Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du mercredi 20 septembre 2017 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI-Groupe :

Bpifrance est une banque et en tant que telle, elle est régulée par la Banque centrale européenne (BCE). Certes, ce n'est pas une banque comme les autres mais, du point de vue de sa régulation, elle est pilotée comme n'importe quelle banque privée à capitaux publics.

Elle possède une grosse demi-douzaine de métiers, que je balaierai rapidement. Ces métiers proviennent d'organisations historiques bâties progressivement ces cent dernières années et qui ont fini par se concaténer dans une seule et même organisation. En 2012, quand on m'a demandé de proposer une organisation pour cette peau de panthère, j'ai hérité d'un râteau et nous avons essayé, autant que possible, d'en faire une entreprise.

Le premier métier est la garantie : nous garantissons les banques françaises sur leurs crédits les plus risqués. Cela représente quelque 8,5 milliards d'euros de crédits accordés par les banques commerciales françaises chaque année, essentiellement à de toutes petites entreprises, des très petites entreprises (TPE) ou petites PME, et nous garantissons ces banques à hauteur de 60, voire 70 %, avec des fonds de garantie. Ces derniers, des sortes de poches de provisions collectives, sont alimentés par trois sources : l'État, via le programme 134 du budget, les conseils régionaux, qui nous accordent des crédits pour « surgarantir », c'est-à-dire pour passer les quotités de garantie de 50 ou 60 % à 70 % du risque, ou un peu plus, enfin la Commission européenne, essentiellement au titre du plan Juncker, via le programme InnovFin et le Fonds européen d'investissement (FEI).

C'est une activité fondamentale, permettant de garantir chaque année une quinzaine de milliers de crédits, qui ne seraient tout simplement pas consentis s'ils n'étaient garantis. Il s'agit typiquement de transmission, de développement, de création d'entreprise. Les prêts à la création d'entreprise des banques privées françaises sont garantis par Bpifrance.

Notre deuxième métier est le crédit, sur nos fonds propres. Bpifrance a environ 20 milliards d'euros de fonds propres, sur lesquels quelque 3 milliards sont alloués à notre établissement de crédit. Cela nous permet de consentir chaque année 16 milliards d'euros de crédits, pour une moitié des crédits à l'investissement et pour une autre des crédits de trésorerie, de court terme. Il s'agit uniquement de crédit aux entrepreneurs : nous ne finançons pas d'infrastructures ni d'immobilier, nous n'avons pas d'activité avec les particuliers et nous ne gérons pas non plus les comptes de nos clients.

Soit le crédit à l'investissement est garanti, par des hypothèques, soit il ne l'est pas. Le coeur de métier de Bpifrance, ce sont les prêts sans garantie : des prêts que nous faisons en blanc à des entrepreneurs, jusqu'à 10 millions d'euros, en général sur sept ans, toujours avec un différé de remboursement d'un ou deux ans, qui permettent de financer tout l'immatériel de l'entreprise : le développement, les recrutements, l'informatique, la construction de stratégies internationales... Comme vous l'imaginez, ces prêts, même s'ils sont parfois un peu plus chers, en facture, que les prêts que l'on peut trouver sur le marché, sont particulièrement appréciés des entrepreneurs français, et très demandés, parce que leur patrimoine n'est pas hypothéqué. Dans la mesure où ils sont sans garantie, Bpifrance doit se protéger et il faut donc, là aussi, des fonds de garantie. Ces fonds sont alimentés par l'État – le programme 134 ou le programme d'investissements d'avenir (PIA) –, les régions et la Commission européenne. L'équation est extrêmement simple : plus on a d'argent dans ces fonds de garantie, plus on peut réaliser de prêts sans garantie.

Le troisième métier est le financement de l'innovation. Nous sommes le grand bras armé de l'État dans ce domaine depuis la création de Bpifrance en 2012. Nous distribuons chaque année 1,3 milliard d'euros de subventions, avances remboursables, prêts à taux zéro (PTZ), venture loans, prêts à l'amorçage, prêts à l'innovation, à environ 5 000 entreprises, par le biais de notre réseau de cinquante agences régionales – environ mille personnes – qui prennent 95 % des décisions. Nous sommes très décentralisés.

Les ressources de ce financement sont l'État, via le programme 192 du budget – les « aides à l'innovation », qui sont des avances remboursables et des PTZ – et, pour des programmes en général plus importants, le PIA. Les aides à l'innovation représentent en moyenne 100 000 euros par entreprise et nous en réalisons 5 000 par an. Les programmes collaboratifs peuvent quant à eux s'élever à plusieurs millions d'euros, dans la filière du laser, de l'hydrogène... Une autre ressource, mais bien plus faible, est le programme H2020 de la Commission européenne.

Le quatrième métier, depuis le 1er janvier de cette année, est l'assurance-crédit, qui était prise en charge par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) et l'est à présent par Bpifrance Assurance Export. Nous assurons à l'export les banques de nos clients. Cela représente chaque année entre 16 et 18 milliards d'euros en couverture. Nous instruisons et gérons les dossiers pour le compte de l'État, car c'est une assurance d'État. Toutes les décisions – et c'est parfois un peu excessif – sont prises dans des commissions qui se tiennent à Bercy, mais elles sont préparées et, ensuite, exécutées par nous.

Ensuite viennent des métiers de fonds propres, relevant de notre filiale, Bpifrance Investissement, qui est la plus grosse société de gestion française, gérant à peu près 18 milliards d'euros de fonds propres, investis dans toutes les catégories du paysage.

