Avant de débuter mon intervention, je tiens, au nom des députés du groupe La République en marche, à remercier Mme la ministre et son cabinet pour leur disponibilité, pour leur réactivité et pour les éclaircissements qui viennent de nous être apportés sur le projet de loi. Compte tenu de votre expérience, madame la ministre, vous avez toute la légitimité pour mener cette réforme. Soyez assurée du soutien des députés de mon groupe.
Le chômage de masse s'est installé depuis longtemps en France et pèse sur notre société. La réforme du dialogue social a été annoncée tout au long de cette campagne : c'est l'un des grands chantiers du quinquennat à venir. Conformément aux engagements du Président de la République, nous allons engager une rénovation profonde de notre modèle social, en concertation avec les partenaires sociaux.
Deux impératifs guident cette réforme, qui vise au renforcement du dialogue social et à la sécurisation des entreprises comme des salariés : la liberté et l'égalité. En luttant contre les rigidités, qui sont autant de freins à l'emploi, c'est plus de sécurité et de protection que nous offrons aux individus. Notre droit du travail ne peut se contenter de protéger ceux qui travaillent déjà : il doit aussi permettre l'accès à l'emploi. Nous devons libérer le travail et inciter tout un chacun à prendre des responsabilités dans un dialogue social rénové.
Avec ce texte, il ne s'agit donc pas seulement de réformer notre droit du travail, mais bien de réformer l'ensemble de notre modèle social. Vous l'avez rappelé, cette loi d'habilitation n'est que le premier volet d'un programme bien plus ambitieux, que proposera le Gouvernement au cours des cinq années à venir.
Le projet de loi d'habilitation présenté ce soir poursuit trois objectifs : élargir le champ de la négociation collective, simplifier le dialogue social, assurer la sécurité juridique des employeurs et des salariés.
Je pense notamment à l'article 2, qui prévoit la fusion des instances représentatives du personnel en une seule entité : cette disposition contribue pleinement à la logique de simplification qui est celle du Gouvernement. L'article met un terme à des effets de seuil qui dissuadent aujourd'hui les entreprises ne souhaitant pas créer d'instances représentatives supplémentaires d'embaucher des salariés. On renforce aussi les prérogatives de cette instance en regroupant l'ensemble des sujets importants pour la vie de l'entreprise en un lieu unique. On renforce ainsi la démocratie sociale, objectif premier de cette réforme.
Je pense aussi à la primauté de la négociation collective, prévue par l'article 1er : tout en préservant les principes intangibles de notre droit, le texte prévoit de définir l'ensemble des domaines dans lesquels l'accord d'entreprise pourra déroger aux accords professionnels, interprofessionnels ou de branche. Ainsi, nous rapprochons la négociation collective du terrain. Les acteurs de l'entreprise n'ont-ils pas un rôle à jouer dans la définition de la norme ? On a parfois l'impression que ce sont les plus concernés qui sont le moins associés à cette définition. Notre groupe considère qu'il faut faire confiance aux individus, aux acteurs de terrain, et arrêter de donner à penser que les défenseurs des salariés seraient tous par nature « légicentristes ». Que l'on songe au regretté Edmond Maire, ancien secrétaire général de la CFDT, qui, je crois, n'a rien à envier à ceux qui s'autoproclament défenseurs des salariés !
Les Français ont fait le choix d'accorder leur confiance à cette majorité et approuvent l'engagement clair du Président de la République. Aujourd'hui, ils attendent de nous que nous agissions avec responsabilité et efficacité et que nous obtenions rapidement des résultats. La méthode des ordonnances répond à cet impératif d'urgence. En tant que parlementaires, nous laissons ainsi une marge de manoeuvre plus large au Gouvernement pour discuter directement avec les partenaires sociaux, conformément à l'esprit de cette réforme. Madame la ministre, vous avez rappelé tout à l'heure que les ordonnances étaient loin d'être toujours synonymes de régression sociale. Vous avez notamment évoqué celles de 1982, qui ont permis la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures et bien d'autres avancées en matière de droit social. Ainsi, nous n'effaçons pas des années de lutte sociale mais partons simplement d'un constat simple : notre droit du travail est aujourd'hui en grande partie dessiné pour les grandes entreprises industrielles, quand 55 % des emplois en France sont dans les PME et les TPE. Nous avons donc un objectif clair : donner à tous les salariés et à toutes les entreprises la liberté et la sécurité nécessaires pour faire converger performance sociale et performance économique. En amont, et tout au long de la procédure législative, le Gouvernement a discuté et continue à dialoguer avec les partenaires sociaux afin que la loi soit élaborée en lien avec ceux qui seront chargés de l'appliquer. La qualité de cette concertation a d'ailleurs été unanimement saluée par différents dirigeants syndicaux. Cette concertation va en effet beaucoup plus loin que ce qu'impose le code du travail.
Si votre exposé a été précis et détaillé, j'ai néanmoins plusieurs questions à vous poser. Sans entrer dans le détail des négociations avec les organisations syndicales et patronales, pourriez-vous nous dresser un premier bilan du cycle de concertations qui s'est achevé à la fin du mois de juin ? Grâce à cette loi, vous souhaitez faire du dialogue social un élément prépondérant au sein de l'entreprise, et non plus seulement au niveau de la branche, et faire en sorte que les règles du jeu soient décidées au plus près du terrain. Quelles pistes entendez-vous suivre, compte tenu du fait que seules 4 % des entreprises de onze à quarante-neuf salariés ont un délégué syndical pour négocier un accord ? Enfin, notre pays se caractérise malheureusement par un faible taux de syndicalisation : environ 11 %. Comment comptez-vous redonner à nos concitoyens confiance dans le dialogue social ?