Le groupe Les Constructifs se félicite que nous commencions la législature en abordant le sujet délicat qu'est la réforme du marché du travail. Au-delà du seul droit du travail, c'est bien d'emploi qu'il est question dans ce texte – l'emploi qui, je le rappelle, a donné lieu à l'un des échecs les plus lourds du quinquennat précédent, l'inversion annoncée de la courbe du chômage ne s'étant jamais produite. L'évolution de l'emploi permettra à nos concitoyens de juger de la présente législature.
La réforme du droit du travail est, de longue date, un sujet délicat, devenu encore plus sensible depuis l'adoption de la loi dite El Khomri et la cristallisation d'une opposition aux dispositions de ce texte. Il est donc souhaitable de dépassionner le sujet pour aboutir à une réforme qui puisse rassembler le plus grand nombre sur des principes nouveaux et des mesures vraiment structurantes. De ce point de vue, la méthode de concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux nous semble – pour le moment – intéressante.
En revanche, notre groupe regrette vivement que sur ce sujet sensible, les travaux de l'Assemblée nationale commencent mal. Passe encore que le Gouvernement ait choisi de procéder par ordonnances – c'est son droit, même si cela ne me semble guère aller dans le sens des propos tenus par le Président de la République sur la revalorisation du Parlement. Mais les parlementaires que nous sommes n'ont disposé que de bien peu de temps entre l'adoption du projet de loi en Conseil des ministres, le début de son examen en commission aujourd'hui et le délai limite de dépôt des amendements hier en fin d'après-midi, alors que les auditions préalables n'ont même pas encore eu lieu. Il faut bien admettre que le Parlement a connu des conditions de travail plus respectueuses. Nous souhaitons vivement que ces conditions de travail soient davantage prises en compte à l'avenir.
Notre groupe voit dans la réforme proposée l'occasion d'une mise à jour de notre législation du travail autour de trois objectifs : un droit du travail plus lisible pour l'employeur comme pour le salarié, parce que davantage en phase avec les réalités vécues par la communauté de travail au sein de l'entreprise ; un droit du travail plus souple, qui prenne en compte l'émergence de nouvelles formes de relations de travail – en lien, notamment, avec des innovations technologiques toujours plus rapides ; un droit du travail qui concilie la sécurité du salarié sur son lieu de travail et, plus largement, dans le cadre de sa relation de travail, avec la sécurité juridique de l'employeur ; enfin, un droit du travail qui repose davantage sur la négociation dans l'entreprise, sans pour autant nier le cadre régulateur de la branche professionnelle. Notre groupe sera d'ailleurs vigilant sur ce point particulier, car s'il est indispensable de développer la négociation et les accords d'entreprise afin de mieux prendre en compte la réalité vécue par chacun au quotidien, il convient dans le même temps de prendre garde que cette orientation ne soit pas propice à l'installation d'une situation de concurrence déloyale entre les entreprises. De ce point de vue, tant les dispositions législatives de l'ordre public social figurant dans le code du travail que celles relevant du cadre collectif des accords de branche sont d'une absolue nécessité.
En revanche, nous regrettons que dans le cadre de la refonte des instances représentatives du personnel, le secteur public ne soit pas visé dans le texte. Il nous paraît curieux que le Gouvernement continue à appliquer deux poids et deux mesures aux secteurs public et privé.
Une autre lacune de ce texte concerne le traitement des effets de seuil qui dissuadent certaines entreprises d'embaucher un onzième, un vingt-et-unième ou un cinquantième salarié.
Alors que l'on veut revaloriser le dialogue social, le financement des organisations syndicales n'est pas non plus abordé dans le projet de loi. Or, ce financement a fait l'objet de nombreuses études, notamment du rapport Perruchot, auquel j'avais participé, et que la majorité de l'époque n'avait pas souhaité rendre public.
J'évoquerai également le problème récurrent des indemnisations prud'homales. Sous le quinquennat précédent, le sujet avait été abordé dans le projet de loi dit Macron, puis retiré du texte. Nous aimerions avoir l'assurance que le plafond prévu par la réforme pour ces indemnisations ne devienne pas demain un plancher voire une norme, comme cela arrive souvent.
Enfin, comme le président de notre groupe l'a rappelé dernièrement, nous souhaiterions que les groupes politiques soient associés à la rédaction de ces ordonnances.