Nous sommes, nous aussi, heureux d'être là ce soir, et nous le sommes d'autant plus que nous avions déposé il y a deux ans une proposition de loi, rejetée à l'époque par ceux-là mêmes qui soutiennent ce projet de loi aujourd'hui – puisque M. Macron était alors ministre de l'économie –, et dont certaines dispositions se retrouvent dans ce projet de loi d'habilitation. Il est dommage que nos propositions n'aient pas été prises en compte à l'époque : nous aurions pu gagner un peu de temps.
Concernant la méthode retenue, vous avez raison, madame la ministre, de souligner que le recours aux ordonnances est prévu par la Constitution. Vous avez fait référence à 1982. Mais il s'était déjà écoulé un certain temps entre le début du septennat de François Mitterrand et le recours aux ordonnances à cette date. Le Gouvernement agit aujourd'hui dans la précipitation alors que le Président de la République nous a expliqué à Versailles qu'il ne fallait pas légiférer ainsi mais prendre notre temps, réfléchir et avancer dans une large concertation. L'article L. 1 du code du travail impose une concertation avec les partenaires sociaux : vous l'avez appliqué de sorte que la règle est respectée. Mais il serait bon que le Parlement soit lui aussi respecté dans cette affaire. La concertation sociale n'est encore pas terminée que nous sommes dès aujourd'hui amenés à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous ne sommes pas en terrain connu puisque plusieurs sujets n'ont pas encore été tranchés en matière de dialogue social. Il nous est donc difficile de prendre une position définitive sur ce texte.
Certains sujets ont été tranchés, tels que l'articulation entre la branche et l'entreprise. Le compromis qui a été trouvé à ce sujet, correspondant peu ou prou à ce que nous avions proposé à l'époque, nous satisfait. La branche reste régulatrice et peut garder la maîtrise de certains sujets qui seront définis à l'avance, parmi lesquels la pénibilité. D'autre part, l'accord d'entreprise est étendu. En revanche, sur le reste, le mystère reste entier. Qu'allez-vous proposer concernant les modalités de négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Vous nous avez indiqué que la concertation était actuellement en cours sur ce point : c'est ennuyeux, car vous avez également rappelé que la majorité des entreprises en France comptait moins de 50 salariés. Nous sommes donc en train de délibérer sur un texte qui reste imprécis s'agissant de plus de la moitié des entreprises concernées. L'extension de la primauté de l'accord d'entreprise n'est équitable que si l'on facilite réellement la négociation dans les entreprises qui n'ont pas de délégué syndical, voire qui n'ont pas d'instance représentative du personnel. Pouvez-vous nous présenter l'état actuel de la concertation sur cette question ?
Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) entrent dans le champ de l'habilitation législative. Or, elles n'ont pu entrer en fonction qu'au début du mois de juillet, sous réserve, d'ailleurs, que les textes aient bien été appliqués dans les délais. Comment comptez-vous mettre en place le compte pénibilité, sachant que les dix critères qui ont été définis posent des problèmes d'application, en particulier dans les PME et TPE ?
Plus globalement, les calendriers de la négociation sociale et du Parlement étant totalement imbriqués – et ce, dans un certain désordre –, comment envisagez-vous d'informer le Parlement des avancées de la concertation au jour le jour ? Cet après-midi, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a semblé indiquer que la concertation allait se poursuivre, évoquant les partenaires sociaux mais pas les parlementaires. Cela veut-il dire que ces derniers seront exclus de cette concertation et de la préparation définitive des ordonnances ?