C'est vrai en matière de distribution, mais nous en ignorons le contenu précis. En tant qu'opérateur, nous ne participons pas au travail d'élaboration et ne sommes informés qu'à la fin. Reste que les PIA 1 et 2 ont été majeurs pour l'innovation. Ils constituent une exception mondiale que beaucoup d'États nous envient. Surtout, cette incroyable manne de capitaux publics nous a permis de rattraper en trois ans au lieu de quinze notre retard systémique dans le domaine de la French Tech. Sur le fond, ce sont donc des instruments formidables, même si, sur la forme, il y aurait à dire sur leur mode de gestion et les pratiques collaboratives, qui devraient mieux impliquer les opérateurs.
On nous annonce que le PIA 3 sera moins important. Nous savons pour l'instant qu'il comportera un ensemble de nouveaux fonds d'investissement qui nous seront confiés en gestion, notamment un fonds Frontier Venture, qui doit permettre de financer un maillon essentiel de la chaîne, entre le transfert de technologie et l'amorçage, quand le chercheur a encore sa blouse blanche et hésite à devenir entrepreneur – cela concerne notamment les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les universités. Un second fonds, tout aussi intéressant car il nous permet d'investir dans les filiales étrangères des PME et des ETI françaises, va également nous être confié en gestion. Bref, nous comptons beaucoup sur ce PIA 3 mais attendons pour l'instant l'apparition de la fumée blanche, qui nous indique que l'État a achevé de définir l'articulation des différentes actions.
Quant à notre mission de fonds de fonds, elle a pour objectif d'amorcer un écosystème de capital risque performant. Avec 1,1 milliard d'euros d'investissement dans les fonds privés français pour la seule année 2017, nous sommes le plus gros fonds de fonds européen. Ce que l'assurance vie ne fait pas, Bpifrance le fait. Nous sommes présents à hauteur de 20 % dans les fonds de capital-risque et dans les fonds de capital-développement à destination des PME, qui sont parfois assez risqués ; dans les autres secteurs, notre participation est plus faible.
Notre politique est de faire en sorte que la place de Paris héberge à terme de grandes marques du capital-investissement, dont la renommée traverse les frontières. Je ne veux pas en effet que se produise dans le monde du capital-risque et du capital-investissement ce qui s'est produit dans le secteur des chasseurs de tête, de la banque d'affaires, de l'audit, du marché de l'art, des experts-comptables et des cabinets de conseil, ces activités qui recrutent nombre de nos talents en sortie d'école et où, il y a trente ans, tous les grands noms étaient français, avant d'avoir été littéralement liquidés par les grands cabinets anglo-saxons, Ernst & Young, Spencer Stuart, Sotheby's, etc. Cela doit d'autant moins se produire pour le capital-investissement et le capital-développement que cela équivaudrait à renoncer à une partie de notre souveraineté économique, puisqu'il s'agit d'entrer au capital d'entreprises françaises.
Il est donc stratégique pour nous de soutenir l'écosystème français de fonds au travers de notre activité de fonds de fonds. En la matière, le PIA nous aide, puisque il nous confie des fonds en gestion, ce qui nous permet précisément d'augmenter nos mises de fonds – les dernières s'élevant à 100 millions d'euros par fonds.
En ce qui concerne ce qui nous différencie de l'APE dans nos participations stratégiques, j'en resterai à la doctrine publiée sur le site de l'APE, qui spécifie que cette dernière s'implique dans les grandes infrastructures souveraines, l'énergie, les aéroports et tout ce qui touche à la défense et au secteur militaire.