Merci, mesdames et messieurs les députés, de vos commentaires et de vos questions.
Dix pays travaillent actuellement sur la taxe sur les transactions financières dans le cadre de la coopération renforcée – un pays de moins et il ne serait pas possible de le faire. Je n'ai pas connaissance de progrès particuliers, mais les échanges se poursuivent.
Lors de quelques réunions dans le cadre de l'Union européenne, plusieurs pays membres ont demandé à l'OCDE s'il lui serait possible d'évoquer le sujet au niveau du G20. Cela l'est, mais nous leur avons demandé si c'était vraiment ce qu'ils souhaitaient. Nous savons effectivement que les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni sont farouchement opposés à une telle taxe. Toute proposition de discussion sur le sujet serait accueillie par un refus catégorique, ce qui ne serait pas forcément la meilleure manière d'avancer. Mes collègues qui s'occupent des simulations économiques y travaillent un peu, mais, en l'absence d'intérêt de ces trois plus grands centres financiers mondiaux que sont Tokyo, New York et Londres, nous n'avons pas de projet spécifique en la matière.
J'ai été interrogé sur les marges de manoeuvre du Parlement par rapport aux contraintes constitutionnelles. Je ne suis pas sûr qu'une directive européenne règle la difficulté : ce n'est pas parce qu'une loi transpose une directive qu'il est obligatoire de transposer qu'elle est constitutionnelle. Je n'ai pas de jugement à porter, le problème est interne à la France, mais des mesures convergeant dans une certaine direction ont été l'objet de décisions de censure du Conseil constitutionnel. Je n'ai pas d'explication. Peut-être est-ce dû au fait que ces mesures étaient issues d'amendements et non de projets de loi, et donc pas forcément rédigées de la manière la plus robuste juridiquement. L'avis du Conseil d'État et une réflexion coordonnée en amont, en aval et au moment du vote, peuvent réduire le risque d'une décision de censure – mais vous n'avez pas besoin de moi pour entendre cela. En tout cas, les déclarations de montage – qui sont l'objet de l'action n° 12 du plan BEPS – existent dans de très nombreux autres États ; il n'y a pas de raison que cela soit plus particulièrement anticonstitutionnel en France.
Le flou juridique, effectivement, n'est jamais une bonne chose. Et nous avons d'ailleurs lancé l'an dernier au sein de l'OCDE un projet sur la sécurité juridique fiscale – tax certainty –, à la demande du G20 et de l'Allemagne en tant que présidente du G20. Il faut toujours garder en tête la nécessité d'un équilibre entre les instruments de lutte contre l'évasion et la sécurité juridique, absolument essentielle pour sécuriser les investissements nécessaires à la création d'emplois et à la croissance. Il faut toujours garder à l'esprit ces exigences parfois contradictoires au moment de rédiger des textes.
Vous avez tout à fait raison, monsieur Alauzet : le problème de l'évasion fiscale n'est pas propre au numérique. C'est une question globale, que la numérisation accentue. Les mesures du plan BEPS y répondront en partie, mais la numérisation pose un problème spécifique lié à l'absence de présence physique du contribuable. Le problème des schémas de planification fiscale agressive concerne en revanche toutes les entreprises et tous les secteurs, et je pense que le plan d'action le résoudra.
Quels sont les montants en jeu ? Nous ne savons pas ce qu'il en est en ce qui concerne la lutte contre le secret bancaire. Nous savons simplement que 85 milliards d'euros ont été collectés par une petite vingtaine de pays qui ont pris des initiatives telles que, en France, la « cellule de dégrisement », cette cellule de régularisation qui permet au contribuable qui s'acquitte de pénalités d'éviter prison et poursuites pénales. Au Brésil, ce sont 14 milliards d'euros qui ont ainsi été collectés. En Argentine, ce sont aussi plusieurs milliards d'euros qui ont été collectés. Le montant est également important en Allemagne, mais il n'est pas public. Il s'agit là de l'évasion fiscale des particuliers, les montants sont sans doute encore plus élevés en ce qui concerne les entreprises. Nous avons fait une évaluation dans le cadre de l'action n° 11 du plan d'action, qui vise à remédier au fait que nous ne disposons que de très mauvais instruments pour mesurer la planification des entreprises multinationales. Selon notre estimation, extrêmement conservatrice, le montant est compris entre 140 et 250 milliards d'euros par an au niveau mondial ; c'est très significatif. Songez que le chiffre d'affaires des 10 000 avocats fiscalistes aux Pays-Bas et des 5 000 avocats fiscalistes à l'Île Maurice qui ne vivent que de treaty shopping ne représente qu'un tout petit montant au regard des économies ainsi réalisées par les multinationales...