Intervention de Adrien Quatennens

Réunion du mardi 4 juillet 2017 à 21h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

« Emmanuel Macron l'avait annoncé, nous le faisons. » Tels furent vos mots et, avant cela, ceux de M. le Premier ministre. C'est la seule justification que nous ayons obtenue de votre part quant à la nécessité de recourir aux ordonnances. Au-delà du caractère autoritaire que revêt cette procédure, je souhaite vous faire part, comme certains de mes collègues, de notre émotion face à la méthode que vous appliquez. Nous sommes convoqués ici en session extraordinaire. Beaucoup d'entre nous ne disposent pas encore de leur bureau ni même des collaborateurs qu'ils doivent encore recruter. La plupart d'entre nous découvrent les règles de l'Assemblée nationale mais, visiblement, dans un pays où l'urgence sociale est criante, où il y a neuf millions de pauvres et tant d'autres problèmes, la priorité absolue de votre Gouvernement est de légiférer sur ce sujet. Nous ne comprenons guère les raisons de cet empressement, sinon qu'il s'agit d'empêcher le pays de prendre conscience de l'ampleur de ce que vous vous apprêtez à faire. Qui est menacé d'asphyxie à très court terme si votre projet de loi n'est pas adopté ? Les Françaises et les Français qui ont la chance de partir en vacances découvriront probablement à leur retour que votre Gouvernement aura été habilité à légiférer sur à peu près tout ce qui concerne l'ordre social des 18 millions de personnes travaillant dans le secteur privé.

Indépendamment de la méthode retenue, il nous est difficile d'analyser ce projet de loi puisque vos intentions sont assez floues. C'est, pour beaucoup d'entre nous, par voie de presse – par des fuites auxquelles vous avez violemment réagi – que nous avons appris quelles étaient ces intentions. Finalement, la trajectoire de la « marche » dont la majorité se réclame semble se préciser. En l'état, ce projet de loi permet absolument tout. Sous couvert d'un exposé des motifs qui ferait passer des vessies pour des lanternes, vous vous apprêtez à renverser la hiérarchie des normes puisque vous faites de l'accord d'entreprise la règle et que vous reléguez au second plan l'accord de branche. Nous en venons, avec ce projet de loi, à l'équivalent d'un code du travail par entreprise, ce qui est à peu près aussi absurde et accidentogène que s'il y avait autant de codes de la route que de rues. La fusion des instances représentatives du personnel consacre au niveau législatif la baisse des moyens alloués aux organisations syndicales. Vous proposez également de faciliter les licenciements économiques.

Vous invoquez souvent, au sein du Gouvernement, la liberté et le dialogue social : c'est un déni du rapport de force qui existe dans l'entreprise. Je citerai la formule célèbre selon laquelle, « entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Madame la ministre, vous avez récemment parlé du code du travail en des termes peu flatteurs, affirmant qu'il n'était fait que « pour embêter 95 % des entreprises ». Or, il est le fruit d'une histoire, faite de luttes et d'acquis très importants. De plus, le ministère à la tête duquel vous avez été désignée a été créé pour protéger les salariés. Derrière les poncifs qu'utilise votre majorité se cache une forme de dureté sociale. Pourtant, les études de l'OCDE comme le bilan du quinquennat précédent prouvent qu'il n'y a pas de corrélation entre la remise en cause des droits des travailleurs et la baisse du chômage. Votre Gouvernement comme votre majorité prospérant en semant la confusion, notre travail consistera à dissiper l'écran de fumée qui vous permet d'agir de la sorte.

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