Le premier métier à cet égard est le capital-risque. Nous avons 2 milliards d'euros de capital-risque sous gestion, c'est-à-dire logés dans des fonds ou poches et investis, ou désinvestis, par nos équipes du 6, boulevard Haussmann, spécialisées par grands thèmes : une trentaine de personnes sur la « biotech », une trentaine sur le digital, une équipe sur la transition énergétique, une sur les maladies rares... C'est le plus gros fonds de capital-risque français. Il s'agit aussi de capitaux qui nous sont confiés en gestion par le PIA.

Le deuxième métier de fonds propres est l'investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME). Nous avons pour cette activité une équipe de quelque quatre-vingts personnes dans toute la France. Nous investissons dans environ cent PME chaque année et vendons nos participations dans à peu près quatre-vingts. La particularité de ce métier, c'est que 60 % de nos opérations sont sur des entreprises qui n'avaient jamais ouvert leur capital. Notre rôle est de convaincre les familles d'ouvrir leur capital et elles le font plus aisément avec Bpifrance qu'avec un fonds privé. Nous gérons à ce titre environ 500 lignes de portefeuille, contre 200 lignes pour le capital-risque.

Un autre métier est ce que nous appelons les « mid cap » et les grandes participations. Les « mid cap » concernent les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous sommes investis dans une petite centaine d'ETI et procédons chaque année à une petite vingtaine de gros investissements de cette nature : par exemple, 180 millions d'euros dans l'entreprise Sermeta à Morlaix. Nous co-investissons toujours avec des partenaires privés. Notre rôle est de faire monter en graine de belles ETI familiales françaises, qui seront potentiellement des groupes du CAC 40 en 2030.

Quant à notre activité de larges participations, il s'agit de notre héritage de fonds souverain. Nous sommes actionnaires d'Orange à hauteur de 10 %, de STMicroelectronics à hauteur de 13 %, d'Eutelsat à hauteur de 25 %... Nous avons tout un portefeuille de participations cotées, qui représente environ 14 milliards d'euros et s'enrichit puisque nous venons d'acquérir 12 % du capital de Peugeot. Il s'allège aussi : nous avons vendu cette année nos participations dans Schneider et Eiffage. Il se transforme, enfin, en fonction de l'histoire de nos participations : quand Technip fusionne avec une grande entreprise américaine comme FMC, nous en profitons pour monter au capital, afin de sanctuariser l'essence française de l'entreprise.

Je terminerai par présenter nos trois grandes priorités transverses, qui qualifient tous nos métiers. La première est l'accompagnement. Nous sommes convaincus que la banque à l'ancienne n'est plus adaptée aux besoins des entrepreneurs, qui ont besoin de faire partie d'un écosystème complet d'accompagnement. Le crédit, les fonds propres ne suffisent plus : les entrepreneurs ont besoin de conseil, de présence humaine, de coaching. Nous sommes fondamentalement une banque coach. Nous allons annoncer demain avec M. Bruno Le Maire le fait que les accélérateurs que Bpifrance a commencé à développer et qui sont des sortes de centres sportifs pour entrepreneurs, où nous les prenons complètement en charge de la manière dont les athlètes sont préparés aux Jeux olympiques, comptent actuellement 300 entreprises et que nous allons passer à 4 000. J'étais vendredi dernier en Pays de la Loire avec M. Bruno Retailleau pour inaugurer l'accélérateur Pays de la Loire, et nous ferons la même chose dans toutes les régions. De même, nous inaugurons demain soir l'accélérateur de la filière aéronautique, et nous le ferons également dans toutes les filières.

C'est ainsi 4 000 « athlètes » que nous aurons dans nos centres. Les centres sont marginalement du financement mais, passant par un centre, l'entreprise double de taille et va donc ensuite chercher du financement, des fonds propres. Nous avons toujours dit, depuis 2012, que nous avions l'intention de créer un réseau social d'entrepreneurs avec une banque autour, et c'est ce que nous faisons. C'est un élément absolument majeur de l'identité de Bpifrance et c'est probablement ce qui explique que nous ayons la plus grosse croissance de la banque française aujourd'hui : 20 % de croissance sur les crédits au premier semestre.

La deuxième grande priorité transversale est l'international. C'est une obsession de Bpifrance : nous ne lâchons pas nos clients, nous ne pouvons accepter que trois quarts des PME et 50 % des ETI ne soient pas à l'international. Nous avons un petit côté harceleur à cet égard mais c'est assumé. Nous avons toute une gamme de produits adaptés – crédits export, prêts à l'export, cautions, garanties, assurances... – mais ce n'est pas suffisant : le coeur du sujet, c'est, à côté des instruments financiers, le consulting, le coaching, l'accompagnement, la présence physique et humaine, pour susciter la volonté de l'entrepreneur d'aller à l'étranger, le mondialiser dans sa tête, et ensuite l'accompagner, ou le faire accompagner par notre partenaire Business France.

Enfin, notre troisième priorité transversale est l'expertise sectorielle. Il faut être conscient du fait que tout devient beaucoup plus compliqué, que chaque mois est plus complexe que le mois précédent, dans tous les secteurs : mobilité, chimie, logistique... On ne peut plus être banquier généraliste et nous professionnalisons donc nos troupes, notamment dans l'activité de fonds propres, de façon qu'elles aient une compréhension intime des conséquences de la révolution technologique digitale sur les modèles opérationnels de chaque secteur.

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