Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du mercredi 20 septembre 2017 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI-Groupe :

Pour nos crédits sans garantie, il est en moyenne de quinze jours. Ce sont les crédits les plus simples du marché puisque le contrat ne fait que trois pages et qu'ils ne nécessitent pas la masse documentaire demandée pour les crédits avec garantie.

Par ailleurs, l'aide aux TPE est un sujet à ce point fondamental que nous envisageons éventuellement de développer une offre d'accélérateurs pour ces entreprises, car l'implication humaine est un aspect encore plus important pour ces structures que pour les PME.

En ce qui concerne le programme 192, sa diminution est en effet un problème. À sa création, en 2012, Bpifrance disposait de 250 millions d'euros ; aujourd'hui, la programmation à moyen terme ne prévoit plus que 136 millions. D'où l'idée qui avait été lancée de créer une fondation pour l'innovation. Ce n'est pas que nous ayons besoin de 300 ou 400 millions d'euros – nous ne cherchons pas à devenir Israël du jour au lendemain et nous sommes solidaires de l'ajustement budgétaire français – mais, si l'on veut assurer le financement structurel de l'innovation française, il nous faut au moins 200 millions d'euros par an. Et je parle ici des milliers d'entreprises qui reçoivent une aide à l'innovation de 100 000 euros. Car ce ne sont pas grâce aux PIA, aux programmes collaboratifs et à leurs milliards de subventions qu'ont été repérées les licornes françaises mais grâce au travail des chargés d'affaire innovation de Bpifrance au sein de nos directions régionales : qu'il s'agisse de DBV Technologies, aujourd'hui cotée au Nasdaq, ou de BlaBlaCar, toutes les deux ont commencé par une aide à l'innovation. L'aide à l'innovation ne doit donc pas être un processus top-down mais bien bottom-up, à partir de l'humus d'où, dans nos régions, surgissent des pousses dont Bpifrance va accompagner le démarrage par une aide à l'innovation.

Mme Cariou m'a interrogé sur les risques d'éviction dans le capital-risque. Je ne crois pas que ce soit un vrai sujet de préoccupation. Bpifrance dispose en effet d'un fonds de financement direct – les 2 milliards d'euros que j'ai évoqués –, dont la moitié est composé par Large Venture, notre fonds destiné à proposer aux entreprises en croissance de gros tickets d'investissement, exactement comme ceux que BlaBlaCar est allé chercher aux États-Unis, alors qu'il aurait pu les prendre chez nous, puisque l'offre existait et que tout le monde à l'époque souhaitait investir chez BlaBlaCar.

Il faut savoir en effet qu'il y a actuellement à Paris énormément d'argent prêt à être, dès demain matin, investi dans l'innovation au travers du capital-risque. Cette « poudre sèche » est évaluée à 6 milliards d'euros. Et, si BlaBlaCar n'a pas voulu de cet argent, c'est qu'elle savait qu'un fonds américain lui ouvrirait des portes pour se développer aux États-Unis, manière de dire qu'un fonds de capital-risque, ce n'est pas uniquement un pourvoyeur de capitaux, mais aussi une école d'entreprenariat et une structure d'accompagnement.

C'est sur ces deux derniers points que les quatre-vingt-dix fonds qui constituent l'écosystème du capital-risque français doivent encore progresser. Il faut que les grands entrepreneurs du capital-risque français aient envie d'être incubés dans un atelier parisien plutôt qu'à Londres, au sens où l'on parlait, à la Renaissance, de l'atelier de Ghirlandaio ou de Léonard de Vinci... En d'autres termes, les fonds français doivent devenir des marques de renommée mondiale, attractives pour les grands entrepreneurs. C'est déjà le cas pour certains d'entre eux comme Partech, Bpifrance, ISAI, Ventech ou Alven, qui sont de bonnes marques, même si elles ne sont pas encore au niveau des grandes Américaines, Andreessen Horowitz, Accel, Insight ou Summit.

Avant Bpifrance, ce financement du growth, ainsi que l'on désigne le capital investissement, n'existait pas en France. Il y avait là une énorme faille de marché que l'on avait pris l'habitude de désigner sous le terme de « vallée de la mort ». Nous avons donc créé le fonds Large Venture et avons fait en sorte qu'il serve de fonds de fonds à des acteurs privés, afin qu'ils créent à leur tour d'autres fonds de growth. Aujourd'hui, il en existe cinq à Paris, l'idéal étant que nous en ayons trois de plus.

Mais il n'est pas toujours évident de convaincre des acteurs privés de gérer des fonds de 500 à 600 millions d'euros, dans un monde où survit la tradition du micro-capital-risque. Pourtant, on ne pourra pas construire un écosystème français d'innovation à rayonnement mondial en ne misant que sur des fonds de 60 millions d'euros. Ce sont des fonds de 600 millions d'euros qu'il nous faut et des équipes qui savent gérer 2 milliards d'euros. On y arrivera.

Bpifrance fait sienne sans réserve une logique de puissance selon laquelle les ETI doivent devenir grandes, les PME se transformer en ETI et les TPE en PME. Parallèlement, il faut que le capital-risque français acquière un rayonnement mondial.

On ne doit donc pas parler d'éviction et, si notre part de marché diminue dans le capital-risque au profit de celles des investisseurs privés, c'est que les fonds français se développent et que les Américains, alléchés par les chiffes français, commencent à arriver.

Cela étant, soyons clair, nos ETI – en particulier dans le domaine industriel – souffrent bel et bien d'un retard considérable, qu'il faudra vingt-cinq à trente ans pour rattraper. Les erreurs commises ces trente dernières années n'empêchent pas néanmoins qu'il reste en France une industrie qui mérite d'être financée et accompagnée, et des chefs d'entreprise auxquels il faut redonner l'envie de doubler ou de tripler la taille de leur société. C'est pour moitié du conditionnement psychologique car le reste est là : les ingénieurs, la technostructure et le financement. Il faut donc convaincre les entrepreneurs de ne plus se projeter dans une croissance réduite mais dans une croissance forte.

En ce qui concerne les PIA et les 50 milliards d'euros annoncés pour l'innovation, je n'en sais guère plus que vous.

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