Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 4 juillet 2017 à 21h00
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Madame la présidente, je vous remercie de votre accueil. Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre élection, au terme d'une campagne intense caractérisée par une grande écoute de nos concitoyens, que vous avez su convaincre. Je suis heureuse et honorée d'être présente aujourd'hui devant votre commission pour vous présenter la méthode, inédite, d'élaboration de ce projet de loi d'habilitation, et surtout le cadre qu'il propose pour contribuer à la rénovation de notre modèle social.

Le Premier ministre a exposé aujourd'hui la raison du recours aux ordonnances qui, prévu par la Constitution, n'est pas aussi rare qu'on le laisse entendre. De grands textes ont été publiés par cette voie : ainsi, le gouvernement de Pierre Mauroy en a usé en 1982 pour instituer la semaine de 39 heures, la cinquième semaine de congés payés et la retraite à l'âge de 60 ans.

L'urgence de ce texte est dictée par la situation économique et sociale de notre pays. Le principe d'un premier train de réformes par le biais d'ordonnances ayant été posé par le candidat Emmanuel Macron, devenu président de la République, on ne saurait dire d'une méthode annoncée d'emblée qu'elle est une surprise. Le grand mouvement qui s'est produit lors des élections a traduit les très fortes attentes de nos concitoyens : ils ne veulent plus du statu quo mais demandent l'amélioration et le renforcement du dialogue social au bénéfice du progrès social, de la justice sociale et de la performance économique.

Votre présidente l'a rappelé, un débat parlementaire aura lieu sur la loi d'habilitation et, sur le fondement de ce mandat, le Gouvernement élaborera des ordonnances. Elles seront publiées fin septembre, avant qu'un projet de loi de ratification vous soit soumis. Le mandat est donc précisément encadré, en amont et en aval.

La méthode choisie consiste à mêler, le plus possible, démocratie sociale et démocratie politique. Nous sommes engagés dans une concertation intense avec les huit organisations représentatives des syndicats et des employeurs. Elle a commencé le 9 juin, et 48 réunions bilatérales se tiendront jusqu'au 21 juillet. Au terme de ces discussions avec eux et avec vous, le Gouvernement rédigera les projets d'ordonnances à la fin du mois d'août ; elles seront, comme elles doivent l'être, soumises aux six organisations consultatives avant d'être publiées d'ici la fin du mois de septembre. Je vois pour avantage à ce que la consultation ne soit pas terminée que les partenaires sociaux, le Gouvernement et votre commission réfléchissant de conserve, le mandat contenu dans la loi d'habilitation sera précisé de semaine en semaine jusqu'à la publication des ordonnances.

J'ai conscience que, même si le délai réglementaire de 72 heures ouvrées pour le dépôt des amendements a été respecté, l'examen du texte a lieu dans un temps court ; mais la rapidité n'empêche ni la qualité ni l'intensité des débats.

J'en reviens à l'exercice de la démocratie sociale. Les partenaires sociaux ont été reçus d'abord par le président de la République, puis par le Premier ministre et moi-même. Huit réunions bilatérales ont ensuite eu lieu au ministère. Et, comme je vous l'ai dit, mes équipes, depuis le 9 juin, ont rencontré et rencontreront chaque organisation syndicale et patronale lors de multiples réunions. À la fin de l'examen de chacun des thèmes qui se traduisent par un article du projet de loi d'habilitation, nous publions un récapitulatif. Cela a eu lieu la semaine dernière à propos du premier volet du texte, à propos duquel je pourrai donc vous en dire davantage que ce qui figure dans le projet de loi.

Pourquoi devons-nous rénover notre modèle social ? La France a une forte histoire sociale. Il ne s'agit pas de copier quelque autre modèle en faisant fi de cette histoire ; ce serait absurde et il n'en est pas question. Nos valeurs d'égalité, de justice et de liberté demeureront et continueront d'irriguer notre modèle social. Mais le monde change, et si le socle des droits fondamentaux doit rester stable, la manière par laquelle il se traduit doit évoluer. Nous ne pouvons nous limiter à répondre aux questions qui se posaient hier ; nous devons apporter une solution à celles qui se présentent aujourd'hui et anticiper celles de demain.

