Intervention de Bertrand Mathieu

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Bertrand Mathieu, professeur de droit public à l'Université Panthéon Sorbonne Paris I, conseiller d'État en service extraordinaire :

M. Pradié aborde la question de l'érosion des principes fondamentaux. Je prendrai un seul exemple, presque un cas d'école, celui de la gestation pour autrui. Elle fait l'objet d'un interdit majeur, essentiellement par souci de protéger les femmes et les enfants qui en naîtraient. Indépendamment du législateur, le juge, en l'espèce la Cour de cassation, poussée par l'aiguillon de la Cour européenne des droits de l'homme, dit qu'il faut quand même prendre en considération de l'intérêt de l'enfant né par GPA. Donc, pour prendre en compte, de façon légitime, l'intérêt d'un enfant, on met en cause un système protecteur des femmes et des enfants.

Monsieur Collard, oui, il faut réfléchir sur la fonction du législateur – laissons de côté Michel Villey. En 1789, lorsque la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est rédigée par des législateurs comme vous, ils affirment comme position de principe que les hommes naissent libres et égaux en droit. Elle est totalement arbitraire en soi, mais c'est sur cela que l'on va construire le système. La Déclaration reconnaît à l'homme des droits « naturels et sacrés » : ce sont des mots qui veulent dire quelque chose, on ne peut pas se contenter de dire que, vu telle évolution dans la société, on va adapter le droit. Le droit ne peut pas être seulement émotionnel – ce qui joue un rôle fondamental en matière de bioéthique, un rôle pervers même. Nous éprouvons tous des émotions en tant qu'être humain, très bien. Mais le législateur et le juge doivent éviter d'en avoir trop. Ensuite, le législateur n'est pas un notaire, mais il n'est pas non plus le wagon derrière la locomotive de la science.

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