en a-t-il une troisième. Cela signifie qu'il existe, à l'Élysée, une organisation de sécurité en dehors des services officiels. Qui sont ces gens ? Comment agissent-ils ? Comment sont-ils coordonnés ? Qu'en pense le chef de l'État ?
Ces questions suffiraient à justifier le dépôt de la motion de censure que je vous propose, mes chers collègues, de rédiger avec nous, je le répète, quel que soit le groupe auquel vous appartenez, parce qu'il y va de valeurs et de principes qui me paraissent au-dessus de nos divisions politiques.