La première des raisons qui nous oblige à adapter, au-delà du code du travail, l'ensemble de notre modèle social, est l'internationalisation de l'économie. La mondialisation des chaînes de valeur a pour double effet la création et la destruction d'emplois. La destruction d'emplois, phénomène avéré dans certains secteurs et certains territoires, pose le problème de la protection des salariés et de la redynamisation de certaines régions, mais j'insiste sur le fait qu'en France, un emploi sur trois dans le secteur privé est lié à l'international. C'est grâce aux exportations que nos petites et moyennes entreprises, comme nos grands groupes, peuvent créer de nouveaux emplois car ils conquièrent de nouveaux marchés. Les investissements étrangers dans notre pays se traduisent par deux millions d'emplois salariés directs, et le tourisme est le vecteur d'un million d'emplois environ. La dynamique internationale est donc à la fois un atout si on sait l'utiliser et un risque réel pour certains secteurs et certaines entreprises.

Le deuxième défi qu'il nous faut affronter, celui qui aura probablement le plus d'impact au cours des années à venir, est la transformation numérique. Ce à quoi nous avons déjà assisté est sans commune mesure avec l'ampleur et l'accélération des changements à venir. Une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que corroborent de nombreux autres travaux, montre que, d'ici une décennie, 10 % des emplois sont susceptibles d'être détruits par le développement de la robotisation, de la numérisation et de l'intelligence artificielle. Parallèlement, entre 15 % et 20 % d'emplois nouveaux devraient voir le jour, tandis que – c'est sans doute la donnée la plus frappante – 50 % des emplois devraient être profondément transformés. Le défi consistera donc à adapter le marché du travail, et permettre à chaque actif de saisir ces évolutions comme une opportunité et ne pas les subir – au risque, sinon, de voir une partie de la population décrocher, incapable de bénéficier de la dynamique à l'oeuvre.

Le troisième défi qu'il nous faut prendre en considération, ce sont les nouvelles attentes des salariés. Chacun d'entre vous aura constaté au cours de la campagne électorale que les attentes des salariés – les jeunes particulièrement, mais ce ne sont pas les seuls – ne sont plus celles qu'elles étaient il y a vingt ou trente ans. Chacun, certes, cherche un travail intéressant, bien rémunéré et stable, mais de plus en plus nombreux sont ceux qui revendiquent des évolutions professionnelles tout au long de la vie. Demain, on ne travaillera plus sous le même statut et dans la même entreprise la vie durant. Ce n'est déjà largement plus le cas aujourd'hui, et très souvent, les parcours mêlent entreprenariat, salariat et autres formes d'emploi. Dans le même temps, l'aspiration à l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ainsi qu'à la recherche du bien-être et de l'efficacité au travail est beaucoup plus vive au sein des générations actuelles qu'elle ne l'était précédemment. C'est une autre raison pour laquelle nous devons gagner en souplesse et permettre de discuter ces questions dans le cadre du dialogue social.

L'ampleur de ces défis est telle que tout ne repose pas sur le code du travail sur lequel nous allons nous concentrer au cours des prochaines semaines. Notre vision de la rénovation du modèle social, que nous souhaitons partager avec votre commission et avec les partenaires sociaux, est que la réforme du droit du travail s'inscrit dans une transformation d'ensemble beaucoup plus vaste. C'est ce que j'appelle le Rubik's cube : six volets sont intriqués, qui doivent bouger concomitamment. Il faut faire évoluer le code du travail pour libérer les énergies en sécurisant la situation des salariés et celle des entreprises. Nous devrons aussi revenir sur la formation professionnelle ; des consultations commenceront dès l'automne de manière à soumettre à votre examen un texte à ce sujet au printemps 2018. Chacun admet que l'apprentissage est une priorité essentielle ; nous devrons en traiter ensemble. Le souci d'améliorer le pouvoir d'achat se traduira dans le projet de suppression des cotisations salariales d'assurance chômage le 1er janvier prochain – cela correspondra pour les salariés à un gain de 2,4 %. Ma collègue ministre des solidarités et de la santé portera la réforme des retraites. Enfin, nous pensons nécessaire de faire évoluer l'assurance-chômage pour passer d'une approche statutaire à un système axé sur les parcours des individus.

Apprentissage, assurance-chômage, formation professionnelle : ces différents éléments nous permettront de rénover le modèle social en contribuant à la sécurisation des parcours professionnels. C'est pourquoi nous envisageons de vous soumettre au printemps prochain, probablement de manière concomitante, trois textes relatifs à ces questions liées entre elles. Procéder de la sorte, c'est parier sur l'humain, définir comment protéger les salariés et, surtout, donner des atouts aux salariés et aux entreprises pour appréhender le futur.

Dans ce contexte, nous jugeons nécessaire de rénover le droit du travail en renforçant les principes de liberté et de sécurité. Contrairement à ce que j'ai entendu dire, il ne s'agit pas de liberté pour les uns et de sécurité pour les autres. Je juge que les salariés et les employeurs ont, tous, besoin à la fois de liberté et de sécurité.

Pour les salariés, la liberté consiste d'abord à pouvoir se former pour garantir la possibilité d'une évolution professionnelle, être en mesure de changer de métier ou d'entreprise, de se muer en entrepreneur, de choisir le télétravail, et aussi de participer mieux aux négociations dans l'entreprise, voire aux décisions stratégiques – bref, être acteur de sa trajectoire professionnelle. Aujourd'hui, la liberté n'est pas toujours au rendez-vous. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a ainsi montré que, dans sept cas sur dix, c'est l'employeur qui est à l'initiative de la formation, singulièrement quand on est peu qualifié : les cadres ont pris quatre fois sur dix l'initiative de leur formation mais les employés et les ouvriers ne sont que deux sur dix dans ce cas. Nous devrons traiter ce sujet dans les mois qui viennent.

La liberté, pour les entreprises, c'est celle de se réorganiser plus rapidement pour conquérir des marchés – c'est décisif dans la compétition internationale, et conquérir des marchés signifie créer des emplois en France. C'est aussi de négocier des normes adaptées à des besoins spécifiques, non pas unilatéralement mais par le biais du dialogue et de la négociation avec les représentants du personnel et les délégués syndicaux, pour conjuguer performance économique et performance sociale. Selon une intéressante étude de l'OCDE, une grande partie des entreprises dit qu'elles ne parviennent pas à intégrer les innovations à temps faute de pouvoir se réorganiser assez vite, ce qui entrave la conquête de marchés. Les gains de productivité et la création de richesse en sont limités et par ricochet, à terme, les créations d'emplois.

Mais il faut aussi plus de sécurité. Pour les salariés, la première précarité étant le chômage, la première sécurité est la compétence, dont le premier levier est la formation. De cela aussi nous reparlerons dans quelques mois. Il faut aussi une plus grande sécurité juridique des relations collectives et individuelles de travail et une sécurité des évolutions de carrière. Pour les entreprises comme pour les salariés, il faut partir du principe qu'un droit trop compliqué est un droit inaccessible : la complexité nuit à l'effectivité.

Il faut plus de sécurité pour les entreprises : sécurité juridique dans les évolutions d'organisation nécessaires, dans les négociations au service de la compétitivité et de l'emploi, dans la clarté des règles et des sanctions. Actuellement, à titre d'exemple, un licenciement sur quatre fait l'objet d'un recours en demande de dommages et intérêts devant les prud'hommes. En 2016, la durée moyenne des affaires traitées au fond est de 21,9 mois, de 29 mois en cas de renvoi en formation de départage ; le taux d'appel était de 60 %. En cas de licenciement reconnu abusif d'un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de vingt ans, la sanction infligée à l'entreprise s'étage de huit à quarante mois de salaire. Cette incertitude dissuade beaucoup de petites entreprises d'embaucher ou de transformer les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Quant aux salariés, ils éprouvent un sentiment d'iniquité face à la variation des jugements prononcés.

Rénover notre droit du travail, c'est cela : donner plus de liberté et plus de sécurité aux salariés et aux entrepreneurs par le renforcement du dialogue économique et social dans les entreprises et dans les branches. Ce faisant, nous sommes dans la continuité de l'histoire sociale française. Il ne s'agit pas de détruire l'existant, de plaquer un modèle, mais, sur la base des fondations connues, de donner un plus grand espace d'initiative, permettant de négocier au sein de l'entreprise et de la branche pour anticiper les évolutions.

Cette conviction n'est pas théorique, et je remercie les huit organisations patronales et syndicales qui ont toutes participé au débat et fait des propositions. Femme de terrain depuis quarante ans, j'ai pu vérifier d'expérience quel levier de performance économique est le dialogue social de qualité et combien la performance économique peut permettre plus de justice sociale et de partage. C'est ce que j'appelle le dialogue économique et social.

Le premier volet du projet de loi d'habilitation porte sur la bonne articulation des niveaux de négociation et des possibilités d'intervention de la négociation collective, pour donner plus de capacité d'initiative aux entreprises et aux salariés. C'est l'objet de l'article premier.

Pour lever toute ambiguïté, je tiens à souligner que ce projet n'emporte pas l'inversion de la hiérarchie des normes. La loi demeure le socle fondamental des droits et des devoirs qui s'appliquent à tous les citoyens et le socle législatif du code du travail est évidemment la matrice donnant les règles générales, encadrant l'ensemble des acteurs et définissant les relations de travail entre les salariés et les employeurs dans un souci de justice, de protection et d'efficacité. Pour autant, ce code n'a pas vocation à savoir exactement ce qui se passe chaque jour dans les millions d'entreprises employant des salariés en France. C'est pourquoi l'articulation entre l'entreprise et la branche est aussi importante.

Pourquoi la branche, se demandera-t-on ? Il se trouve que le nombre de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) est très élevé dans notre pays et que, considérant ne pas être en mesure de tout négocier à leur propre niveau, elles souhaitent des repères. D'autre part, il existe des domaines où, en accord avec les partenaires sociaux et, je l'espère, avec vous, nous considérons que la branche est le niveau de discussion adéquat. En conséquence, nous sommes favorables à une plus grande marge de manoeuvre dans l'accord d'entreprise, tout en renforçant la branche dans son rôle de régulateur économique et social. En bref, notre approche n'est pas « ou l'entreprise, ou la branche » mais bien le renforcement du dialogue social dans les deux cas.

Cela suppose évidemment que, pour jouer pleinement ce rôle, les branches soient rapidement plus fortes, moins nombreuses et mieux structurées. Une loi précédente a déjà donné pour cap la réduction à 200 des 750 branches existantes. L'éventuelle accélération de ce calendrier sera étudiée.

L'articulation actuelle entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise est complexe et insécurisée dans une grande majorité de champs de la négociation. Or, je l'ai dit, la complexité ne favorise pas le dialogue social. C'est pourquoi nous souhaitons clarifier ce qui relève du niveau de la branche et ce qui relève du niveau de l'entreprise.

D'autre part, les entreprises ne sont pas suffisamment encouragées à privilégier la norme négociée avec les délégués syndicaux et les représentants du personnel par rapport à la décision unilatérale de l'employeur. Il doit y avoir une incitation à privilégier le dialogue social.

Enfin, la loi ne peut tenir compte des spécificités économiques et sociales des secteurs d'activité, qui pourraient être mieux régulés par des accords de branche.

Compte tenu de ces éléments et la concertation sur ces questions étant achevée, je puis vous dire ce vers quoi nous tendons pour clarifier et sécuriser l'articulation entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche.

Nous pourrions répartir les domaines de négociation en trois blocs. Le premier bloc serait constitué des domaines dans lesquels les accords de branche priment de manière impérative et systématique sur les accords d'entreprise. Il s'agirait, au minimum, des minima conventionnels, des classifications, de la mutualisation des financements paritaires – fonds de financement du paritarisme, fonds de la formation professionnelle, fonds de prévoyance, complémentaire santé et compléments d'indemnité journalière. Pourrait aussi figurer dans ce premier bloc, ce qui serait un progrès par rapport à l'existant, la négociation relative à la gestion et à la qualité de l'emploi – durée minimale du temps partiel et compléments d'heures, nouvelle régulation des contrats courts, conditions de recours au contrat à durée indéterminée (CDI) de chantier. En l'absence d'accord de branche spécifique, c'est la loi actuelle qui continuerait de s'appliquer dans l'entreprise ; mais si, dans la sagesse du dialogue social, on parvient à trouver un accord mieux adapté et convenant aux employeurs comme aux syndicats de salariés, nous autoriserions les branches à le faire. Enfin, demeurerait obligatoire au niveau des branches la définition des modalités de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dont le principe est énoncé dans la loi.

Le deuxième bloc serait constitué des domaines pour lesquels la branche peut décider, sans y être obligée, de faire primer son accord sur les accords d'entreprise. Il en serait ainsi de la prévention des risques professionnels et de la pénibilité, du handicap et des conditions et moyens d'exercice d'un mandat syndical, incluant la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière, domaine dans lequel nous ressentons collectivement qu'il faut progresser.

Le troisième bloc, enfin, serait constitué des domaines qui ne figurent pas dans les deux blocs précédents. La primauté serait en ce cas accordée à l'accord d'entreprise. Cela signifie que lorsqu'il existe un accord d'entreprise majoritaire et un accord de branche sur la même thématique, l'accord d'entreprise prime puisque la branche n'a pas décidé d'en faire un thème obligatoire. Néanmoins, lorsqu'il n'existe pas d'accord d'entreprise, c'est l'accord de branche qui s'applique.

Par ces aménagements qui peuvent sembler techniques, nous ouvrons la porte à l'innovation sociale dans les entreprises, ce à quoi, j'en suis convaincue, les entreprises et les organisations syndicales aspirent avec force.

L'article 2 du projet de loi d'habilitation a trait au renforcement du dialogue social et économique dans l'entreprise. Entre dans ce cadre la fusion de trois des quatre instances d'information-consultation du personnel – comité d'entreprise, délégués du personnel et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – ; la question du dialogue social dans les TPE et PME, reposant actuellement sur un dispositif qui, pour des raisons connues de tous, fonctionne mal ; le renforcement des acteurs et de la formation dans les TPE et PME.

Si nous proposons de fusionner trois des instances représentatives du personnel mais pas la quatrième – les délégués du personnel, qui ont le pouvoir de négociation –, c'est que la fusion envisagée permettra déjà de simplifier le dispositif et aussi de mieux faire appréhender la dimension sociale de l'entreprise. Lors des réunions du comité d'entreprise, on parle de la marche des affaires et de l'organisation ; puis, l'après-midi, quelqu'un d'autre traite, au CHSCT, de la santé, de la sécurité et des conditions de travail – comme si ces sujets n'étaient pas intimement liés ! Dans le rapport, intitulé Bien-être et efficacité au travail, que Henri Lachmann, Christian Larose et moi-même avons rendu au Premier ministre en février 2010, il apparaissait clairement que les risques psycho-sociaux ne découlent que partiellement de comportements individuels : ils résultent bien plus largement de l'éloignement de la prise de décision, et de l'organisation du travail. Que, demain, dans la même instance, même si se forment des commissions spécialisées, on ait une vision économique et sociale d'ensemble de l'entreprise, et se renforcera un dialogue social de qualité qui permettra aux entreprises d'évoluer dans une recherche constante de convergence entre l'intérêt des salariés et celui de l'entreprise. Cette approche, que beaucoup d'entreprises expérimentent avec succès, nous paraît extrêmement importante.

Si le dialogue social dans les TPE et PME nous paraît aussi important, c'est que ces dernières regroupent 55 % des emplois en France et que les marges de création d'emplois y sont plus importantes que dans les grandes entreprises. Bien sûr, il ne sera pas simple de faire évoluer ce dialogue, tant nous sommes attachés au modèle actuel.

Enfin, j'en viens à la sécurisation juridique des relations de travail. Il n'y a pas de modèle social durable si les règles qui s'y appliquent sont incertaines. Il est problématique que les entreprises qui veulent se réorganiser ou faire évoluer leurs effectifs ne connaissent pas parfaitement les règles du jeu. Le cas particulier des employeurs contraints, pour de pures raisons de forme, de verser des dommages et intérêts aux salariés licenciés, en sus de leurs indemnités légales et conventionnelles, n'est pas très fréquent, mais il a des effets considérables car il dissuade les employeurs d'embaucher. Prenons l'exemple frappant d'un boulanger employant cinq salariés. Un concurrent s'installe en face de sa boulangerie. Le boulanger, perdant 25 % de ses parts de marché, doit licencier un salarié. S'il oublie de préciser dans sa lettre de licenciement que le poste de ce salarié est supprimé, il sera condamné par les prud'hommes. Les employeurs qui se retrouvent dans une telle situation se comptent par dizaines de milliers. Une telle insécurité juridique, surtout dans les TPE et PME, n'est pas bénéfique aux salariés. Lever ces rigidités et ces incertitudes renforcera la confiance dans le dialogue social et permettra de poursuivre le mouvement, déjà engagé au cours de ces dernières années, de renforcement de la conciliation en amont et de diminution du nombre de recours contentieux prud'homaux. Il est de l'intérêt général qu'employeur et salariés puissent se mettre d'accord le plus possible.

Telles sont les principales mesures que nous envisageons dans le projet de loi d'habilitation. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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